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LES DIALOGUES OECUMÉNIQUES
Helsinki - septembre 2001
 
Réception des dialogues entre les Eglises orthodoxes et de la Réforme.
Consultation sur la réception des dialogues entre les Églises orthodoxes et les Églises de la Réformation:
"Les champs sont-ils déjà mûres pour la moisson? La réception des dialogues entre nos Églises"
Helsinki, Finlande, 23-26 septembre 2001

1. ORIGINE ET OBJECTIF

La question abordée par le thème de la conférence, en référence au passage de Jean 4:35 "Ne dites-vous pas qu'il y a encore quatre mois jusqu'à la moisson?", évoque un processus dynamique: une graine est plantée, elle pousse puis donne des fruits mûrs pour la moisson. Le mouvement oecuménique des Églises européennes, tel que l'expérimente la KEK depuis près d'un demi-siècle, correspond lui aussi à un processus de maturation de l'unité ecclésiale.

Ce mouvement poursuit par ailleurs un but eschatologique. Cette dynamique s'est également exprimée dans le cadre de la présente consultation d'évaluation. Cette consultation s'est déroulée à Helsinki, un lieu riche en histoire, en pleine crise politique mondiale, à un moment où les États européens déploient des efforts intenses en vue de leur intégration politique, économique et culturelle.

Les Églises sont elles aussi touchées par ces processus extérieurs. Il est de notre devoir de prendre position en faveur d'une cohabitation pacifique et fructueuse des peuples, des cultures et des États. Le responsable des études pour la KEK, Prof. Dr. Viorel Ionita, a présenté dans son exposé d'introduction l'origine et l'objectif de la consultation d'Helsinki.

Dans le cadre de la phase préparatoire du Rassemblement oecuménique de Graz (1997), la Fédération des Églises protestantes de la Suisse (FEPS) avait organisé une consultation à Dulliken (Dulliken I) sur les "Points fondamentaux de la compréhension entre le protestantisme occidental et l'orthodoxie orientale".

En novembre 1997, après le Rassemblement de Graz, la KEK a décidé de considérer les dialogues entre les Églises d'Europe comme prioritaires. Une seconde consultation a eu lieu à Dulliken en 1998 (Dulliken II) sur le thème "Facteurs culturels dans la rencontre entre le protestantisme occidental et l'orthodoxie orientale". Une troisième consultation a été organisée conjointement par l'Église évangélique en Allemagne (EKD) et la KEK en novembre 1999 (Dulliken III) avec pour thème: "Importance des aspects culturels lors d'entretiens et rencontres entre orthodoxes et protestants"; il en est ressorti les recommandations suivantes: le processus de réception des dialogues devrait être élargi aux paroisses, les Églises devraient 'digérer' leur histoire commune pour gagner une nouvelle approche du passé et trouver les voies de la réconciliation.

Helsinki (Dulliken IV) s'est consacrée au processus de réception des dialogues oecuméniques entre Églises orthodoxes et Églises de la Réformation - un processus qui a sa place non seulement au terme des dialogues, mais aussi dès leur amorce et tout au long de leur déroulement. Il ne se limite pas à un processus d'information, mais englobe les aspects de différenciation et d'évaluation et s'inscrit dans les expressions multiples du dialogue et de la vie ecclésiale locale.

Il nous faut également nous interroger sur l'impact réciproque des dialogues oecuméniques, cerner d'éventuelles incompatibilités entre eux et examiner comment les divers dialogues se positionnent par rapport aux Déclarations formulées par des communions ecclésiales nées au cours des dernières décennies en Europe: Communion ecclésiale des Églises de la Réformation en Europe (Accord de Leuenberg), 1973; Affirmation commune de Meissen entre l'EKD et l'Église d'Angleterre, 1988/1991 et Affirmation commune de Porvoo entre Anglicans britanniques et irlandais et les Églises luthériennes de la région nordique/baltique.

Les tensions régnant actuellement au sein du COE, à la suite de la vive critique formulée par les Églises membres orthodoxes à propos de certains développements, peuvent être désarmorcées et vaincues par une écoute mutuelle attentive et par l'instauration d'un climat de confiance.

La consultation d'Helsinki a permis de faire un pas dans ce sens. Les participants à la consultation sont convaincus que la réception des dialogues entre Églises orthodoxes et Églises de la Réformation peut renforcer la compréhension et la confiance réciproques.

2. PARTICIPANTS

Les modérateurs de la consultation étaient l'Évêque Dr. Juha Pihkala de l'Église luthérienne évangélique de Finlande et le Métropolite Athanasios d'Heliopolis et Theira, représentant le Patriarcat de Constantinople. Étaient présents sept membres de cinq Églises orthodoxes: le Patriarcat oecuménique et les Églises orthodoxes russe, roumaine, tchèque-slovaque et finlandaise. Treize luthériens y assistaient venant de Finlande, d'Allemagne, de Roumanie et de Suède. Parmi les invités citons également d'autes délégués de l'Église d'Angleterre et de l'Église vaudoise en Italie, ainsi que des représentants de la Commission" Foi et Constitution" du COE, de la Communion ecclésiale de Leuenberg et du Conseil oecuménique finlandais.

