LE CARÊME - TEMPS DE GRACE
Rejoindre le Christ
et recevoir la grâce de Dieu



- Le sacrement de la réconciliation
dans la perspective du mystère pascal, au terme de ce Carême.

Ce n'est pas ici le lieu de parler de la crise de la confession, de la désaffection de beaucoup de chrétiens, voire même du rejet de principe de ce sacrement.

N'incriminons pas notre "manque de foi" qui devrait se soumettre à un enseignement de type autoritaire : " Il faut se confesser parce... parce que ..."

Ne cherchons pas une démarche psychologique pour nous libérer d'une inhibition qui nous rend difficile de mettre à nu la complexité de nos faiblesses et de nos refus. Le prêtre n'est pas un psychiâtre spirituel, destiné à rétablir notre comportement psychologique, loin de toute inhibition.

Il nous faut aller au plus profond du mystère de la réalité divine que nous vivons dans l'Eglise.

LA RENCONTRE ENTRE DIEU ET NOUS

Si, dans la confession de la réalité existentielle qui est la nôtre, nous avons l'impression de dire la situation "partielle" de notre existence, que représente telle ou telle faute, c'est peut-être parce que le rite lui-même nous gêne comme lieu de rencontre personnelle avec Jésus-Christ. Nous voudrions rencontrer Dieu sans intermédiaire et le rite nous paraît être un intermédiaire.

Or chaque rite liturgique est à vivre tout autrement. Il fait partie de l'univers sacramentaire de l'Eglise, et non pas d'un formalisme ecclésial. Nous ne pourrons jamais dissocier le corps, l'âme et l'esprit pour rejoindre la grâce de Dieu par le Christ-Jésus.

Les rites de l'Eglise, même s'ils sont parfois cause de gêne, restent inscrits dans ce mystère de l'Incarnation. L'effort de sauter à pieds joints par dessus la rivière n'est ni très réaliste, ni très assuré de succès. Le sacrement de la réconciliation s'inscrit donc dans ce mystère dont la réalisation humano-divine en Christ nous a donné accès à la vie trinitaire.

Les rites sont un pont entre le Christ et nous. La pédagogie divine est faite d'humanité et de patience. Dieu se fait connaturel à nous pour que nous puissions devenir connaturels à Lui. Il sait la lenteur de notre cheminement vers Lui. A nous de dépasser la "gêne" causée par le rite pour mieux entrer dans le mystère.

Tout sacrement suppose que tout l'être unifié du chrétien, corps-âme-esprit, puisse, par le moyen des gestes, des rites, des paroles, du chant et du silence, se mettre au rythme de Jésus-Christ présent et vivant dans le sacrement qu'est l'Eglise.

Le sacrement de la réconciliation se vit sans doute dans un cadre plus austère que les autres. Mais il est à vivre comme une transfiguration, comme une illumination et non comme un formalisme ou une simple assurance d'intégrité morale.

LA RENCONTRE AVEC DIEU DANS LA LIBERTE

Se confesser n'est pas une prescription de caractère disciplinaire. Ce n'est pas un simple moyen de se protéger vis-à-vis de Dieu des conséquences de nos "faux-pas".

C'est une invitation de Jésus-Christ à entrer dans une communion plus profonde encore avec Lui et avec nos frères, à partir de notre misère même, à partir de nos infidélités et de nos pires reniements. Une invitation qui attend notre libre démarche.

Nous sommes autant de Zachée qui devons descendre de notre arbre, parce que nous avons entendu résonner en nos coeurs cet appel : "Je viens chez toi." (Luc 19 1 à 10) Ce que Jésus a vécu en Palestine, il veut le vivre avec nous : "Il fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux !" (Luc 15 2)

Le sacrement de la réconciliation n'est pas un sacrement "individualiste", entre nous et Dieu, seul à seul. Participant de la vie divine depuis notre baptême et par notre vie eucharistique, il ne nous est pas possible de vivre du Christ comme s'il était hors de son Corps mystique qui est l'Eglise.

"Jésus-Christ et l'Eglise, c'est tout un", disait Jeanne d'Arc. L'Eglise, ce n'est pas une structure hiérarchique, c'est le mystère même d'une réalité que je partage avec tous mes frères, une réalité dont je suis un membre unique et irremplaçable, un membre qui ne peut être défaillant en elle, à cause de mon péché.

Et c'est ici que s'insère ma liberté. La réconciliation sacramentaire contribue à faire entrer ce qui est individuel dans la vie nouvelle du Royaume, où des individus, amoindris par le péché, retrouvent la dimension même qui est la leur (1 Corinthiens 12. 12 à 26). Pourquoi en priver mes frères en restant replié sur moi-même ?

Au fond, c'est une vision rétrécie de Dieu et de son Eglise qui réduit le mystère du sacrement à la mesure de nos conceptions tout humaines et individualistes.

LA DIMENSION DU MYSTERE

Nous sommes bien trop préoccupés de notre salut individuel. Nous nous inquiétons de "notre" perfectionnement personnel, de "notre" purification personnelle. Et pourtant ! Nous sommes "plongés dans le Christ", selon l'expression même de saint Paul. Nous devons "revêtir le Christ" (Galates. 3. 27)

Ne somme-nous pas parfois trop préoccupés de "notre" progrès dans la vie spirituelle. Il nous est difficile de redevenir comme des petits enfants.

Par la "metanoia", la "conversion", qu'il opère chaque fois, le sacrement de la réconciliation nous met au seuil du Royaume puisqu'il nous réintroduit dans le mystère pascal de mort et de résurrection, où toute l'humanité est impliquée et pas seulement mon "petit moi".

"Je ne sais pas quoi dire ... je recommence toujours les mêmes péchés...", jusqu'à soixante-dix fois sept fois ... Si nous portons notre regard sur la poursuite d'une réussite qui nous semble impossible au point d'en être découragé, nous ne verrons pas que chacune de nos démarches est une rencontre avec Jésus-Christ.

Chaque fois en effet la grâce nous est offerte au bout de notre effort d'attention à Dieu, une attention libre et consciente, dans la vérité de ce que nous sommes. La première "conversion" à laquelle nous invite le sacrement de réconciliation, c'est de changer le cap de cette attention. "Non pas nous, mais Lui."

Dans cette optique, la réconciliation, que nous l'appelions confession ou sacrement de pénitence, nous conduit au coeur de la Nouvelle Alliance. Elle redevient tout autre chose qu'un secours sacramentel au service de "notre" purification plus ou moins raffinée, mais finalement égocentrique.

Elle redevient une disponibilité à Dieu et à son Eglise, puisqu'elle nous plonge de plus en plus profondément dans le milieu divin où s'édifie le Royaume de Dieu, malgré nos perpétuelles et incessantes défections. Le centre de gravité de la vie chrétienne se réalise dans la communion avec Dieu et donc avec tous les hommes.

Et cette vie de communion portera forcément des fruits de perfection. Il y a l'ivraie et le bon grain. Ces fruits de perfection, c'est Dieu qui les fait mûrir. Laissons-Lui donc aussi la joie de les cueillir, à l'heure de son choix.


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