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Infocatho
CELAM 2007
Aparecida - 13 au 31 mai.
 

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ECCLESIA IN AMERICA
L'exhortation Apostolique de 1999


... " Si Dieu le veut, j'aurai la joie de prendre personnellement contact avec la réalité de ces pays en étant présent, s'il plaît à Dieu, à l'ouverture de la Ve Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, à Aparecida, au Brésil, au mois de mai prochain. Dans un certain sens, cette assemblée résume et se place dans le sillage des conférences générales précédentes, tandis qu'elle s'enrichit des nombreux dons « post-conciliaires » du Magistère pontifical — je pense en particulier à l'exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in America — comme également des fruits du chemin synodal de l'Eglise catholique.

On se propose de définir les grandes priorités et de susciter un élan renouvelé à la mission de l'Eglise au service des peuples latino-américains dans les situations concrètes du début de ce XXIe siècle. Cette synthèse renvoie à la tradition de la catholicité, qui, grâce à une extraordinaire épopée missionnaire, s'est faite présente et a marqué de son empreinte la structure culturelle qui caractérise jusqu'à aujourd'hui l'identité latino-américaine"


Benoît XVI. - 19 février 2007



.Exhortation Apotolique post-synodale
ECCLESIA IN AMERICA
du Saint Père Jean Paul II

aux évêques, aux prêtres et aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs
SUR LA RENCONTRE AVEC LE CHRIST VIVANT, CHEMIN DE CONVERSION, DE COMMUNION ET DE SOLIDARITÉ EN AMÉRIQUE

Texte intégral sur le site du Vatican

Un réflexion sur l’Exhortation apostolique "Ecclesia in America"
Mgr. Jean-Claude Turcotte - Cardinal, Archevêque de Montréal

La réflexion suivante sur l'Exhortation apostolique Ecclesia in America est du cardinal Jean-Claude Turcotte, archevêque de Montréal donnée au moment où les membres des bureaux de direction des Conférences des évêques du Canada, des États-Unis et le Conseil épiscopal des conférences nationales de l'Amérique Latine (CELAM) se sont rencontrent à la Havane, en février 1999.

INTRODUCTION

Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II est venu livrer sur le continent américain l'Exhortation apostolique « Ecclesia in America », comme le fruit bien mur d'un long travail de consultations, de réflexion et d'échange de points de propos, échelonné sur les périodes de préparation, de déroulement et des suites de l'Assemblée synodale.C'est avec grande satisfaction que nous avons lu ce document, clair et simple, qui reprend le thème même de l'Assemblée spéciale du Synode des évêques pour l'Amérique et reflète avec fidélité l'ensemble des propositions votées par les Pères du Synode. Nous avons maintenant en mains un texte qui nous décrit, d'une manière à la fois succincte et précise, «les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ» (G.S., No 1) du continent américain et qui nous propose les méthodes pastorales pour les envisager.Je n'entends pas présenter une étude exhaustive de l'Exhortation; je me limiterai à un point particulier qui a retenu mon attention: La solidarité dans l'Église d'Amérique.

L'UNITÉ DU CONTINENT AMÉRICAIN


Ce Synode est l'affirmation décidée, surprenante au début pour plusieurs, de l'unité aux yeux de l'Église du continent américain tout entier. Le Saint-Père a voulu que le Synode porte sur l'Amérique «comme sur une réalité unique» Après douze jours de Synode, a lancé l'un des Pères à une réunion plénière, embarqués ensemble sur une grande caravelle, nous comprenons mieux la justesse de la vision du Pape. Tel un nouveau Christophe Colomb, Jean-Paul II nous fait découvrir que s'il y a toujours des Amériques, il y a bien aussi une Amérique qui les englobe toutes et qui surgit de plus en plus nettement des brumes de l'histoire».

a) Il y a d'abord l'identité chrétienne d'un continent qui doit en bonne partie sa naissance et son développement au dessein de répandre l'Évangile. «La physionomie religieuse américaine est le fruit de l'évangélisation qui a accompagné les mouvements migratoires en provenance d'Europe. Elle est marquée par les valeurs morales chrétiennes,... qui peuvent être considérées d'une certaine manière comme le patrimoine de tous les habitants de l'Amérique, même de ceux qui ne s'y reconnaissent pas explicitement» (14).b) L'unité du continent, elle tient encore au fait que l'Amérique s'est constituée en très grande partie à partir de l'immigration. Presque tous les peuples, «venus ici dans l'espoir d'un avenir meilleur» (65), ont connu la condition commune de devoir explorer le territoire, créer leur habitat et s'y adapter, bref, fonder un «nouveau monde». Cette constante de l'histoire américaine se poursuit encore aujourd'hui, dans ce mouvement qui pousse un grand nombre de latino-américains à se fixer dans les régions du nord (65).

