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LES DIALOGUES OECUMÉNIQUES
Entre l'archevêque d'Athènes et Jean Paul II
 
Allocution du métropolite CHRISTODOULOS,
archevêque d'Athènes et président du Saint-Synode de l'Église orthodoxe de Grèce.
lors de la visite de Jean Paul II en Grèce en mai 2001.

Votre Sainteté, nous vous souhaitons la bienvenue !

C'est pour nous un honneur particulier que le primat de l'Église de Rome ait exprimé le désir de nous rendre visite, à nous, primat de l'Église orthodoxe de Grèce, au cours d'un pèlerinage qu'il fait dans notre pays. Nous sommes particulièrement touché par le fait qu'au centre de ce pèlerinage il y ait la figure de l'apôtre Paul, fondateur de notre Église.

Son enseignement aux Athéniens a posé les fondations de l'identité spirituelle de tous les peuples chrétiens, en particulier ceux de l'Europe. Par cet enseignement nous a été révélé le don de l'amour de Dieu et de la rédemption en Christ. Vraiment, "alors que nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. Combien plus maintenant, justifiés par son sang, serons-nous par lui sauvés de la colère. Si, étant ennemis, nous fûmes réconciliés à Dieu par la mort de son Fils, combien plus, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie" (Rm 5, 8-10).

Une joie obscurcie par le fait de notre division

C'est la première fois dans l'histoire qu'un pape de Rome visite Athènes. Je m'en réjouis, mais ma joie est assombrie par le fait de notre division. Des raisons dogmatiques et ecclésiologiques, qui existent depuis un millénaire, empoisonnent l'atmosphère et réduisent à néant les conditions nécessaires qui eussent permis à votre visite d'être fructueuse et de produire des résultats.

Les anathèmes ont été levés, grâce à Dieu. Mais les causes qui les avaient provoqués ne l'ont pas été. Malgré cela, l'Église de Grèce souhaite vous adresser, par mon entremise, une parole d'amour et de vérité, dépouillée des courtoisies conventionnelles, car ce n'est que si nous "disons la vérité dans l'amour" (Ep 4, 15) et admettons nos erreurs que nous pouvons espérer parvenir à l'unité de la foi.

Votre Sainteté, une grande partie du plérôme de l'Église de Grèce s'oppose, cela se comprend, à votre présence ici, bien que saint Marc d'Ephèse ait exprimé notre tradition quand il disait à Ferrare, s'adressant au pape Eugène IV, en 1438 : "Notre tête, le Christ notre Dieu... ne tolère pas que le lien de l'amour disparaisse entièrement entre nous" (PO, XVII, 198).

Des "blessures ouvertes"

Nous désirons expliquer les réactions du peuple de ce pays parce que votre visite à la ville d'Athènes peut agir comme un stimulus inhabituel pour "purifier la mémoire ecclésiale" des expériences traumatisantes qui ont résulté de la conduite non-fraternelle du monde chrétien occidental envers les peuples orthodoxes au cours du second millénaire, depuis le grand schisme de 1054.

Ces réactions expriment non seulement une condamnation explicite des actes de violence inacceptables perpétrés contre les peuples orthodoxes en question, mais aussi l'exigence, dans la conscience orthodoxe, d'une condamnation formelle des injustices qui ont été commises contre eux par l'Occident chrétien. Cela faciliterait le développement d'un esprit de dialogue constructif dans nos relations bilatérales.

Le peuple grec orthodoxe, plus que d'autres peuples orthodoxes, ressent intensément dans sa conscience religieuse et dans sa mémoire nationale les expériences traumatisantes qui demeurent comme des blessures ouvertes infligées à son corps vigoureux, expériences au nombre desquelles figurent, comme chacun le sait, la manie destructrice des croisés et la période de domination latine, ainsi que le prosélytisme illégitime de l'uniatisme.