Dimanche 23 septembre, les participants à la consultation se sont associés par leurs prières à la liturgie orthodoxe célébrée dans la Cathédrale d'Uspenskij. Les prières du matin se sont déroulées en alternance selon la tradition orthodoxe et luthérienne. Dans la soirée du 25 septembre, les membres de la consultation ont participé sur la Place du Sénat, avec les communautés religieuses de Finlande, à une prière publique pour la paix.

3. INTERVENTIONS

Les exposés suivants ont été présentés:

Prof. Risto Saarinen, Université d'Helsinki, Finlande sur "La dynamique des dialogues théologiques entre Églises orthodoxes et Églises de la Réformation (1995-2000)"; cette intervention a souligné le travail positif réalisé en matière de sotériologie (justification et théosis), d'ecclésiologie eucharistique et de théologie de la Sainte Trinité, et a relativisé la critique orthodoxe formulée à l'égard du COE. Le danger d'un "perpetuum mobile" inhérent à la production incessante de nouveaux textes - qui ne sont ni approuvés par les Églises ni transmis aux fidèles - devrait nous inciter à rechercher davantage le contact, la rencontre et le partage au quotidien, même s'il est difficile d'y parvenir de manière méthodique.

Le Pasteur Prof. Wolfgang Bienert, Université de Marbourg, Allemagne, a fourni un récapitulatif chronologique des dialogues entre l'Église évangélique d'Allemagne et l'Église orthodoxe-russe, le Patriarcat oecuménique, l'Église orthodoxe roumaine et l'Église orthodoxe bulgare. Il a insisté sur les points suivants, essentiels pour garantir un dialogue fructueux: la confiance, la patience et la persévérance - ainsi que la volonté de faire preuve d'une écoute réciproque et d'apprendre les uns des autres.

Le Pasteur Prof. Valer Bel, Université de Klausenbourg/Cluj, Roumanie avait choisi pour thème "Le dialogue théologique bilatéral entre l'Église orthodoxe roumaine et l'Église évangélique en Allemagne"; Le Pasteur Dr. Colin Davey, Église d'Angleterre, a parlé de "La réception au sein de l'Église d'Angleterre du dialogue anglican-orthodoxe".

Dans le débat qui suivit, plusieurs participants ont mentionné le changement de génération constaté au niveau des acteurs du dialogue. D'autres ont cité toute une série d'exemples de contacts et d'échanges entre Églises, y compris la participation luthérienne aux rencontres anglicano-orthodoxes en Roumanie et la thèse consacrée aux dialogues inter-ecclésiaux.

Les différents exposés et la discussion qu'ils ont suscitée, ont servi d'impulsion à un travail réalisé en deux groupes sur a) la dynamique, le processus de réception et la méthodologie des dialogues, et b) les différentes formes de dialogue avec les Églises orthodoxes et leur relation avec d'autres dialogues.

4. RESULTATS DE L'ECHANGE

Il est indispensable de définir une conception commune claire de l'unité ecclésiale. Ce faisant il ne faudrait pas tomber dans le piège de se contenter, comme le font certains, d'actions communes et d'une collaboration à un niveau pratique.

Deux approches doivent cohabiter: d'une part, la recherche de l'unité dans la foi (Rom. 1:8-15), d'autre part la mise en oeuvre dès aujourd'hui d'actions communes (1 Pierre 4:7-11). Même si nous ne disposons pas encore de fondements théologiques communs pour une parfaite unité visible de l'Église, les bases pour une action commune -la diaconie p.ex. - existent déjà.

Au sein des Églises de la Réformation s'est développée une ouverture vis-à-vis des formes que peut prendre la liturgie des Églises orientales (icônes, matériel liturgique et musique religieuse p. ex.). D'autre part, on a pu constater dans certaines Églises orthodoxes une nouvelle manière d'appréhender les Saintes Écritures au niveau de la prêche et de la théologie.

La spiritualité orthodoxe a influencé la liturgie et la spiritualité occidentales de diverses manières: le Credo de Nicée-Constantinople dans sa version originale, la vision trinitaire pour la prière d'intercession et l'utilisation de l'Épiclèse dans la prière eucharistique, l'adoption de prières d'intercession ainsi que d'autres prières et chants, l'apprentissage de la pratique de la prière selon la tradition monastique orientale. Les dialogues mettent en évidence le trésor que nous avons en commun: les Saintes Écritures.

Elles renferment différents accents ecclésiologiques. Dans l'interprétation patristique nous avons découvert notre héritage commun. Les croyants occidentaux ont su trouver une nouvelle manière d'aborder la liturgie orthodoxe sous l'angle de la prêche par le biais du chant et des louanges.

