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La retraite sacerdotale de Jean Paul II
à Ars - 6 octobre 1986
 

En octobre 1986, durant sa visite apostolique à Lyon, Annecy, Paray-le Monial et Ars, Jean-Paul a participé à la retraite spirituelle qui réunissait à Ars 5000 prêtres, diacres et séminaristes. Avec eux, à la lumière de la vie de saint Jean-Marie Vianney et à la lumière de Vatican II, il médita l'évangile selon saint Jean (Jn 20.19-23) et les lettres de saint Paul aux Corinthiens.

Sa méditation s'articule en deux perspectives :
- Plus le peuple chrétien prend conscience de sa propre dignité, plus il sentira le besoin de vrais prêtres.
- Convertir, soigner, sauver, trois paroles-clés de notre mission.

Il les synthétisera ainsi au terme de cette méditation : " Il reste vrai que tous les efforts pastoraux des prêtres doivent converger, comme chez le Curé d’Ars, vers l’annonce explicite de la foi, vers le pardon, vers l’Eucharistie.

Nous citons ici de nombreux passage du texte officiel.
DDDur
Plus le peuple chrétien prend conscience de sa propre dignité,
plus il sentira le besoin de vrais prêtres.
 













“Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie... Recevez l’Esprit Saint”.

" Chers Frères, c’est le Christ qui nous choisit, il nous envoie comme il a été envoyé par le Père, et il nous communique l’Esprit Saint. Notre sacerdoce s’enracine dans les missions des personnes divines, dans leur Don mutuel au cœur de la Sainte Trinité. “La grâce de l’Esprit Saint... continue à être transmise par l’ordination épiscopale. Puis, par le sacrement de l’Ordre, les évêques font participer les ministres sacrés à ce don spirituel” Les prêtres participent à cette grâce et les diacres aussi.

Notre mission est une mission de salut. “Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour que par lui le monde soit sauvé” (Jn 3, 17). Jésus a prêché la Bonne Nouvelle du Royaume; il a choisi et formé ses apôtres; il a accompli par la croix et la résurrection l’œuvre de la Rédemption; à la suite des Apôtres, nous sommes associés d’une façon particulière à son œuvre de salut, pour la rendre présente et efficiente partout dans le monde. Saint Jean-Marie Vianney allait jusqu’à dire: “Sans le prêtre, la mort et la passion de Notre Seigneur ne serviraient de rien. C’est le prêtre qui continue l’œuvre de la Rédemption sur la terre”

Ce que nous avons à réaliser, ce n’est donc pas notre œuvre, c’est le dessein du Père, c’est l’œuvre de salut du Fils. L’Esprit Saint se sert de notre esprit, de notre bouche, de nos mains. Il nous revient notamment de proclamer sans cesse la Parole, pour évangéliser; de la traduire de manière à toucher les cœurs, sans l’altérer ni l’amoindrir; et de refaire le geste d’offrande de Jésus à la Cène, ses gestes de pardon envers les pécheurs.

 

Ce que le Concile Vatican II nous rappelle.

" Ce n’est pas seulement une charge que nous avons reçue, une fonction qualifiée à accomplir au service du peuple de Dieu. Les gens peuvent parler du sacerdoce comme d’un métier, d’une fonction, y compris la fonction de présidence du rassemblement eucharistique. Mais nous n’en sommes pas réduits à être des fonctionnaires.

D’abord parce que c’est dans notre âme même que, par l’ordination, nous sommes marqués d’un caractère spécial qui nous configure au Christ Prêtre pour nous rendre capables d’agir au nom du Christ-Tête en personne. Certes, nous sommes pris d’entre les hommes et nous demeurons proches d’eux, “chrétiens avec eux” disait saint Augustin. Mais nous sommes “mis à part”, totalement consacrés à l’œuvre du salut; “la fonction du prêtre, en tant qu’elle est unie à l’ordre épiscopal, participe à l’autorité par laquelle le Christ lui-même construit, sanctifie et gouverne son Corps” (Presbyterorum Ordinis, 2-3). C’est le Concile Vatican II qui nous le rappelle.