Cette immigration s'est malheureusement faite, pour une bonne part, dans l'assujettissement et le refoulement des peuples autochtones, de même que dans l'importation et l'exploitation de populations africaines. Toutefois, il n'en demeure pas moins vrai que la population denos pays respectifs est en grande partie le résultat d'immigrations successives.c) L'unité tient encore à la communauté du territoire. La découverte psychologique de cette unité territoriale s'est faite progressivement. Les débuts de l'Amérique obéissent à un mouvement d'Est en Ouest, puisque les premiers groupes de colons se rattachaient alors à des mères-patries européennes.

La communauté Nord-Sud est liée à la maturité et à l'autonomie des peuples d'Amérique. C'est après l'histoire, peut-on dire, qu'on a découvert la géographie.d) Au niveau économique, on a mis moins de temps à découvrir cette unité territoriale. Dans ce continent aux ressources immenses et extrêmement diversifiées, les échanges de biens et de services n'ont pas attendu les traités de libre échange (LAFTA, LAIA et ALENA). Làaussi, ce n'est pas toujours dans le respect et dans l'équité que cette communauté s'est instaurée, les régions du Nord abusant, en quelque sorte, de leur supériorité en matière d'organisation et, il faut le dire, utilisant trop souvent la force des armes.


LA PROFONDE DIVERSITÉ DU CONTINENT AMÉRICAIN


Cette unité foncière de l'Amérique s'accompagne d'une très profonde diversité, «d'une énorme différence entre le Nord et le Sud» (2), les deux parties du continent étant «si différentes par leur origine et leur histoire» et si différentes aussi au plan des rapports économiques internationaux. Voici donc quelques-unes de nos différences, qui nous invitent à la communion et la solidarité :

a) Au plan spirituel, dans l'Amérique comme dans l'ensemble du monde, «il y a deux situations clairement différentes: celle des paysfortement touchés par la sécularisation et celle des autres pays, où l'on conserve encore beaucoup de traditions très vivantes de piété et de sentiment chrétien (6).

Il y a, dans les manifestations de la religiosité populaire, de vraies valeurs spirituelles, à enrichir avec les éléments de la doctrine catholique authentique et à conduire vers un engagement sincère de conversion et vers une expérience concrète de charité» (16). En ce domaine, le Nord fortement sécularisé a beaucoup à apprendre ou à réapprendre du Sud.

b) «L'énorme différence entre le Nord et le Sud», dont parle l'Exhortation apostolique, touche la vie civile en ses divers aspects: économique, social, politique et culturel.Différences d'ordre économique entre régions à économie primaire, vivant principalement de l'exportation des produits de l'agriculture et de l'élevage, face à des régions fortement industrialisées, que l'accumulation des capitaux a fait prospérer dans l'ordre du commerce et de la finance.

Différences de caractère social, où de grands contrastes se sont établis, souvent à l'intérieur d'un même pays, entre des travailleurs peu rémunérés et des élites entreprenantes et cultivées, auxquelles l'industrialisation a profité de manière presque exclusive.

Différences politiques entre, d'une part, des pays où l'État de droit et les moeurs démocratiques ont créé des institutions stables et, d'autre part, des pays où les classes privilégiées se sont souvent opposées de toutes leurs forces aux changements politiques, ont profité de l'instauration de dictatures et ont ainsi préparé des guerres civiles.Différences d'ordre culturel enfin entre de nombreux pays qui ont importé la langue de leur mère patrie, sans parler des langues diverses des peuples autochtones.


LA MISSION DE L'ÉGLISE: INSUFFLER UN ESPRIT DE SOLIDARITÉ

«L'Église ressent comme un devoir inéluctable d'unir spirituellement, et davantage encore, tous les peuples qui forment ce grand continent et, en même temps, dans le cadre de la mission religieuse qui lui est propre, d'insuffler un esprit solidaire entre eux tous» (Discours de S.S. Jean-Paul II à Saint-Domingue, 12 octobre 1992).

