LE CARÊME -TEMPS DE DIEU
"C'est le moment favorable."(2 Corinthiens. 6. 2)

La réconciliation et les pénitents d'autrefois

Aux premiers siècles de l'Eglise
Confession secrète et pénitence publique
Evolution des rites
Avec le temps et selon les Eglises
Pénitence, indulgence et pèlerinage
De la pénitence publique à la pénitence privée


AUX PREMIERS SIECLES DE L'EGLISE

La pénitence publique ne concernait que les fautes " graves " manifestes tandis que les fautes " légères et quotidienne " étaient lavées par les multiples demandes de pardon et par les retours au Seigneur que doit comporter toute vie chrétienne, ne serait-ce que par la récitation spirituellement vécue du " Pardonnez-nous nos offenses " du Notre Père, ou la reprise fréquente de " Prends pitié de moi qui suis pécheur " et qui deviendra vite en Orient la " prière à Jésus ".

La distinction entre fautes graves et fautes légères évoluera avec le temps, mais elle ne coïncidait pas avec ce que la théologie morale appelle péché mortel et péché véniel.

CONFESSION SECRETE ET PENITENCE PUBLIQUE

Jusqu'au 5ème siècle, le chrétien qui avait commis une faute grave, devait en faire l'aveu secret, à l'évêque ou à son représentant. Saint Augustin nous dit que ceux-ci, apportait au pénitent la lumière de l'évangile sur la faute commise et l'exhortait à une pleine conversion.

Il était mis au rang des pénitents pour un temps déterminé de pénitence publique, même si la faute restait secrète. A la fin de ce temps, il était réconcilié par l'évêque en recevant l'absolution. La durée de cette pénitence a beaucoup varié selon les régions.

Il est sûr que la pénitence publique, comme le catéchuménat, est une institution plus ancienne que le carême, mais que le carême, lorsqu'il s'organisa dans l'Eglise, devint comme le temps privilégié pendant lequel la communauté des baptisés se sent concernée par les catéchumènes et les pénitents pour les soutenir, les accompagner et les éclairer.

L'EVOLUTION DES RITES

Peu à peu les traditions évoluèrent. Dans certaines Eglises locales, les catéchumènes et les pénitents étaient renvoyés avant la célébration eucharistique. Dans d'autres, à l'inverse des fidèles qui se tiennent debout, les pénitents pouvaient assister à la célébration eucharistique, mais agenouillés, puisqu'ils ne peuvent ni offrir ni communier.

A chaque messe, ils doivent recevoir l'imposition des mains de l'évêque ou du célébrant qui dit sur eux une prière. La liturgie hispanique mozarabe et la liturgie ambrosienne contiennent une invocation " pour les prisonniers et les pénitents. "

Pour Tertullien ou saint Augustin, il semble bien que le but de la pénitence publique n'est pas de le marginaliser, de le faire expier ou de l'humilier, mais plutôt de faire prier toute la communauté pour le pécheur.

Les Eglises d'Occident n'avaient qu'une seule célébration annuelle de réconciliation des pénitents, au moment de Pâques. Sans doute dans la vigile pascale, mais elle est placée le jeudi saint à Rome et à Milan, le vendredi saint en Espagne, de telle façon que les pécheurs puissent participer à l'eucharistie de Pâques.

La liturgie mozarabe du vendredi saint chante le psaume du " Miserere " avec comme refrain après chaque verset, la prière du bon larron, " Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume. " Suit une litanie où les fidèles chantent en refrain " pardon, pardon " .

Dans la liturgie romaine, il n'y a aucune participation populaire. C'était le diacre qui priait l'évêque de réconcilier le pénitent par son intercession sacerdotale

AVEC LE TEMPS ET SELON LES EGLISES

Avec le temps, et d'une manière diverse selon les Eglises locales, nous voyons se développer toute une liturgie. On peut constater entre le 9ème et le 10ème siècle, que l'évêque impose désormais cilice et les cendres, pratique qui jusque là était libre et volontaire.

On assiste même à un retournement du rite : au lien de l'entrée ecclésiale dans le groupe des pénitents, on assiste maintenant à l'expulsion des pénitents hors de la communauté chrétienne. Pendant le carême, le pénitent public ne devra pas entrer à l'église.