Nous sommes à la fois dans l’assemblée chrétienne et face à elle, pour signifier que l’initiative de la sanctification vient de Dieu, de la Tête du Corps, et que l’Eglise la reçoit. Envoyés au nom du Christ, nous avons été sanctifiés par lui à un titre spécifique: cela demeure, et atteint en profondeur notre être de baptisés. Le Curé d’Ars avait à ce sujet des formules chocs: “C’est le prêtre que Dieu place sur la terre comme un autre médiateur entre le Seigneur et le pauvre pécheur” (Nodet, 99), nous dirions aujourd’hui: il participe d’une façon spécifique à la mission du seul Médiateur, Jésus-Christ.

 




Dispensateurs des mystère de Dieu



















Une triple mission sacerdotale, indispensable à l’Eglise:

" Précisément, nous voyons dans le Curé d’Ars un prêtre qui ne s’est pas contenté d’accomplir extérieurement les gestes de la Rédemption; il y a participé dans son être même, dans son amour du Christ, dans sa prière constante, dans l’offrande de ses épreuves ou ses mortifications volontaires. Je le disais déjà aux prêtres à Notre-Dame de Paris, le 30 mai 1980: “Le Curé d’Ars demeure pour tous les pays un modèle hors pair, à la fois de l’accomplissement du ministère et de la sainteté du ministre”.

C’est vous dire, chers amis, qu’à bon droit nous pouvons admirer la splendeur du sacerdoce ministériel, comme aussi la vocation religieuse, car il y a une certaine relation entre les deux. Vous connaissez le mot du Curé d’Ars: “Oh, que le prêtre est quelque chose de grand! S’il le comprenait, il mourrait” (Nodet, 99).

Quelle merveille en effet d’exercer, comme évêques ou comme prêtres, notre triple mission sacerdotale, indispensable à l’Eglise:

– celle d’annonciateur de la Bonne Nouvelle: faire connaître Jésus-Christ; mettre en relation vraie avec Lui; veiller à l’authenticité et à la fidélité de la foi, qu’elle ne défaille pas, qu’elle ne soit ni altérée, ni sclérosée; et aussi entretenir dans l’Eglise l’élan évangélisateur, former à l’apostolat;

– celle de dispensateur des mystères de Dieu: les rendre présents de façon authentique, notamment le mystère pascal par l’Eucharistie, et le pardon; permettre aux baptisés d’y accéder, et les y préparer. A de tels ministères, les laïcs ne pourront jamais être délégués; il faut une ordination sacerdotale, qui permet d’agir au nom du Christ-Tête;

– celle enfin de Pasteur: édifier et maintenir la communion entre les chrétiens, dans la communauté qui nous est confiée, avec les autres communautés diocésaines, toutes en lien avec le successeur de Pierre. Avant d’être spécialisé, en fonction de ses compétences personnelles et en accord avec son évêque, le prêtre est en effet le ministre de la communion: dans une communauté chrétienne qui risque souvent l’éclatement ou la fermeture, il assure à la fois le rassemblement de la famille de Dieu et son ouverture. Son sacerdoce lui confère le pouvoir de conduire le peuple sacerdotal (cf. Lettre du Jeudi Saint 1979, n. 5) .

 
  Le rôle prophétique, sacerdotal et royal des baptisés

" Le nombre très restreint de prêtres et d’ordinations sacerdotales en bien des pays pourrait amener certains fidèles ou même des prêtres à se résigner à ce manque, sous prétexte qu’on a mieux redécouvert et mis en pratique le rôle des laïcs.

Il est vrai que le Concile a heureusement replacé le sacerdoce ministériel dans la perspective de la mission apostolique au sein de de tout le peuple de Dieu. Il a évité qu’on en fasse un enrichissement “en soi”, détaché de ce peuple. Il a mis en relief la tâche primordiale d’annoncer la Parole qui prépare le terrain à la foi, et donc aux sacrements. Il a mieux articulé le sacerdoce du prêtre sur celui de l’évêque, et montré son rapport avec le ministère ordonné des diacres et le sacerdoce commun de tous les baptisés grâce auquel tous peuvent et doivent avoir accès aux richesses de la grâce (adoption filiale, vie du Christ, Esprit Saint, sacrements), faire de leur vie une offrande spirituelle, témoigner comme disciples du Christ dans le monde, et prendre leur part de l’apostolat et des services de l’Eglise.