Et cependant, jusqu'à ce jour, pas une seule demande de pardon ne s'est fait entendre. En effet, en mainte occasion de notre histoire, notre peuple a constaté avec amertume que la puissante Église de Rome n'avait pas jugé bon de lui prêter attention dans les moments difficiles ; qu'elle opprimait fréquemment sa conscience ecclésiale ; et qu'elle lui avait même fait injustice dans des cas où l'intérêt national était en jeu.

"Poser la première pierre sur laquelle se construiront compréhension, pardon et réconciliation" Il serait inutile pour nous de dresser une liste d'événements, qu'ils soient pris parmi ceux qui appartiennent au passé, ou parmi ceux qui restent des points sensibles sur le corps historique de l'Église.

Ainsi en est-il du problème de l'uniatisme, par exemple, qui constitue la raison fondamentale du blocage du dialogue théologique entre l'Église catholique romaine et l'Église orthodoxe. L'important, c'est que nous attendons qu'une parole courageuse soit prononcée par vous, la parole d'un évêque chrétien qui parle à notre coeur. Cette parole doit poser la première pierre sur laquelle se construiront compréhension, pardon et réconciliation.

Il est certain qu'une parole courageuse de votre part ne résoudra pas automatiquement nos différences dogmatiques et ecclésiologiques. Cela se fera avec la grâce de Dieu, par un dialogue théologique sincère, dialogue qui s'est poursuivi au cours des dernières décennies, malgré les obstacles rencontrés. Le dialogue de vérité entre l'Église catholique romaine et l'Église orthodoxe doit être fondé sur la foi apostolique commune de l'Église indivise des sept conciles oecuméniques et sur notre Tradition patristique. Tout comme notre saint père Marc d'Éphèse, "nous cherchons à revenir à l'époque où, étant unis, nous disions les mêmes choses, et où il n'y avait pas de schisme entre nous" (Acta Graecorum, p. 53).

L'exemple des Pères de l'Église du premier millénaire Dans ce parcours commun, nous avons comme exemples illustres les Pères théophores, orientaux et occidentaux, de l'Église du premier millénaire. Ils ont illuminé et continuent à illuminer, par leur parole et par leur action, le cheminement spirituel de l'Église en ce monde. Ainsi, ils se sont montrés non seulement de brillants exemples d'hommes qui plaçaient l'intérêt supérieur de l'Église de Dieu avant toute commodité d'ordre personnel ou profane, mais aussi comme le critère immuable dans le temps, confirmant continuellement le bon et sain fonctionnement de la mémoire ecclésiale.

Votre Sainteté, en votre qualité de représentant des deux mille ans d'histoire du christianisme occidental, vous êtes sans conteste conscient de la contribution inestimable apportée par les saints Pères grecs de l'Orient à la formation du patrimoine spirituel de la chrétienté d'Occident, notamment par Athanase le Grand, Basile le Grand, Grégoire le Théologien, Jean Chrysostome, Cyrille d'Alexandrie, Irénée de Lyon, Maxime le Confesseur.

Sans eux, l'établissement de la Tradition occidentale dans son ensemble aurait été difficile, sinon impossible. On peut aisément voir cela dans les déclarations du concile de Vatican II (1962 - 1965) concernant les relations de l'Église catholique romaine avec l'Église orthodoxe. Par conséquent, dans l'encyclique récente "Ut unum sint", Votre Sainteté proposait que toutes les divergences qui ont brisé la communio in sacris soient envisagées sur la base de la tradition patristique et plus largement de la tradition ecclésiale du premier millénaire.

Votre Sainteté est également bien consciente du fait que l'Église orthodoxe, qui s'en est fermement tenue à la Tradition commune du premier millénaire, vit et connaît la totalité du mystère de l'économie divine dans le Christ, dans la sainte eucharistie par excellence, qui n'est pas simplement commémoration, mais manifestation continuelle de l'Esprit Saint qui édifie et soutient toute l'institution de l'Église.

