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Le minutage des cérémonies au Saint-Sépulcre (dossier)
 


Chaque minute compte. Pas un cierge en plus. Des heurtoirs et des cloches ... Un réglement qui date de 1856 et de quelques années plus tard, décidé par les autorités ottomanes, "la Sublime Porte", alors puissance dominante en Terre Sainte, et ce afin que chaque Église chrétienne ait sa place, sans empièter sur les autres. Une "lettre" administrative qui voulait conserver "l'esprit" de chacun, si désireux de pouvoir célébrer la Résurrection du Seigneur, sur les lieux même.

Les querelles ne manquent pas pour faire respecter ses droits traditionnels. De véritables "querelles du Lutrin."

En 2008, des rixes éclatèrent même entre paroissiens arméniens et grecs-orthodoxes.Des prêtres grecs orthodoxes et des prêtres arméniens en sont venus aux mains, le 9 novembre 2008, dans la basilique du Saint-Sépulcre. La police israélienne est intervenue pour séparer les deux camps. Certains des prêtres ont utilisé des cierges comme gourdins tandis que d'autres tentaient d'arracher les soutanes de leurs rivaux.

Avec le temps, la décision prise au XVIème siècle par Soliman le Magnifique est devenue un imbroglio, parfois défendu avec âpreté.

Extrait de S. Sayegh, "Le Statu Quo des lieux saints, nature juridique et portée internationale", Corona Lateranensis n° 21, Rome 1971 p. 84-89

Au Saint Sépulcre

Règlement pour la Basilique du Saint Sépulcre :

a) L’ouverture simple.

Seules les trois grandes communautés ont le droit de faire ouvrir la Basilique. La porte est ouverte le matin, fermée et rouverte à midi, puis refermée le soir.

L’ouverture du matin.
Elle se fait généralement à 3h. 30. Les clefs de la porte sont entre les mains de gardiens musulmans, sauf le Jeudi Saint, où les Latins la gardent 24 heures. La clef de la petite fenêtre de la porte se trouve en possession des Grecs.

Tous les matins le sacristain Grec ouvre la petite fenêtre ; il se retire ensuite à moins qu’il ne veuille faire ouvrir la porte. Il est à noter que l’ouverture du dimanche est réservée aux Grecs, comme celle des Lundi et Jeudi Saints ; celle du Vendredi Saint l’est aux Latins, et aux Arméniens celle du Samedi Saint.

Le sacristain de la communauté qui veut faire ouvrir la porte appelle, par la petite fenêtre, le serviteur du gardien grec qui dort dehors, dans une petite chambre dont une ouverture donne sur la place et sur la porte d’entrée de la Basilique.

Réveillé, le serviteur prend sa lampe à pétrole et va appeler le portier musulman à sa maison. Venu avec les clés, le portier reçoit, à travers la petite fenêtre, une échelle qui l’aidera à monter à hauteur de la serrure.

Aussitôt qu’il a passé l’échelle, le sacristain sonne les cloches : celles de sa communauté d’abord, puis celles des Latins (si le sacristain n’est pas latin), puis celles des Grecs, celles des Arméniens et enfin celles des Coptes.

Si deux ou trois communautés veulent faire ouvrir la porte, leurs sacristains éveillent ensemble le serviteur et sonnent les cloches de toutes les communautés, chacun à son tour.

Les Coptes et Syriens n’ont pas le droit de faire ouvrir la porte. Mais si un visiteur de marque de leurs communautés respectives voulait visiter le Saint-Sépulcre en forme solennelle, les intéressés le notifient aux Arméniens qui s’arrangent avec les Latins ou les Grecs pour faire ouvrir la porte.

Fermeture et réouverture de midi.
A 11 h. les Grecs commencent leur repas (premier service) ; à 11.15 sonne le second service. Aussi à celte heure, le portier musulman frappe du heurtoir la porte d’entrée, par trois fois, espacées de 4 ou 5 minutes. Le dernier coup est donné à 11.30. Il ferme ensuite la porte, se servant de l’échelle qu’il refile par la fenêtre et s’en va.

A midi se renouvelle le scénario du matin pour la réouverture. Généralement le portier musulman ne s’éloigne pas à 11.30 ; mais il faut toujours procéder aux appels.