Cette solidarité que l'Église a mission d'insuffler en Amérique présente des caractéristiques tout à fait propres. C'est une exigence de l'identité chrétienne du continent. Elle est sous le signe de la réciprocité, la relation Sud-Nord n'étant guère moins importante que le mouvement Nord-Sud. La solidarité porte en elle-même l'empreinte d'une sorte de globalité, puisqu'elle s'étend, à la fois, à l'action pastorale de l'Église et à l'influence que l'Église peut exercer, à l'intérieur de sa mission spirituelle, sur la vie sociale des peuples. Soulignons davantage quelques-unes des caractéristiques de la solidarité

.a) «La conscience de la communion avec le Christ et avec les frères conduit à servir le prochain dans tous ses besoins, aussi bien matériels que spirituels (52). Il est normal que la solidarité joue à plein dans un continent aussi profondément marqué par la foi chrétienne. D'autant que la solidarité Nord-Sud qui relie les deux hémisphères de l'univers doit s'exercer d'abord au concret entre le Nord et le Sud qui nous sont propres, ceux de notre continent.

b) La solidarité ne fonctionne pas à sens unique dans l'Église d'Amérique : elle monte du Sud au Nord, comme elle descend du Nord au Sud. Ainsi, comme on l'a déjà mentionné, la vitalité du sens religieux des régions du Sud peut raffermir et comme inculturer la foi des paysdu Nord, dont la sécularisation marque sérieusement la mentalité, le comportement et les institutions.

c) La solidarité, on le voit, touche tous les aspects de la vie de l'Église en Amérique. Les différences et les contrastes si marqués et si nombreux que nous avons recensés appellent complémentarité et solidarité ; ils confèrent à cette dernière un caractère de globalité.La solidarité joue déjà au plan fondamental de la communion ecclésiale. Mais, du mystère de communion qu'est l'Église, «naît aussi pour les Églises particulières du continent américain l'engagement à la solidarité réciproque et au partage des dons spirituels et des biens matériels dont Dieu les a comblées. En s'appuyant sur l'Évangile, il faut promouvoir une culture de la solidarité qui incite à soutenir les pauvres et les marginaux, et particulièrement les réfugiés, menacés en leurs pays par la violence.
 L'Église en Amérique doit stimuler les organismes internationaux du continent, pour que s'établisse un ordre économique orienté non seulement vers le profit, mais aussi vers la recherche du bien commun national et international, la distribution équitable des biens et la promotion intégrale des peuples» (52).


CONCLUSION: RENCONTRER JÉSUS CHRIST VIVANT

Il est très important que l'Église dans toute l'Amérique...soit un signe vivant d'une communion réconciliée et un appel permanent à la solidarité.... Cest là une contribution significative que les croyants pourront offrir à l'unité du continent américain» (32).

Étendant son regard à l'ensemble du monde, l'Exhortation apostolique continue : «L'Église en Amérique est appelée non seulement à promouvoir une plus grande union entre les nations, contribuant ainsi à créer une authentique culture mondialisée de la solidarité, mais encore à collaborer par tous les moyens légitimes à la réduction des effets négatifs de la mondialisation, tels que la domination des plus forts sur les plus faibles et la perte des valeurs des cultures locales au profit d'une uniformisation mal comprise» (55).

D'un mot, «la réalité sociale complexe de ce continent est un terrain fécond pour l'analyse et pour l'application des principes universels de la doctrine sociale de l'Église» (54), bâtie sur le triple fondement de la dignité humaine, de la solidarité et de la subsidiarité (55).

Cette vocation à la solidarité ne peut s'exercer sans la force transformante de la rencontre avec le Christ vivant ; car, c'est elle qui ouvre le chemin de conversion, de communion et de solidarité (8).«Une rencontre renouvelée avec Jésus Christ rendra tous les membres de l'Église en Amérique conscients du fait qu'ils sont appelés à continuer la mission du Rédempteur sur leurs terres» (7).

«La rencontre personnelle avec le Seigneur, si elle est authentique, apportera aussi avec elle le renouveau ecclésial; les Églises particulières du continent, comme Églises soeurs et voisines les unes des autres, feront croître les liens de coopération et de solidarité pour prolonger et rendre plus incisives l'oeuvre de salut du Christ dans l'histoire de l'Amérique. Dans une attitude d'ouverture à l'unité, fruit d'une communion authentique avec le Seigneur ressuscité, les Églises particulières, et en elles les membres eux-mêmes, découvriront, à travers leur expérience spirituelle, que «la rencontre avec le Christ vivant» est un «chemin de conversion, de communion et de solidarité». Et, dans la mesure où ces fins seront atteintes, on rendra possible un engagement toujours plus fort dans la nouvelle évangélisation de l'Amérique». (7)

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