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Infocatho
CELAM 2007
Aparecida - 13 au 31 mai.
 

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LES ENJEUX DE CETTE CONFÉRENCE
Les Mouvements évangéliques et pentecôtistes
Une épidémie de populisme religieux - Au Brésil, le Pentecôtisme - L'attente des croyants

Une épidémie de populisme religieux.


Les nouveaux chefs d'État semblent touchés par la grâce. En émaillant ses discours de références au Christ, le président du Venezuela, Hugo Chàvez, a rejoint la cohorte des hommes politiques latino-américains touchés par la grâce - ou du moins qui voudraient nous le faire croire. Sont-ils sincères ou s'agit-il d'une épidémie de populisme religieux ?

Pour de nombreux commentateurs, cette contagion s'expliquerait par une volonté d'instrumentaliser la ferveur religieuse dans la région à des fins politiques et s'accompagnerait d'un regain d'influence de l'Eglise dans les affaires de l'Etat. Pour d'autres, la religion risque d'être bientôt utilisée afin d'alimenter les conflits locaux, voire régionaux, comme c'est déjà le cas dans d'autres régions du monde.

Chàvez a beau s'être souvent montre tres sevère à l'égard de la hiérarchie ecclésiastique, coupable selon lui de soutenir l'oligarchie du pays, et n'être "ni* catholique ni* chréti*en" d'apres son biographe, Agustin Blanco, il a tout de même consacré une bonne partie de son discours triomphal, après sa réélection du 3 décembre 2006, à évoquer jésus. "Le royaume du Chrlst, c'est le royaume de l'amour, de la paix, le royaume de la justice, de la solidarité, de la fraternité, le royaume du socialisme. Le royaume du Christ n'est autre que le Venezuela du futur."

Quelques semaines auparavant, début novembre, le président du Nicaragua, Daniel Ortega, remportait les élections après avoir abandonné son ancienne rhétorique marxiste et s'être présenté comme un fervent catholique. Il a d'ailleur récemment épousé religieusement sa compagne de toujours, a soutenu une loi interdisant les avortements thérapeutiques - avec la bénédiction de l'Eglise - et n'a cessé pendant toute la campagne présidentielle de s'y montrer dans divers lieux de culte.

En Equateur, le magnat de la banane, Alvaro Noboa, a fait une percée spectaculaire dans les sondages et s'est hissé au second tour de l'élection presidentielle en se présentant comme le "messager de Dieu". Il a fini par s'incliner devant son rival, le populiste de gauche Rafael Correa, qui, sur la fin de la campagne, avait modéré son discours et s'était fait passer pour un bon catholique.

 Nous assistons aujourd'hui à une ingérence permanente de l'Eglise dans affaires de l’État.

En Argentine, depuis l'effondrement économique de 2001, l'Eglise a acquis une plus grande visibilité. Quant au Mexique, il ne se passe pas de jour sans que le cardinal Norberto Rivera fasse connaitre son opinion dans la presse sur des questions politiques ou sociales.


D'après une enquête de Latinobarômetro menée dans 17 pays d'Amérique latine en 2006, l'Eglise est de loin l'institution la plus respectée de la région : en effet, 71 % des L2tino-Américains disent faire confiance à l'Eglise, tandis qu'ils sont 43 % à faire confiance à leur président, 42 à l'armée, 38 % au secteur privé, 28 au Parlement et seulement 18 % aux partis politiques.

 "L’effondrement des idéologies, notamment du communisme, a laissé un grand vide et a conduit les individus à chercher d'autres choses auxquelles se raccrocher avec passion, comme la religion," conclut l'éditorialiste du New York Times.
(Source : New York Times)

Au Brésil, l’Église catholique et les Pentecôtistes

Si le Brésil  reste le premier pays catholique du monde, la concurrence est vive entre les diverses Églises, et l'éventail de ses croyances chrétiennes recouvre simultanément bien d'autres religions, des cultes d'origine africaine au spiritisme.

Après cinq cents ans de monopole de la religion catholique en Amérique latine, des dizaines de nouvelles religions ont émergé : Protestants, Mormons, Églises évangéliques et pentecôtistes cherchent activement à accroître le nombre de leurs fidèles.

Depuis les années 1980, les Églises pentecôtistes connaissent un essor considérable grâce à leur maîtrise des médias. Par exemple, l'Assemblée de Dieu, fondée en 1911, compte près de 10 millions de fidèles et l'Église universelle du Royaume de Dieu, créée en 1977 à Rio de Janeiro, compte 4 millions de fidèles dans le monde, des radios et des journaux, deux chaînes de télévision au Brésil, ainsi que dans des pays comme l'Uruguay.

Au Brésil, cette Église a même des députés au Parlement (le Brasflia. Certaines Églises pentecôtistes sont devenues des entreprises commerciales, bien qu'elles ne soient pas toutes multinationales. Ces nouvelles religions, ces « mouvements de salvation », se développent dans les zones rurales les plus pauvres et dans les périphéries des grandes capitales où vivent les populations les moins favorisées.

Ces Églises exercent une influence politique dans plusieurs pays, comme le Guatemala et le Brésil, où elles s'allient, la plupart du temps, aux courants conservateurs. Leur essor joue un rôle important dans la désaffection que subit la religion catholique. On estime qu'au Brésil, pays qui compte le plus de catholiques au monde, 500.000 personnes par an environ abandonnent la religion catholique.

