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Les confréries de pénitents en Corse Par delà des apparences "folkloriques", des associations qui cherchent à vivre l'Evangile, dans la vie de leur Église locale aujourd'hui. UNE TRADITION VIVANTE La Semaine Sainte donne lieu, à travers toute la Corse à des cérémonies religieuses relatant le temps pascal. Les plus remarquables sont les processions des jeudis et vendredis saints jours durant lesquels de nombreuses villes et villages en commémorent les événements. Les confréries religieuses de Corse possèdent, dans leur grande majorité, une histoire séculaire. Les plus anciennes, nées dans la mouvance franciscaine du Moyen Âge, sont les héritières des "battuti" (flagellants). Les autres peuvent s'apparenter à trois générations distinctes : - celle du concile de Trente, - celle de la Révolution française , - celle de 1870 à nos jours. Très tôt, les prédications franciscaines reçurent un accueil favorable en établissant des correspondances simples entre les actes des saints et la vie de chacun. Ce grand mouvement donna naissance à de nombreuses compagnies de "battuti". Instituées vers 1260, elles se développèrent au XIVe siècle. Leurs membres, pénitents, allaient en procession de village en village, en se fouettant mutuellement. Le pape Clément VIII mit fin à ces pratiques. Puis, le concile de Trente (1545 à 1563) fixa quelques règles nouvelles dans l'organisation des confréries. L'impulsion de ce mouvement fut sans doute donnée en 1574 par saint Alexandre Sauli, évêque et apôtre de la Corse. Au XVIIIe siècle, chaque commune de Corse possédait au moins une confrérie. Supprimées par une loi du 18 août 1792, elles réapparaissent après le Concordat. Elles sont tolérées sous l'Empire et plusieurs se reconstituent à la Restauration. De la fin du XIXe siècle au début du XXe, les compagnies sont florissantes, puis nombre d'entre elles disparaissent. En 1957, Mgr Llosa, évêque d'Ajaccio, promulgue une ordonnance destinée à les réorganiser. Et Mgr Lacrampe, actuel évêque d'Ajaccio, leur donne une impulsion religieuse nouvelle. DE LOCALITES EN LOCALITES A Bonifacio Ce sont les 5 confréries dont les membres marchent en processions à travers la ville, empruntant des routes différentes, pour se réunir dans l'église paroissiale où ils reçoivent la bénédiction de l'insigne relique de la Sainte Croix. Chaque confréries porte statues de saints sur des châsses en bois, de style baroque, qu'illuminent des flambeaux et des lanternes. A Calvi : Les membres des confréries de saint Antoine et de saint Erasme, étant en cagoule et pieds nus marchent en procession à travers la cité et dans l'enceinte de la citadelle, " La Granitola, décrivant une spirale qui s'enroule et se déroule est effectuée en différents points du parcours. A Corte, le jeudi-Saint au soir, c'est la procession du "Christ roi" , à travers les rues de la vieille ville illuminée par les chandelles. A Erbalunga, près de Bastia, le matin du Vendredi Saint, la procession de la "Cerca" se déroule sur plus de 12 km s, d'église en église à travers les hameaux de Brando. Le soir, les pénitents en cagoule réalisent également "la Granitola". LE CATENACCIU Mais c'est à Sartène que se déroule la plus connue des processions du vendredi saint. Un pénitent enchaîné, portant une cagoule et chargé de la croix, effectue, à travers la ville, sur un tracé tout en pente, car la procession nocturne du " Catenacciu, symbolise la montée du Christ au calvaire. Seul le curé de la paroisse connaît l'identité du pénitent. Vêtu d'une aube et d'une cagoule rouges, il porte sur ses épaules une croix en chêne massif de 34,5 kg et traîne une chaîne de 17 kg sanglée à sa cheville droite. Pendant deux heures, suivant un parcours de près de deux kilomètres, il incarne le Christ et refait son calvaire. Trois jours avant, le pénitent s'est enfermé dans une cellule monacale du couvent des Saints Come et Damien, où il médite, lit la Bible et prie. Le Vendredi saint à 21 h, le " catenacciu " (littéralement "homme enchaîné") arrive à l'église Sainte-Marie (Santa Maria Assunta), où les membres de la confrérie le chargent de la croix et l'enchaînent devant l'autel. A 21 h 30, la procession sort de l'église. Les membres de la confrérie forment une haie d'honneur et chantent sans interruption le vieux chant italien corsisant de pénitence: "Perdono, mio Dio". Comme le Christ, le catenacciu doit chuter trois fois sur la route qui le mène au "Golgotha". La première chute se déroule devant l'oratoire Sainte-Anne, l'église paroissiale de Sartène au XVIIIè siècle. Toute la ville récite le "Notre Père" et le "Je vous salue Marie" pendant que le pénitent reste couché sur le sol. La seconde chute s'effectue sur la place Porta, au pied de l'église Sainte-Marie. A mi-parcours, le catenacciu est soulagé de son fardeau par Simon de Cyrène, un pénitent blanc, celui qui a aidé le Christ à porter sa croix. Avant la troisième chute et le retour vers Sainte-Marie, toute la procession fait une halte à l'église Saint-Sébastien. Le catenacciu s'y recueille et prie agenouillé devant l'autel, au pied duquel se trouvent un Christ gisant et une Vierge drapée de noir. Après la troisième et dernière chute, les pénitents rejoignent le parvis de l'église paroissiale. Là, les pèlerins écoutent le sermon et reçoivent la bénédiction pascale. Puis tous regagnent l'église Sainte-Marie pour s'y recueillir. Agenouillés ou couchés devant le maître-autel, les pénitents devront attendre que tous les pèlerins aient baisé un à un le Christ gisant. La cérémonie désormais close, on ramène le catenacciu et Simon de Cyrène dans leurs cellules. La foule mettra plus d'une heure à défiler dans l'église. L'origine de la procession serait liée à l'arrivée sur l'île au XIIIè siècle des moines franciscains qui ont introduit les "chemins de croix" dans la culture insulaire. Mais le véritable coup d'envoi se situerait plutôt aux XIVè et XVè siècles. La Corse était alors sous l'influence de l'Aragon où étaient répandues les pratiques religieuses pénitentielles. L'apparition en Corse des confréries de pénitents, au XVè siècle, n'a fait que renforcer la tradition. La procession du " Catenaccîu " a traversé les âges avec une constance déroutante. Créée en 1710 à Sartène, la confrérie "A compagnia del Santissimo Sacramento", qui avait disparu en 1920, a été ravivée en 1990. Retour au "portail" du carême |