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  Le pèlerinage du pape Jean Paul II
    sur les pas de saint Paul du 4 au 8 mai 2001


Le pèlerinage en Grèce - Le pèlerinage en Syrie - Le pèlerinage à Malte





Le programme en Syrie - Dimanche 6 mai 2001.

VISITE A LA MOSQUEE DES OMEYYADES.
ACCUEIL DU MUFTI ET DISCOURS DU PAPE.

Drapeaux du Vatican et de la Syrie ornaient la place ouvrant sur la mosquée du VIIIe siècle dans la vieille ville de Damas, en ce moment historique, retransmis en direct à la télévision syrienne. Accueilli par Cheikh Ahmed Kouftaro, le mufti de Syrie, avec qui il a brièvement bavardé, Jean Paul II a troqué ses chaussures pour des mules blanches, en signe de respect, avant de pénétrer dans la vaste mosquée, à l'espace blanc éclairé de chandeliers.

Le pape fut accueilli également par le ministre des Affaires islamiques syrien, Mohammad Ziadi, et dans la suite du pape l'on remarquait le patriarche latin de Jérusalem, Michel Sabbah, le patriarche de Babylone des Chaldéens, Raphaël I Bidawid, ainsi que le cardinal Lustiger, Ordinaire canonique des orientaux en France.

Au seuil de cette visite, le grand Mufti Ahmed Kuftoro lui a adressé quelques mots en arabe pour lui dire sa joie de recevoir le pape.

Se déplaçant à l'aide d'une canne comme son hôte octogénaire, le Souverain Pontife a franchi le seuil, marchant aux côtés du vieux cheikh syrien. Fatigué mais énergique, trébuchant parfois à cause de ces babouches inhabituelles, il s'est d'abord rendu directement au tombeau de saint Jean Baptiste. Là il s'est incliné puis, appuyé de la main droite sur une colonne, l'autre sur sa canne, les yeux quasiment fermés, le souverain pontife a semblé réciter une prière silencieuse, selon les images diffusées en léger différé par la TV syrienne
, devenant le 1er pape à se recueillir dans un lieu de culte musulman.

Jean Paul II s'est donc rendu en pèlerin dans ce lieu de culte, où les chrétiens viennent régulièrement voir un tombeau de marbre blanc qui renfermerait la tête de saint Jean-Baptiste. Une prière commune entre musulmans et chrétiens dans la mosquée avait été rayée du programme papal. Mais tant le Vatican que les dignitaires syriens ont décrit la visite comme un développement significatif dans les relations catholico-musulmanes.

En sortant de la mosquée, devant une assemblée de dignitaires musulmans et chrétiens, le groupe s'est dirigé vers la cour intérieure.Tous ont pris place devant les portes de l'ancienne basilique chrétienne transformée en mosquée et ont écouté des sourates du Coran.

Puis le ministre des "Waqfs (biens islamiques), Mohammad Zyadé, a pris la parole pour souhaiter la bienvenue au pape en espérant que sa venue puisse "ouvrir les voies pour un dialogue constructif et une coopération fraternelle entre les chrétiens et les musulmans".

Dans un discours antisioniste, le ministre syrien a notamment demandé au pape de soutenir les Arabes dans leur lutte, "pour que nos terres, nos droits et nos lieux sacrés ­ dont Jérusalem ­ puissent être libérés de l'occupant perfide".

De son côté, le cheikh Ahmad Kaftaro, d'une voix difficilement audible en raison de son grand âge, s'est adressé au pape, en affirmant que, "la religion ne peut être la cause du déchirement entre les êtres humains et du développement de la haine". Pour lui, "le monde entier devrait suivre cette union entre les chrétiens et les musulmans qui existent en Syrie". "Nous ne pouvons oublier, a-t-il poursuivi par ailleurs, qu'à quelques kilomètres d'ici se trouve un territoire sacré, la Palestine, et que ce territoire subit une véritable tyrannie". Pour lui, "une action de tous les hommes amoureux de la paix doit arrêter les massacres et le carnage que subissent les enfants du prophète Jésus et ceux du prophète Mohamed".

Jean Paul II, pour sa part,est resté sur le plan religieux. Il n'a pas prononcé son discours qui a été lu directement en arabe. Il a plaidé pour un pardon mutuel entre musulmans et chrétiens. Ils "ont besoin de rechercher le pardon (..) et de se l'offrir mutuellement".

DISCOURS D'ACCUEIL DU GRAND MUFTI.

"Saint Père, vous ne pouvez imaginer notre joie. Je me souviens fort bien des deux fois où j'ai eu l'honneur de vous faire visite au Vatican, mais je je ne pouvait alors imaginer de pouvoir le rencontrer dans cette mosquée."