Le Pentecôtisme connait en effet une progression fulgurante depuis quinze ans. Créé par des baptistes aux Etats-Unis en 1901, importé par des missionnaires en 1910, le mouvement regroupe une centaine d'Eglises. Solidement implantées chez les pauvres, elles séduisent progressivement les classes moyennes et même les plus riches. Extase, prophéties, miracles, quête de la prospérité, elles ont su cerner les attentes des sociétés contemporaines.

A leurs côtés, plus de 1200 "nouvelles Eglises" sont fondées par des pasteurs dissidents. Mais il s’en crée toujours tandis que d’autres disparaissent.

Jusqu'aux années 1950, ne pas être un catholique pur et dur revenait à s'exclure de la société. Aujourd'hui, la situation est radicalement différente. Les catholiques qui représentent 80 % de la population soit plus de 186 millions d'habitants, disposent encore d'une avance confortable. Mais leur suprématie est menacée par la rapide expansion des Eglises protestantes.

De l'Eglise réformée aux Pentecôtistes, ils sont près de 24 millions, plus du double d'il y a dix ans d'après le rapport américain "World Christian Database", publié début 2007.

Désormais, beaucoup de fidèles "font leur marché" avec Dieu en prenant dans chaque religion ce qui leur plait. Il n'est pas rare de voir un catholique fervent faire trois vœux en s'attachant au poignet un bracelet du Senhor do Bonfim et s'adonner à des rituels spirites. Les pratiquants du candomblé, culte comparable au vaudou, quant à eux, vénèrent presque tous les saints du catholicisme. Ce groupe sans religion définie connaît la plus forte croissance, avec les Pentecôtistes et le mouvement catholique du Renouveau charismatique.

Ce dernier vient d'ailleurs de tenir son « congrès »et les représentants des Églises catholiques locales ne peuvent négliger ce « Renouveau », bien plus influents que les "traditionnalistes" . Les prestations survoltées et les messes monstres du P. Marcelo Rossi attirent des foules de centaines de milliers de personnes. L'Eglise catholique évaluait le nombre de ces charismatiques à 4 millions en 1994 et pense qu'ils sont plus de 12 millions aujourd'hui. (Jaime Klintowitz, dans Veja)


Des valeurs évangéliques et l'attente des croyants

Le mouvement pentecoôtiste est porteur de valeurs dont les Églises historiques auraient tout intérêt à s"inspirer, pensent de nombreux pasteurs protestants et de nombreux prêtres catholiques.

C'est un renouveau de l'Esprit, qu’il faut prendre au sérieux avec ces éléments du message évangélique ou biblique partiellement négligés par les autres confessions chrétiennes : dons de l'Esprit, guérison, oralité, prise au sérieux de chacun dans une communauté, enthousiasme missionnaire.

En un siècle, ce mouvement a atteint 400 millions de personnes, à travers les cinq continents. C'est énorme. Il est impossible de ne pas théologiquement tenir compte de ce qui représente aujourd'hui un quart de la chrétienté, même s’il existe assez souvent des déviances et une ignorance des sacrements.

Dans le mouvement pentecôtiste, il existe une plus grande capacité d'inculturation que dans nos Églises. C'est vrai pour le Brésil mais aussi pour nos sociétés post-modernes qui ont abandonné l'importance exclusive de la raison.

 Or, dans une culture, il y a toujours une part d'émotion à laquelle répond le pentecôtisme. L'Évangile touche tous les sens ! Mais il nous faut refuser toute schématisation des processus de conversion et de réception de l'Esprit, ce qui alors crée parfois la division, dresse les Églises les unes contre les autres, par l'implantation de nouvelles communautés là où il y a déjà des Églises chrétiennes.

La théologie de la prospérité, trop souvent prônée dans certains Églises de type pentecôtistes, peut devenir réductrice de la grâce divine et de la « divinisation » qui s’opère en chaque chrétien par la grâce des sacrements. « Si on est un bon chrétien, Dieu donne la santé, la richesse, le succès... » avec son corollaire : « si on est malade, pauvre, c'est que l'on est un mauvais chrétien » La théologie de la prospérité peut devenir dangereuse, car culpabilité et le désespoir peuvent être les fruits.

Devant cette montée du Pentecôtisme et du Renouveau charismatique, le Pape a choisi le thème de cette Conférence Latino-américaine en insistant sur la parole de Jésus « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». Cette référence au Christ veut écarter les déviances par la fidélité à la Parole. C’est la christologie doit être le critère du discernement de l’Église : tout ce qui ne ramène pas à la manière dont Jésus a révélé Dieu pose question.

Il nous faut être attentifs à Dieu qui souffle en liberté. Les protestants ont domestiqué l'Esprit dans la prédication du dimanche au culte, les catholiques dans la hiérarchie et les sacrements, les orthodoxes dans la liturgie. Toutes les traditions chrétiennes doivent avoir cette capacité de s'ouvrir à la liberté de l'Esprit, qui  nous attend là où on ne l'attend pas.

Il faut des célébrations tranquilles qui sont propices à la méditation. Il faut des célébrations qui soient festives. Le Pentecôtisme et le Renouveau charismatique posent quelquefois question. Il rend aussi service.

Un dialogue sérieux profitera à tout le monde. L’idéal d'Église serait celle qui aurait l'enthousiasme des pentecôtistes ou des charismatiques, le sérieux de la lecture biblique et de la liberté du débat des protestants, le sens universel de l'Église catholique et le respect de la liturgie des orthodoxes. (Jacques Matthey – COE)


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