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du 4 au 6 décembre 2006 (semaine 49)
 

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2006-12-06 -
LA TURQUIE N'EST PAS TOUT L'ISLAM

Rarement visite papale aura été autant commentée et sujette à controverse que celle, de quatre jours, effectuée par Benoît XVI en Turquie. Nous citons ici un extrait de La Tribune d'Alger, qui fait le point des limites du soutien papal à la Turquie.

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Mais d'abord il y a cette confusion, sciemment amplifiée avant le voyage du souverain pontife, qui se doit d'être levée : les manifestations d'hostilité à la visite du souverain pontife ont été quasiment insignifiantes et n'ont rassemblé que quelques dizaines de personnes. Les Turcs, dans leur écrasante majorité, peuple et gouvernants, ont honoré à cette occasion les traditions d'hospitalité musulmane.

" Pourtant, les héritiers de la Sublime Porte, comme du reste de très nombreux musulmans dans le monde, ne manquaient pas de raisons, sinon d'exprimer leur colère, du moins un désappointement à la suite des propos -incompris, semble-t-il- du chef de l'Eglise catholique sur la violence intrinsèque de l'islam. Lors d'une leçon académique à Ratisbonne, en Allemagne, le 12 septembre 2006, le pape avait choqué en exhumant une vieille anecdote byzantine sur la prédilection de la religion islamique pour le glaive.

"Homme d'Etat, le pape, dont c'était la première visite en terre d'islam, a fait le seul choix qui s'imposait, diplomatiquement parlant, celui d'aller au-devant de ceux que ses propos ont pu blesser. Et démontrer, sur le terrain, son attachement à l'une des missions que s'est assignée son Église, qui tenait tant à coeur à son prédécesseur, Jean-Paul II, au dialogue des religions pour favoriser le rapprochement et battre en brèche l'hypothèse du choc des civilisations.

"Sur le volet ultrasensible de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, Benoît XVI n'a pas changé les limites du terrain qu'il a précédemment délimité. Les analystes ont relevé dans l'ensemble qu'il est resté ferme sur les conditions d'entrée d'Ankara dans l'UE, en appelant au respect de la liberté religieuse.

"Trois points de son discours d'Ankara du 28 novembre, judicieusement sélectionnés par le quotidien français la Croix, en disent long sur la vision du pape à ce sujet : «Le développement récent du terrorisme et l'évolution de certains conflits régionaux ont par ailleurs mis en évidence la nécessité de respecter les décisions des institutions internationales et de les soutenir aussi.» «Respecter les droits de l'Homme, respecter la Charte de l'ONU, respecter l'égalité en particulier celle des sexes.» «[ ] Notamment en faisant le choix d'un régime laïque, avec une claire distinction entre la société civile et la religion, chacune étant autonome dans son propre domaine tout en respectant la sphère de l'autre.»

"La Turquie doit mériter son acceptation par l'Europe en adoptant les grandes valeurs sur lesquelles est bâtie la civilisation occidentale. «Aux sources de la Turquie moderne se trouve le dialogue avec la raison européenne, avec sa pensée, son mode de vie, pour être réalisé dans un contexte historique et religieux différent», a déclaré le Saint-Père qui n'a pas omis d'évoquer le souvenir du fondateur de l'Etat laïque turc moderne, Mustafa Kemal Atatürk, qui s'est largement inspiré de la Constitution française, dans les années 20 du siècle dernier.

"Une question taraude nos esprits : combien de pays musulmans, en particulier ceux qui n'ont pas la prétention d'intégrer la communauté européenne, peuvent répondre aux «conditionnalités» du Saint-Siège ? La réponse va de soi.

"Hormis la Turquie, aucun Etat musulman ne prône la laïcité dans sa Constitution ; le Liban fait exception avec un confessionnalisme-communautariste codifié. Pis, dans la majorité de ces pays, l'Etat s'attribue la religion comme modèle de gouvernance, dite «religion d'Etat».

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"La question palestinienne et l'exceptionnelle gravité de la situation en Irak ont, pour ainsi dire, été passées sous silence par le pape lors de son voyage turc, alors qu'il est patent que les deux conflits -pour ne citer que ceux-là- recouvrent aussi des enjeux économiques et privent des peuples de leurs richesses injustement accaparées par d'autres. Autant dire qu'avec la persistance de tels conflits, les conditions du «politiquement correct» papal apparaissent bien rédhibitoires pour des dirigeants arabes et musulmans qui seraient mal venus de tenter de promouvoir des modèles de laïcité à l'occidentale. Autrement dit, il reste à l'Occident à faire preuve d'exemplarité pour que le monde arabo-islamique digère en douceur ses valeurs essentielles comme la démocratie, la laïcité, la modernité." (source : Allafrica)

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