Mais précisément, pour qu’ils exercent pleinement ce rôle prophétique, sacerdotal et royal, les baptisés ont besoin du sacerdoce ministériel, par lequel leur est communiqué de façon privilégiée et tangible le don de la vie divine reçue du Christ, Tête de tout le Corps. Plus le peuple est chrétien et prend conscience de sa dignité et de son rôle actif dans l’Eglise, plus il ressent le besoin de prêtres. Et il en est de même dans les régions déchristianisées et les milieux sociaux coupés de l’Eglise (cf. Discours à Notre-Dame de Paris, 30 mai 1980).

Laïcs et prêtres ne pourront jamais se résigner à voir réduit le nombre des vocations sacerdotales et des ordinations comme c’est le cas aujourd’hui en maints diocèses. Cette résignation serait un mauvais signe pour la vitalité du peuple chrétien, ce serait périlleux pour son avenir et pour sa mission.

Et il serait ambigu, sous prétexte de faire face avec réalisme au proche avenir, d’organiser les communautés chrétiennes comme si elles pouvaient se passer en très grande partie du ministère sacerdotal. Demandons-nous au contraire si nous faisons tout le possible pour aviver dans le peuple chrétien la conscience de la beauté et de la nécessité du sacerdoce, pour éveiller les vocations, les encourager et les faire mûrir.

Chers Frères, restons modestes et humbles, puisqu’il s’agit d’une grâce du Seigneur reçue pour le service des autres, dont nous ne sommes jamais vraiment dignes. Le Curé d’Ars disait: “Le prêtre n’est pas pour lui, il est pour vous” (Nodet, 102). Mais, comme lui, ne cessons pas d’admirer la grandeur de notre sacerdoce et de rendre grâce à chaque instant. Et puisiez-vous, chers séminaristes, aspirer davantage encore, dans la joie et l’espérance, à ce très haut service du Seigneur et de son Eglise!








 

Convertir, soigner, sauver.
Trois paroles-clés de notre mission
  Le prêtre coopère à la Rédemption

“Je me suis fait tout à tous afin d’en sauver à tout prix quelques-uns” (1 Cor 9, 22).

" Le mot de salut est un de ceux qui reviennent le plus souvent chez le Curé d’Ars. Qu’est-ce à dire pour lui? Etre sauvé, c’est être délivré du péché qui éloigne de Dieu, dessèche le cœur, et risque de séparer de l’Amour de Dieu pour toujours, ce qui serait le plus grand malheur. Etre sauvé, c’est vivre uni à Dieu, c’est voir Dieu. Etre sauvé, c’est également être réintroduit dans une vraie communion avec les autres, car nos péchés, bien souvent, consistent à blesser l’amour du prochain, la justice, la vérité, le respect de ses biens et de son corps, ses droits humains, tout cela est contraire à la volonté de Dieu. Et il y a une solidarité profonde entre tous les membres du Corps du Christ: on ne peut l’aimer, Lui, sans aimer ses frères. Le salut permet donc de retrouver une relation filiale avec Dieu et fraternelle avec les autres.

La Rédemption du Christ a ouvert pour tous la possibilité du salut. Le prêtre coopère à la Rédemption, y dispose les âmes en prêchant la conversion, en donnant le pardon. C’est pour leur salut que le Curé d’Ars a voulu être prêtre: “Gagner des âmes au Bon Dieu”, déclarait-il en annonçant sa vocation, à dix-huit ans, comme saint Paul disait: “Gagner le plus grand nombre”, C’est pour cela que Jean-Marie Vianney s’est dépensé jusqu’à l’épuisement, pour cela qu’il acceptait de faire pénitence, comme pour arracher à Dieu les grâces de conversion. Pour leur salut, il craignait, il pleurait. Et lorsqu’il était tenté du fuir sa lourde charge de curé, il revenait, pour le salut des paroissiens. Nous lisons dans saint Paul: “L’amour du Christ nous presse.. le voici, le jour du salut”. “Le sacerdoce, disait encore Jean-Marie Vianney, c’est l’amour du Cœur du Christ” (Nodet, 100).

Chers Frères, beaucoup de nos contemporains semblent devenus indifférents au salut de leur âme. Nous soucions-nous assez de cette perte de foi, ou bien nous résignons-nous?