Les Églises doivent se demander si elles sont disposées à renoncer à quelque chose pour parvenir à l'unité ecclésiale. Ce qui est perçu par certains comme un sacrifice ou une restriction, correspond pour d'autres à une nouvelle façon d'aborder un thème classique, comme p. ex. la question du maintien de l'Église dans l'apostolicité. Chaque Église doit veiller à ce que des nuances apportées dans l'interprétation n'entraînent pas une perte de substance théologique ou d'identité ecclésiale.

Dans le dialogue oecuménique l'identité confessionnelle de chacun doit être préservée par rapport à divers dialogues. En même temps, le partenaire de dialogue doit pouvoir être clairement identifié sur un plan ecclésiologique. C'est la seule façon de garantir que les dialogues se traduisent par un enrichissement mutuel.

Prenons un exemple: pour les orthodoxes la reconnaissance du Saint Baptême ne doit pas se faire comme un acte isolé, ils la considèrent indissociable de questions touchant à l'ecclésiologie et au ministère. Les Églises de la Réformation justifient l'hospitalité eucharistique par des arguments théologiques, alors que pour les Églises orthodoxes celle-ci implique l'unité de foi entre les Églises.

Il convient de se demander non seulement ce que nous avons appris les uns des autres dans le cadre des dialogues, mais aussi ce que les partenaires du dialogue ont appris d'autres dialogues. La motivation au dialogue pour certaines Églises ne consiste pas à apprendre les uns des autres, mais à témoigner de sa propre foi. En règle générale, tant les orthodoxes que les Églises de la Réformation considèrent les dialogues comme un processus d'enrichissement réciproque.

Les dialogues peuvent aussi être une source d'enrichissement réciproque lorsque nous mettons les dialogues menés à l'échelle locale en relation avec ceux entretenus au niveau mondial. Les résultats des dialogues internationaux se limiteront à l'autorité des Commissions tant qu'ils ne seront pas adoptés par les Églises qui y ont participé.

Ainsi, les orthodoxes ont-ils achevé la première étappe de leurs dialogues avec les Vieux-catholiques et les orthodoxes de tradition orientale (dialogues qui ont formulé des accords importants) sans que les relations entre ces Églises s'en soient trouvées sensiblement modifiées.

Une réception complète implique la mise en oeuvre concrète des résultats des dialogues au niveau de la pratique ecclésiale. La plupart des tensions qui existent entre les Églises ne sont pas uniquement de nature théologique, mais résultent aussi de divers développements de la société postmoderne et de la mondialisation. Il n'en reste pas moins vrai que l'on ne peut faire l'impasse d'une clarification théologique des différents qui pourra ensuite servir de base à un engagement commun renforcé des Églises au sein de la société.

5. RECOMMANDATIONS

En tant que groupe de délégués d'Églises membres de la KEK, orthodoxes et autres, engagés dans des dialogues bilatéraux, nous avançons les propositions suivantes. Notre objectif est que les Églises d'Europe apprennent à s'exprimer d'une seule voix dans la réponse à apporter aux défis de la société sécularisée. Les Églises doivent, dès aujourd'hui, entreprendre un témoignage commun de leur foi au sein de la société. Recommandations pour le travail théologique et ecclésial-pastoral (1-12)

Il convient de tendre vers une mise en réseau des dialogues. Les résultats des dialogues entrepris doivent être formulés de manière à se compléter. Ainsi le processus du mouvement oecuménique apparaîtra plus clairement.

Les documents des dialogues et leurs résultats doivent être rédigés dans un langage compréhensible pour les fidèles. Dans le cadre de la formation théologique, il faudrait élargir l'étude confessionnelle et y intégrer les textes des résultats des dialogues.

Il y a lieu de renforcer le dialogue entre enseignants et étudiants. Les programmes d'allocation de bourses ainsi que les projets de recherche et de doctorat ayant trait aux dialogues devraient être soutenus. Le Credo de 381 doit avoir sa place dans les célébrations du culte des Églises concernées. En parallèle, le dialogue sur la tradition occidentale en matière de profession de foi doit être poursuivi.

La question de la reconnaissance mutuelle du Saint Baptême doit être abordée et traitée à fond par les Églises orthodoxes et celles de la Réformation. Il serait bon de rechercher pour chaque pays une traduction commune des Saintes Écritures ou des péricopes d'offices religieux (dans la mesure où elle n'existe pas encore).

Propositions d'autres thèmes de dialogue:

prière et spiritualité, la vie sacramentelle, l'ecclésiologie, les questions éthiques et socio-éthiques. Il convient de continuer à favoriser une pratique commune de la prière. L'action commune dans des domaines comme la pastorale, la diaconie, les rencontres paroissiales, le travail des jeunes, etc. doit être développée. La question des couples mixtes (de confession différente) doit faire l'objet de recommandations dans le cadre des célébrations du culte et de la pastorale.

Les différentes positions des Églises en ce qui concerne l'hospitalité eucharistique doivent être communiquées aux fidèles. Les participants à la consultation soutiennent les objectifs poursuivis par la "Charta Oecumenica". Le travail en relation avec les dialogues doit donc afficher un lien évident avec ces objectifs.

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