Fermeture du soir.
Elle a lieu quelques minutes après le chant tombé du minaret voisin. C’est alors que le sacristain grec sonne la cloche de la prière du soir pour sa communauté, qui se fait au Calvaire.

La prière finie, le portier renouvelle les trois séries d’avertissement avec le heurtoir. Les divers sacristains s’assemblent alors généralement et prient le portier musulman d’attendre quelques instants s’il manque quelque membre de la communauté. La porte refermée comme à midi, le portier retourne chez lui.

Les à-côtés du rite.
Chaque sacristain marque dans un cahier spécial les ouvertures et fermetures de la porte. C’est aux sacristains aussi qu’il appartient de régler les taxes.

La communauté qui fait ouvrir la porte paye 80 fils au portier musulman ; le payement cependant se fait globalement à la fin du mois.
Si le sacristain veut que la porte reste ouverte à 11.30, il en avertit le portier et lui donne quelque chose : les Latins payent 100 fils, les autres communautés l’invitent à dîner.

b) L’ouverture solennelle

Elle est réservée généralement aux réceptions des grands personnages et des pèlerins. Dans ce cas, la porte donne accès par ses deux battants rabattus, et la taxe est doublée.

c) Quelques détails concernant les parties principales de l’édifice.

- Le parvis de la Basilique est balayé par les Grecs qui veillent sur sa propreté, tandis que les Latins nettoient les marches qui conduisent à la chapelle des Francs et les dalles du parvis les plus proches des marches.

- Le Golgotha. Ni instruments d’orchestre ni drapeaux nationaux sont admis dans le parvis ou dans la Basilique elle-même.

La Pierre de l’onction est maintenue propre par les trois communautés, à tour de rôle. A la Pierre de l’Onction huit lampes sont suspendues : quatre appartiennent aux Grecs, deux aux Arméniens, une aux Latins et une aux Coptes. Les six grands chandeliers sont, deux à deux, la propriété de chacune des trois grandes communautés.

Les mêmes communautés veillent, une semaine chacune, à la propreté de la Rotonde, d’où tout meuble fixe est exclu pour que le passage reste libre.

Dans la chapelle de l’Ange, les deux marches de droite sont à l’usage exclusif des Latins, et celles de gauche réservées aux Grecs et aux Arméniens.

Seules les trois grandes communautés ont le droit de célébrer à l’intérieur du Saint-Sépulcre ; les autres y ont toutefois droit d’encensements.

Au Saint Tombeau, il y a 43 lampes : 13 pour chacune des trois grandes confessions, et 4 pour les Coptes. Les chandeliers à l’entrée de la chapelle de l’Ange appartiennent également aux trois grandes communautés. Et ce sont elles aussi qui en assurent le nettoyage, à tour de rôle.
Quant au Katholikon, il est à l’usage exclusif des Grecs-Hellènes. Les autres communautés y ont certains droits d’encensement.

La chapelle de Sainte Marie-Madeleine appartient aux Latins qui en ont l’usage exclusif. Les autres rites y ont le droit d’encensement, à condition toutefois que nulle cérémonie ne soit en cours.

Les communautés exercent un même droit à la chapelle du Saint-Sacrement où se trouve la colonne de la flagellation.

Les deux parties du Calvaire, latine et grecque, sont à l’usage exclusif de ces deux communautés. Les Latins cependant font une cérémonie sur l’autel des Grecs le soir du Vendredi-Saint (la descente de croix). Et les autres communautés y ont le droit d’encenser.

d) Quelques détails sur les horaires des cérémonies

- Les dimanches, les Grecs chantent la messe à 1.15 après minuit ; viennent ensuite les Arméniens dont la cérémonie se termine vers quatre heures du matin. Après eux, les Latins célèbrent deux messes basses, puis, à 5.30 la messe chantée. A sept heures, les Grecs chantent une seconde messe au Katholikon.

Lorsque les Latins font ouvrir la porte de la Basilique, ils célèbrent au Saint Tombeau cinq messes basses à partir de 4.30 ; à 7 heures a lieu la messe chantée.

Quand l’une des autres communautés demande l’ouverture de la porte, la première messe basse des Latins est à 4,30, la seconde à 5h, et la messe chaulée à 5.30. L’on ne dit plus de messe au Saint-Sépulcre pour toute la journée.