"C'est vraiment une occasion qui va plus loin que l'histoire et qui portera beaucoup de fruits pour la paix dans le monde. Je ne parle pas seulement en mon nom, mais au nom de tous, imams et cheicks."

"Cette mosquée peut se définir comme la mère de toutes les mosquées et cette rencontre est significative pour tous les musulmans du monde. C'est aussi un moment d'espérance pour tous les arabes qui souffrent à Jérusalm, en Palestine et dans le sud du Liban."

REPONSE DU PAPE JEAN PAUL II APRES LA VISITE.

Chers Amis Musulmans, As-salámu 'aláikum!

... "Votre terre est chère aux chrétiens: ici notre religion a connu des périodes vitales pour sa croissance et son développement doctrinal. Ici se trouvent des communautés chrétiennes qui ont vécu en paix et en harmonie avec leurs voisins musulmans pendant des siècles."

" Notre rencontre se tient tout près du lieu que les Chrétiens et les Musulmans vénèrent comme la tombe de Jean le Baptiste, connu sous le nom de Yahya dans la tradition musulmane. Le fils de Zacharie est une figure de première importance dans l'histoire de la chrétienté, car il était le Précurseur qui a préparé le chemin pour le Christ."

..."Notre rencontre dans ce lieu renommé nous rappelle que l'homme est un être spirituel, appelé à reconnaître et à respecter le primat absolu de Dieu sur toutes choses. Pour nous, Chrétiens et Musulmans, la rencontre avec Dieu dans la prière est la nourriture nécessaire de nos âmes, sans laquelle nos cœurs se flétrissent et notre volonté ne lutte plus pour le bien, mais succombe au mal."

..."Les Musulmans et les Chrétiens honorent pareillement leurs lieux de prière, oasis où ils rencontrent le Dieu Miséricordieux dans leur voyage vers la vie éternelle, et où ils rencontrent leurs frères et leurs sœurs en religion. Lorsqu'à l'occasion de mariages, de funérailles ou d'autres célébrations, Chrétiens et Musulmans demeurent dans un silence respectueux de la prière de l'autre, ils portent témoignage de ce qui les unit, sans masquer ou nier ce qui les séparent."

..." Je souhaite ardemment que les responsables religieux et les professeurs de religion, musulmans et chrétiens, présentent nos deux importantes communautés religieuses comme des communautés engagées dans un dialogue respectueux, et plus jamais comme des communautés en conflit. Il est capital d'enseigner aux jeunes les chemins du respect et de la compréhension, afin qu'ils ne soient pas conduits à faire un mauvais usage de la religion elle-même pour promouvoir ou pour justifier la haine et la violence. La violence détruit l'image du Créateur dans ses créatures, et elle ne devrait jamais être considérée comme le fruit de convictions religieuses."

..."Ce dialogue s'est accru lors des récentes décennies; et nous pouvons aujourd'hui manifester notre reconnaissance pour la route qu'aussi loin nous avons parcourue ensemble. Au plus haut niveau, le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux représente l'Église catholique dans cet effort... Ces dernières années, le Conseil a mis en place un comité de liaison avec des Organisations islamiques internationales, et aussi avec l'Université al-Azhar en Égypte, que j'ai eu le plaisir de visiter l'an dernier."

..."Le dialogue interreligieux est plus efficace lorsqu'il jaillit de l'expérience d'une "vie partagée avec l'autre" au quotidien, à l'intérieur d'une même communauté et d'une même culture. En Syrie, Chrétiens et Musulmans ont vécu côte à côte pendant des siècles, et le riche dialogue de vie s'est poursuivi sans interruption. Chaque personne et chaque famille connaissent des moments d'harmonie, et d'autres moments où le dialogue s'interrompt. Les expériences positives doivent fortifier nos communautés dans l'espérance de la paix; et les expériences négatives ne devraient pas ruiner cette espérance. Chaque fois que les Musulmans et les Chrétiens se sont offensés les uns les autres, nous avons besoin de rechercher le pardon qui vient du Tout-Puissant et de nous offrir mutuellement ce pardon. Jésus nous enseigne qu'il nous faut pardonner les offenses des autres pour que Dieu puisse nous pardonner nos péchés (cf. Mt 6, 14)."

Il y eut un moment dramatique durant que le pape prononçait ce message. Sur l'écran de la transmission directe de l'image et des paroles, on vit s'inscrire en surimpression l'annonce du bombardement en cours dans le village de Beit Jala en Cisjordanie :"Les chars israëliens ont bombardé Beit Jala. Un palestinien a été tué et 12 autres blessés."


Texte original : Anglais et Arabe. traduction française officielle
Service de presse du Vatican