Le symbolisme de réintégration va s'exprimer de la manière la plus visuelle possible dans la liturgie de la réconciliation, le jeudi saint, où l'évêque ramène en farandole les pénitents réconciliés, en tenant par la main le premier d'entre eux tandis que tous les autres se donnent la main.

A l'époque de Charlemagne, tant dans la liturgie de l'expulsion que de la réintégration, la communauté chrétienne, la communauté prie avec les sept psaumes que nous appelons " psaumes de la pénitence ".

PENITENCE, INDULGENCE ET PELERINAGE.

Depuis plusieurs siècles déjà, on assistait au passage de la pénitence publique antique à des formes nouvelles d'institution et de liturgie pénitentielles autres. La pénitence publique avait fini par être un échec. Elle était trop rigoureuse et les pécheurs ne voulaient pas s'y soumettre. Même une pénitence adoucie ne suffisait pas à remédier à la situation.

Dans les Eglises celtiques et peu à peu dans tout l'Occident on assistait à une pratique pénitentielle nouvelle dans laquelle, dès le 9ème siècle, le prêtre qui a reçu la confession commence parfois à accorder immédiatement la réconciliation au pénitent.

La longue humiliation provoquée par ces rites pénitentiels fut progressivement remplacée par des " rachats " compensatoires, qui obtenaient l'indulgence de plusieurs carêmes. Les indulgences si décriées naquirent ainsi. Les pèlerinages étaient contribuaient à obtenir cette indulgence. A partir du 8ème siècle, ils figurent parmi les pénitences canoniques.

C'est une démarche qui conduit à sortir de soi-même et qui préfigure une rencontre avec Dieu au terme de cette route qui conduit à Jérusalem, à Rome, au tombeau d'un saint. Le pèlerinage par excellence était celui de la Terre Sainte. Et vinrent les Croisades. Elles furent pour ceux qui y prenaient part la grande indulgence, l'indulgence plénière.

DE LA PENITENCE PUBLIQUE A LA PENITENCE PRIVEE.

Dans le même temps, chez tous les fidèles s'était développé le sentiment que tous les chrétiens, même les meilleurs, ne sont pas seulement responsables des mauvais chrétiens dans leurs prière, mais qu'ils sont eux-mêmes pécheurs à quelque degré que ce soit. " Si nous confessons nos péchés, il (Dieu) est fidèle et juste. Il nous remettra ces péchés. " (1 Jean 1. 8)

Ces chrétiens ressentent de plus en plus qu'eux aussi ont besoin de pratiquer des œuvres de pénitence et, finalement, nous assistons au sacrement de pénitence, à l'écart de la communauté, dépouillé de toute liturgie. Le 4ème concile du Latran, canon 21, en 1215, établit ainsi le principe de la confession pascale, qui, avec le principe de la communion pascale, formulé en même temps, marque l'effort pour sauvegarder l'essentiel d'une institution traditionnelle. En demandant cette confession et cette communion pascales, le concile marquait que ce temps de l'Eglise devait rassembler toute la communauté au même moment, pour une démarche semblable de pénitence et d'Eucharistie.

UN MEME SACREMENT

Avec le P. Pierre-Marie Gy, il faut souligner deux conclusions qui se dégagent de ce rapide historique de la liturgie de la pénitence. " En premier lieu, le sacrement ne change pas, à travers la diversité des formes qu'il a connues dans la vie de l'Eglise. De la pénitence publique antique, avec une pénitence sacramentelle longue et dure avant l'absolution, à nos confessions d'aujourd'hui, c'est le même sacrement. Dans l'antiquité comme aujourd'hui, l'accusation des péchés était secrète. Et la pénitence sacramentelle accomplie aujourd'hui après la confession fait partie du sacrement tout autant qu'à l'époque où elle était accomplie avant l'absolution.

La seconde conclusion est que le sacrement de pénitence intéresse toute la communauté de l'Eglise, non seulement parce que tous sont solidaires de leur frère pécheur et doivent l'assister de leur prière, mais aussi parce que tout baptisé loyal se sait pécheur, et donc en nécessité permanente de conversion et de pénitence. "

NB. Ce dossier s'appuie sur l'étude faite par " L'Eglise en prière " Ed. Desclée. 1961. Publié sous la direction du P. Martimort.

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