A la basilique de la Nativité de Bethleem

Règlements pour la Basilique et la Grotte de la Nativité -

Ils sont encore plus compliqués qu’à Jérusalem ; bien que les lignes suivantes ne le disent pas.

a) La porte d’entrée.

La porte d'entrée a deux clefs dont l’une est entre les mains des Grecs et l’autre entre celles des Latins. Mais ces derniers n’ont pas le droit de s’en servir.

Les Grecs ouvrent chaque jour la porte et la ferment quand sonne l’angélus des Latins ; règle qui comporte des exceptions : Les Jeudi, Vendredi et Samedi Saints, ils ouvrent la porte à l’heure où sonnerait l’angélus, dont cependant on ne donne pas le signal en ces jours.

Le sacristain latin s’adresse au représentant du patriarche Grec pour retarder la fermeture, le soir, de 20 à 30 ’minutes, depuis le 3 novembre jusqu’au 5 décembre. Mais alors il va de soi que le sacristain hellène laisse allumées les deux lampes qui éclairent le passage des Latins dans la Basilique et celle du narthex. Mêmes formalités à suivre s’il s’agit d’anticiper sur l’horaire d’ouverture, qui a lieu une demi-heure plus tôt, du 14 décembre à Noël.

Le 24 décembre, les Latins ont l’habitude d’obtenir que la porte reste ouverte jusqu’à 9.30 du soir. Et la nuit de la Noël des Grecs, la porte reste constamment ouverte.

Les Arméniens doivent s’adresser eux aussi au représentant du Patriarche grec.

b) Grotte de la Nativité

A 3.00 du matin, les Grecs sonnent leur prière qui se fait au Katholikon avec exposition de l’icône sur l’autel de la Grotte.

A 3.15, les Arméniens sonnent pour annoncer leur prière qui débutera aussitôt finie celle des Grecs. A 3.15 aussi les Latins ouvrent leur porte qui donne sur la Grotte et leur sacristain prépare leur autel de la Crèche.

Une demi-heure avant l’ouverture de la porte extérieure par les Hellènes, les Latins tintent une clochette pour avertir les Arméniens de procéder à leurs encensements dans la Grotte. Cinq minutes après ce signal, c’est la messe des Latins, après laquelle ils sonneront l’angélus cl les Crées ouvriront la porto extérieure.

Le sacristain grec prépare alors l’autel de la Grotte pour la messe ; à la fin de la messe, il enlève l’icône.

C’est au tour des Arméniens de placer alors la leur à la place de celle des Grecs, et les Latins commencent leur deuxième messe. Dix minutes avant qu’elle ne termine, le sacristain arménien sonne sa messe ; puis, après la cérémonie latine, il prépare l’autel pour la cérémonie arménienne.

A la fin de leur messe, les Arméniens ôtent leur icône et laissent la place aux Grecs qui vont célébrer leur deuxième messe.

Lorsque les Latins reçoivent des prêtres pèlerins qui désirent célébrer à la Grotte, il faut qu’ils en avertissent à l’avance les Grecs. Les encensements des Grecs et des Arméniens ne sont pas interrompus par ces messes des pèlerins.

Les Latins ont le droit de chanter une messe par semaine à la Grotte. Ils peuvent à cet effet introduire un petit harmonium, des bancs, des chaises ; un tapis est étendu moitié sur le parquet et moitié sur le lieu où sont les sièges des ministres.

II est permis aux Latins de procéder à des mariages ou à des baptêmes dans la Grotte, aux heures où elle est libre.

c) Portes et passages

La porte sud de la Grotte reste à l’usage liturgique exclusif des Grecs ; mais en dehors des cérémonies elle sert de passage libre à tous. Tandis que la porte nord est principalement à l’usage liturgique des Latins et des Arméniens ; et sert de passage libre à tous en dehors des cérémonies.

Les Latins ont droit de passage dans la Basilique pour aller à leur église, et cela, par la porte extérieure, le narthex et la porte intérieure qui donne sur le cloître et à laquelle on accède en passant entre1 la première et la deuxième colonnes de la rangée nord des colonnes de la Basilique.

Les Arméniens ont le droit de se rendre directement à leur chapelle par la Basilique et la porte nord de la nef latérale. Cette porte est fermée chaque soir par les Grecs, mais les Arméniens en possèdent une clef dont ils peuvent user comme ils le veulent.