Certes, nous avons raison d’insister aujourd’hui sur l’amour de Dieu qui a envoyé son Fils pour sauver et non pour condamner. Nous avons raison de miser sur l’amour plutôt que sur la crainte et la peur. D’ailleurs, c’est aussi ce que faisait le Curé d’Ars.

En outre, les hommes sont libres d’adhérer ou non à la foi et au salut; ils réclament hautement cette liberté, et l’Eglise aussi veut que leur démarche soit libre de contraintes extérieures, . étant sauve l’obligation morale pour chacun de chercher la vérité et d’y adhérer, d’agir selon sa conscience.



C'est pour eux que je me
suis offert en sacrifice ....











Dans le ciel de leur vie,
serais-je absent ?










Le recherche de la vérité, la liberté d'y adhérer

" En outre, les hommes sont libres d’adhérer ou non à la foi et au salut; ils réclament hautement cette liberté, et l’Eglise aussi veut que leur démarche soit libre de contraintes extérieures, étant sauve l’obligation morale pour chacun de chercher la vérité et d’y adhérer, d’agir selon sa conscience.

Enfin, Dieu lui-même est libre de ses dons. La conversion est une grâce. Dans l’encyclique “Dominum et Vivificantem” j’ai montré que seul l’Esprit Saint fait prendre conscience de la gravité du péché, du drame de la perte du sens de Dieu, et donne le désir de la conversion.

Mais notre amour des hommes ne peut se résigner à ce qu’ils se privent du salut. Nous n’avons pas prise directement sur la conversion des âmes. Mais nous sommes responsables de l’annonce de la foi, de la totalité de la foi, et de ses exigences. Nous devons inviter nos fidèles à la conversion et à la sainteté, dire la vérité, avertir, conseiller et faire désirer les sacrements qui les rétablissent dans la grâce de Dieu. Le Curé d’Ars considérait que c’était là un ministère redoutable, mais nécessaire: “Si un pasteur reste muet en voyant Dieu outragé et les âmes s’égarer, malheur à lui”. On sait avec quel soin il préparait ses homélies dominicales et ses catéchèses, avec quel courage il rappelait les exigences de l’Evangile, dénonçait le péché et invitait à réparer le mal commis.

 


Dans le droit fil des appels de Paul

La conversion et la miséricorde de Dieu

"Convertir, guérir, sauver: trois maîtres-mots de notre mission. Le Curé d’Ars s’est montré vraiment solidaire de son peuple pécheur; il a tout fait pour arracher les âmes à leur péché, à leur tiédeur, pour les ramener à l’amour: “Accordez-moi la conversion de ma paroisse, et je suis prêt à souffrir ce que vous voudrez, tout le reste de la vie”. Il avait, a-t-on dit, “une vision pathétique du salut”; le jansénisme lui a peut-être inspiré des expressions et un ton sévères. Mais il a su dépasser ce rigorisme. Il préférait insister sur le côté attirant de la vertu, sur la miséricorde de Dieu auprès de laquelle nos péchés sont “comme des grains de sable”. Il montrait la tendresse du Dieu offensé. Ses appels s’inscrivent dans le droit fil des appels des proph
ètes ((cf. Ep 3, 16-21), de Jésus, de saint Paul, de saint Augustin, sur l’importance du salut et l’urgence de la conversion. Il craignait que les prêtres ne “s’engourdissent”, qu’ils ne s’habituent à l’indifférence de leurs fidèles. Comment pourrions-nous aujourd’hui négliger son avertissement?
 
 

La présence réelle du Christ le fascinait

" C’est à l’Eucharistie que Jean-Marie Vianney voulait conduire ses fidèles repentis. Vous savez la place centrale qu’occupait la messe dans chacune de ses journées, avec quel soin il s’y préparait, la célébrait. Il était très conscient que le renouvellement du sacrifice du Christ était la source des grâces de conversion. Il insistait aussi sur la communion, invitant les hommes dûment préparés à communier plus fréquemment, contrairement à la pastorale de l’époque. Vous savez encore que la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie le fascinait, pendant et en dehors de la messe. On le trouvait si souvent au pied du tabernacle, en adoration! Et ses pauvres paroissiens n’ont pas tardé à venir eux-mêmes saluer et adorer le Christ dans son Saint-Sacrement.