L'Église orthodoxe a également conservé l'écho de la voix forte des Pères occidentaux, notamment, Cyprien de Carthage, Ambroise de Milan, Augustin d'Hippone, Léon de Rome, Grégoire le Dialogue [Grégoire le Grand], Martin le Confesseur, pape de Rome, etc. Par leur voix s'est renforcée la communion de foi dans le lien de la charité. Aussi aspirons-nous à revenir à cette unité.

Puissions-nous désormais, "[nous appliquant] à conserver l'unité de l'Esprit par ce lien qu'est la paix", atteindre ce point où nous confesserons tous qu'"il n'y a qu'un Corps et qu'un Esprit, comme il n'y a qu'une espérance, au terme de l'appel que [nous avons] reçu ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous" (Ep 4, 3-6).

"OEuvrer ensemble pour accueillir les peuples orthodoxes au sein de l'Europe unie"

Marchant avec droiture, nous désirons oeuvrer, avec la bénédiction du Seigneur, à la formation d'une Europe unie. Nous saluons votre décision de reconnaître la mission éducatrice et civilisatrice en Europe de nos saints grecs Cyrille et Méthode de Macédoine. Le temps est venu pour nous d'oeuvrer ensemble pour accueillir les peuples slaves, baltes, et autres peuples européens, ceux qui sont orthodoxes comme ceux qui ne le sont pas, ainsi que Chypre, au sein de l'Europe unie.

Il est à remarquer que, malgré le fait que l'île apostolique de Chypre souffre depuis un quart de siècle du fait d'une partition barbare, victime d'une brutale purification ethnique, avec des centaines de morts et de disparus, véritables martyrs de la liberté, et qu'elle subisse le vandalisme et le pillage continuel de ses monuments chrétiens, nous n'avons pas entendu un seul mot de sympathie de la part de Votre Sainteté, alors que vous êtes fréquemment et fort justement intervenu en faveur de différents peuples de notre planète.

Le temps est venu de coordonner nos efforts pour assurer que l'Europe reste une terre chrétienne, en rejetant la tendance qui visent à transformer ses nations en États athées (États laïques) et à nier leur identité chrétienne. Le temps est venu pour nous de travailler à une Europe unie qui respecte ses minorités aussi bien que le droit de chacun de ses peuples à garder sa foi, sa langue, sa culture et sa tradition, en d'autres termes, son identité spirituelle.

"Offrir à l'homme du 21e siècle l'Évangile de vie"

Ayant toujours devant nous Sa volonté, nous travaillerons, non pas pour augmenter l'influence d'une Église au détriment d'une autre, ni pour renforcer notre supériorité sur la base de critères séculiers, étrangers à notre spiritualité, mais pour mettre des limites à l'insatiable appétit d'injustice, pour soulager la souffrance des enfants de Dieu, pour offrir à l'homme du 21e siècle l'unique Évangile de vie, de grâce et de liberté ; pour présenter l'espérance de la foi à l'homme contemporain qui, inondé de biens matériels et de prouesses technologiques, souffre grandement de l'absence d'espoir, de paix intérieure et de certitude.

Votre Sainteté, nous vous souhaitons de tout notre coeur un séjour béni dans notre pays. Et plus encore, nous souhaitons que votre visite constitue le début de développements positifs dans la grande cause de l'unité de tous, et que cela soit pour la gloire de Dieu. Amen.

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Allocution prononcée par l'archevêque CHRISTODOULOS, président du saint-synode de l'Église orthodoxe de Grèce, lors de sa rencontre à l'archevêché d'Athènes avec Jean Paul II le 4 mai 2001. Le Service orthodoxe de presse (SOP) a reproduit ici l'intégralité du discours de l'archevêque d'Athènes, dont seuls quelques extraits ont été reproduits par la presse internationale. La traduction française a été établie à partir de la version anglaise distribuée aux journalistes. Le titre et les intertitres sont de la rédaction du SOP.
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