Les Latins peuvent aller en ligne droite de leur église à Grotte, en passant par le choeur des Arméniens. Les Arméniens ne peuvent couvrir de leur tapis le passage des Latins que pour Noël et après avoir obtenu des Latins la fermeture de la porte qui donne sur l’église Sainte Catherine.

Une querelle entre la France et la Russie

Au XIXème siècle, parmi les Lieux saints", tels que la basilique de Bethiéem, la basilique du Saint-Sépulcre et celle du tombeau de la Vierge Marie, il y avait ceux sur lesquelles les Églises latine, arménienne et orthodoxe entendaient avoir une certaine prééminence.

Bien que toutes les confessions chrétiennes eussent le droit d'y exercer leur culte, les clefs de ces lieux et la charge de les entretenir avaient été confiées, du temps de Soliman le Magnifique (+ 1555), aux catholiques.

Mais en 1634, à le suite de mésententes avec la France, ces privilèges avaient été transférés aux orthodoxes, en conséquence de quoi, à partir de cette date, les deux Églises n'avaient pas cessé de se chercher noise. A vrai dire, la question des Lieux saints ne concernait ni les musulmans me le pouvoir ottoman, mais comme Jérusalem se trouvait à l'intérieur de l'Empire, le gouvernement d'Istanbul ne pouvait pas se désintéresser de le chose.

En 1853, les catholiques ayant obtenu de faire des réparations dans l'église de Bethléem, les orthodoxes - et par voie de conséquente la Russie qui les tenait sous sa protection - estimèrent devoir réagir. La Sublime Porte fit alors examiner la question par une commission et décida de faire exécuter les tâches que les parties en présence n'arrivaient pas à se partager par des musulmans.

C'est dans cette conjoncture que le tsar de Russie envoya à Istanbul en mission spéciale le prince Menchikoff, ministre de la Marine, qui était aussi gouverneur général de Finlande et commandant de la flotte de la Baltique.

Menchikoff arriva à Istanbul le 28 février 1853 et présenta à la Porte un ultimatum exigeant que le conflit des Lieux saints fût rapidement résolu en faveur de la Russie et que les prérogatives de l'Eglise orthodoxe fussent garanties de manière formelle et intangible.

Le véritable but poursuivi par la Russie était le partage de l'Empire ottoman, qu'elle qualifiait d'homme malade", et une proposition avait été faite dans ce sens à l'ambassadeur d'Angleterre à Saint-Pétersbourg, Sir Hamilton Seymour.

Menchikoff demandait en fait que la Porte reconnût officiellement à la Russie un droit de protection sur les sujets orthodoxes de l'Empire ottoman. Le gouvernement ottoman ayant refusé d'accéder à cette demande, l'envoyé du tsar repartit d'Istanbul le 21 mai en emmenant avec lui les membres de l'ambassade russe en déclarant que les relations entre l'Empire ottoman et la Russie étaient rompues.

Cet incident allait provoquer la guerre de Crimée.

Le 1er février 1856, un protocole fut signé à Vienne, qui mettait fin à la guerre. Par l'article 4 de ce protocole, le sultan confirmait de lui-même les garanties qu'il avait données précédemment et qui reconnaissaient aux chrétiens de sujétion ottomane les mêmes droits qu'aux musulmans, montrant ainsi qu'il était déterminé à faire de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de l'Empire ottoman une des bases essentielles de la paix.

Désormais tous les sujets de l'Empire, sans distinction de race ni de religion, seraient admissibles aux emplois de la fonction publique et pourraient être reçus dans les écoles civiles et militaires de l'Etat.

Les affaires commerciales, correctionnelles et criminelles entre musulmans et non musulmans ou entre musulmans de confessions différentes allaient être jugées par des tribunaux mixtes, mais à la demande des parties en présence, certaines affaires pourraient être soumises aux autorités religieuses des communautés.

Parmi d'autres décisions, il fut convenu que toutes les confessions chrétiennes avaient libre accès aux Lieux Saints. Pour éviter toute suprématie de l'une ou de l'autre la Sublime Porte en contrôlait l'accès en en gardant les clefs et demandant aux diverses confessions de régler entre elles les horaires d'utilisation, pour ne pas se gêner mutuellement.

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