Le Concile nous a heureusement permis de rénover nos célébrations eucharistiques, de les ouvrir à une participation communautaire, de les rendre vivantes, expressives, faciles à suivre. Je pense que le Curé d’Ars s’en réjouirait. Mais nous nous apercevons que tout n’a pas pour autant progressé. La baisse notable de la pratique religieuse, due à des causes multiples que je ne veux pas analyser ici, est un fait très préoccupant. Nos fidèles doivent réapprendre sa place capitale dans la vie du chrétien. C’était une catéchèse essentielle pour le Curé d’Ars. D’autre part, la dignité de la célébration, le recueillement, sont des valeurs qui n’ont pas toujours été respectées. Le Curé d’Ars tenait à créer dans son église tout un climat de prière, accessible au peuple et propre à favoriser l’adoration, même en dehors de la messe. Qui ne désirerait promouvoir ce goût de la prière silencieuse dans nos églises, ce sens de l’intériorité?

 

Si peu nombreux devant une telle
foule en attente ....


 

 

 

 

 

Les difficultés de notre temps.

" Les difficultés de l’apôtre peuvent venir de l’extérieur, alors qu’il est fidèle à ne servir que Jésus-Christ. Il subit les moqueries, la calomnie, l’entrave à sa liberté; il lui arrive même d’être, comme dit saint Paul, “pressé de toute part”, “persécuté”, “terrassé”. En certains pays combien de prêtres, de chrétiens subissent silencieusement ces persécutions? Souvent elles stimulent la foi des fidèles par contrecoup et la purifient. Mais quelle épreuve! Et quelle entrave au ministère! Demeurons solidaires de ces frères éprouvés.

Dans les pays d’occident, il y a d’autres difficultés. Vous rencontrez un esprit diffus de critique, de malcroyance, de sécularisation, d’athéisme même, ou simplement de fermeture sur des soucis matérialistes, et l’on relativise ou l’on rejette le message que vous voulez porter au nom du Christ et de l’Eglise.

Déjà, dans les années 50, le Cardinal Suhard avait bien décrit le signe de contradiction qu’est le prêtre dans une société qui redoute son message et le classe parmi les gens du passé ou les utopistes. Depuis lors, en beaucoup de diocèses, les prêtres sont devenus moins nombreux, la moyenne d’âge est élevée. Cette pyramide des âges rend parfois plus difficile l’intégration des jeunes prêtres.

Le découragement peut même trouver un aliment dans nos mentalités de prêtres; certains peuvent se laisser gagner par la morosité, l’aigreur devant des échecs ou des débats sans fin; parfois des durcissement venant d’idéologies étrangères à l’esprit chrétien et sacerdotal; parfois encore un esprit de défiance systématique envers Rome.

Tout cela a pesé et pèse sur le dynamisme des prêtres. J’ai l’impression que les jeunes sont plus libres vis-à-vis de telles mentalités. Je les encourage, et je les invite aussi à apprécier les générations précédentes de prêtres éprouvés mais fidèles; ils on porté le poids du jour et de la chaleur au milieu de maints changements, et se sont acquittés de leur charge bien souvent dans un esprit évangélique.

Enfin, chacun d’entre vous connaît ses difficultés propres: de santé, de solitude, de soucis familiaux, et aussi les tentations du monde qui rentrent en lui, parfois le sentiment d’une grande pauvreté spirituelle, voire de faiblesses qui humilient. Nous offrons à Dieu cette fragilité de nos “vases d’argile”.

Il nous est bon de savoir que le Curé d’Ars a connu lui aussi bien des épreuves: les misères de son corps malmené par les fatigues de son ministère et par ses jeûnes, les incompréhensions et calomnies de ses paroissiens, les soupçons critiques et les jalousies des confrères et des épreuves spirituelles plus mystérieuses: une certaine “mélancolie surnaturelle”, disait l’Abbé Monnin, des désolations spirituelles, l’angoisse de son salut, une lutte implacable contre l’Esprit du mal, et une certaine nuit. Les âmes généreuses et spirituelles en sont rarement exemptes.

 
 

La qualité spirituelle et apostolique des prêtres de demain

" La qualité spirituelle et apostolique des prêtres de demain se prépare aujourd’hui, et je ne peux omettre d’évoquer cette formation.

Chers séminaristes, quelle joie pour moi de vous voir tous réunis ici! Je salue en vous la relève du clergé de France. Même si vous êtes encore le petit troupeau de l’Evangile, je suis plein d’espérance en vous voyant. Et je compte sur votre joie de consacrer votre vie à l’Eglise pour susciter beaucoup d’autres candidats. Je crois que vous êtes prêts à accepter aussi les exigences de ce service.

Beaucoup parmi vous entrent au séminaire à un âge plus mûr que par le passé, après une expérience de travail ou d’études. Mais, très souvent – une enquête récente l’a montré –, vous avez pensé au sacerdoce dès avant l’âge de 13 ans. Acceptez les conditions de discernement et de maturité de votre vocation. Si Dieu vous appelle, si l’Eglise en juge ainsi, ne vous laissez pas décourager par les difficultés innombrables rencontrées par le jeune Jean-Marie Vianney pour être prêtre: manque d’instruction et de contact avec les gens cultivés, retard à cause de la Révolution française, nécessité de travailler à la ferme, aventure étrange sur le chemin du service militaire, surtout difficulté de se familiariser avec le latin, manque de mémoire, hésitations des responsables du Séminaire, ordination tardive, dans la solitude, en pays occupé... Bien sûr, il a bénéficié de grâces: un climat familial chrétien, l’aide affectueuse et tenace de l’Abbé Balley, d’Ecully. Mais son cheminement pour arriver au sacerdoce encouragera tous ceux qui connaissent l’épreuve pour la maturation de leur vocation.

Vos Séminaires doivent pouvoir accueillir des sensibilités différentes, dans un grand respect mutuel; les âmes généreuses ne doivent pas être entravées par la crainte des autres, et ne doivent pas non plus les juger a priori. Le lien avec l’Evêque est primordial, l’accompagnement d’un directeur spirituel personnel et le jugement d’une équipe éducative sont la garantie de la vocation. On ne conquiert pas le sacerdoce, on y est appelé par ceux qui vous jugent aptes, au nom de l’Evêque.













Rejoindre les gens là où ils sont

" Au terme de cette longue méditation, je reviens à l’aspect missionnaire de notre sacerdoce. Il s’agit, comme un bon Pasteur, de rejoindre les gens là où ils sont. Pour cela, il y a beaucoup d’approches apostoliques: présence discrète et patiente dans la proximité amicale, dans le partage des conditions de vie, parfois même du travail, dans le monde ouvrier, dans le monde des travailleurs intellectuels, ou en d’autres milieux lorsque ceux-ci semblent coupés de l’Eglise et ont besoin du dialogue quotidien et crédible d’un prêtre, solidaire de leur recherche d’un monde plus juste et plus fraternel. Dans ce cas, les prêtres sont moins à même d’exercer les ministères ordinaires de leurs confrères curés ou aumônier. Dans la mesure où leur motivation est apostolique, leur ressourcement spirituel régulier, et où cela correspond à une mission reçue de l’évêque, qu’ils ont l’estime de l’Eglise! Puissent-ils rendre toujours un témoignage authentique à l’Evangile, en le considérant comme une fonction sacerdotale, une préparation à une évangélisation plus complète! Que leur appartenance à un seul et même presbyterium, avec lequel ils auront à cœur d’entretenir des liens étroits et fréquents, leur permettre de maintenir en eux la responsabilité d’intendants des mystère du Christ, et que tous les prêtres se sentent solidaires de leur ministère au service de l’évangélisation! Par ailleurs, les changements que l’Evangile doit susciter dans la société sont normalement l’œuvre des laïcs chrétiens, en lien avec les prêtres.

" Il reste vrai que tous les efforts pastoraux des prêtres doivent converger, comme chez le Curé d’Ars, vers l’annonce explicite de la foi, vers le pardon, vers l’Eucharistie.

" Surtout, Paul VI le disait à vos Evêques en 1977, ne séparez jamais mission et contemplation, mission et culte, mission et Eglise. Comme s’il y avait d’un côté ceux qui exercent une activité missionnaire auprès de ceux qui sont en marge de l’Eglise et, de l’autre, ceux qui préparent aux sacrements, à la prière, en fortifiant l’institution chrétienne. La mission est l’œuvre de toute l’Eglise; elle prend son souffle dans la prière, et sa force dans la sainteté.

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