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CELAM 2007
Aparecida - 13 au 31 mai.
 
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Deux témoins de l'évangile

Panorama historique - Quelques dates repères - Bartholomée de Las Casas et Mgr Oscar Romero

Fray Bartolomé de Las Casas
(Séville 1472 – Madrid 1566)

Fils d’un modeste marchand de Tarifa, Bartolomé de Las Casas est né à Séville en 1472. Il suit des cours de latin et de sciences humaines avant de partir pour Hispaniola avec l’expédition dirigée par Nicolás de Ovando en 1502. C’est ainsi que Bartolomé perpétue la tradition familiale puisque son père avait participé au second voyage de Christophe Colomb.

Sur Hispaniola (La Española) il obtient une « encomienda » d’indiens, se consacrant dans un premier temps aux travaux agricoles, puis sera ordonné prêtre en 1510, le premier en Amérique.

 Les postulats dominicains opposés à la « encomienda », en raison des abus commis envers les indiens, ne parviennent cependant pas à changer l’opinion de Fray Bartolomé qui dépend cette institution.

Avec Pánfilo de Narváez il rejoint Cuba où il reçoit la charge de chapelain et une « encomienda » d’indiens qu’il envoie travailler dans les mines d’or et les champs.

Mais peu à peu, Bartolomé de Las Casas prend conscience de l’injustice du système de la « encomienda » et décide de la combattre. Il considère que les seuls propriétaires du Nouveau Monde sont les indiens et que les espagnols ne doivent y aller que dans le seul but de convertir les indigènes.

Cette prise de conscience l’amène à rejeter toutes ses « encomiendas » et à commencer une campagne pour la défense des indiens, démontrant les aspects négatifs des « encomiendas ».

 Son projet est adressé en premier au roi Fernando et ensuite au cardinal Cisneros, qui le nommera « Protecteur des Indiens » en 1516.

A la mort du cardinal, Fray Bartolomé de Las Casas poursuit sa tâche avec le nouveau roi, Carlos I (Charles Quint).

Les abus des fonctionnaires sont dénoncés publiquement, ce qui lui vaut l’inimitié de nombreux administrateurs, plus particulièrement de membres du Conseil des Indes, présidé par l’évêque Juan Rodríguez de Fonseca.

L’idée de Las Casas est une colonisation pacifique des terres américaines par des paysans et des missionnaires. C’est dans ce but qu’il se rend en Amérique en 1520, où Carlos I (Charles Quint) lui concède le territoire vénézuélien pour mettre en pratique ses théories.

La nouvelle formule est expérimentée avec peu de succès car pendant une absence de Bartolomé de Las Casas, les indiens en profitent pour massacrer un bon nombre de colons. Le désastre de l’expérience de Cumaná va motiver son entrée dans l’ordre des Dominicains, commençant une retraite qui va durer 16 ans.

Ce temps ne réussira pas à étouffer ses théories contre la « encomienda » et l’esclavage des indiens. Curieusement, Fray Bartolomé restait en faveur de l’esclavage des noirs.

 Il continue donc de soutenir que toutes les guerres contre les indiens sont injustes, affrontant les autres théologiens, dont fray Francisco de Vitoria.

A plusieurs occasions il sollicite l’autorisation de ses supérieurs pour aller défendre ses idées devant le Conseil des Indes. Mais l’échec de Cumaná l’a discrédité.

En 1535, il part vers le Pérou mais son bateau fait naufrage près des côtes du Nicaragua où il affronte le gouverneur Rodrigo de Contreras en dénonçant l’envoi d’esclaves indiens au Pérou.

L’année suivante, il se rend au Guatemala pour continuer sa lutte et mettre en marche un projet de conquête pacifique nommée la "Vera Paz". Entre 1537-1538 la christianisation de la zone est obtenue de manière pacifique, remplaçant la "encomienda" par un tribut payé par les indiens.

En 1540 il revient vers la péninsule, convaincu que c’est à la Cour d’Espagne qu’il faut gagner la bataille en faveur des indiens.

 Deux ans plus tard, le Conseil des Indes écoute les théories de Las Casas, discours qui fera grande impression sur Carlos I. Le 20 Novembre 1542 sont publiées les « Leyes Nuevas » (Nouvelles Lois) qui restreignent les « encomiendas » et l’esclavage des indiens.

C’est à cette époque que Fray Bartolomé de Las Casas écrit son œuvre principale : la "Brevísima relación de la destrucción de las Indias" (Très brève relation de la destruction des Indes), dans laquelle il accuse les découvreurs du Nouveau Monde de tous genres de crimes et d’abus.

A sa parution, l’œuvre est considérée comme scandaleuse et exagérée. Elle est publiée illégalement en 1552 et obtiendra beaucoup de succès au cours du XVII ème Siècle, devenant une référence lors de la "Légende Noire" contre l’Empire Espagnol.

En 1543 Las Casas renonce à l’évêché de Cuzco mais accepte celui du Chiapas où le roi d’Espagne lui demande de mettre en pratique ses théories.

 Sa venue au Chiapas n’est pas très chaleureuse, considéré par les colons comme le responsable de la parution des "Leyes Nuevas" (Nouvelles Lois ).

Sur les terres américaines il écrit un « manuel de confession » où il prévient qu’avant toute confession, le pénitent devra libérer les esclaves qu’il aurait en sa possession. Ces mesures vont être à l’origine de nombreux troubles qui, en 1546, l’obligent à s’en aller à Mexico où il continuera la même politique.

Ses doctrines sont rejetées par une junte de prélats. Ce rejet unanime le conduit à s’embarquer à Vera Cruz pour l’Espagne. Il se retire au couvent de San Gregorio à Valladolid.

 Au cours des années 1550-1551 ont lieu d’importantes discussions sur la légitimité de la conquête entre Las Casas et Juan de Ginés Sepúlveda, dont le second sortira vainqueur.

Fray Bartolomé de Las Casas renonce à son évêché et meurt à Madrid en 1566

Mgr Oscar Romero
(Ciudad Barrios1917 - San Salvador 1980)

Lors de l'Angelus du 25 mars 2007, Benoît XVI a parlé de Mgr Romero en le citant comme un martyr. : "Le "oui" de Marie et de Jésus à Dieu "se renouvelle dans le "oui" des saints, spécialement des martyrs qui sont tués à cause de l'Evangile", a déclaré Benoît XVI. "Je le souligne en rappelant que hier, 24 Mars, anniversaire de l'assassinat de Mgr. Oscar Romero, Archevêque de San Salvador, a été célébrée la Journée de prière et de jeûne pour les missionnaires martyres : évêques, prêtres, religieux, religieuses et laïques brisés dans l'accomplissement de leur mission d'évangélisation et de promotion humaine."

Parce qu'il a voué sa vie à la défense des pauvres et des opprimés, il est l'objet de vénération de tout un peuple et demeure une lumière d'espoir pour le monde entier. Après l'incompréhension voire l'hostilité d'une grande partie de l'épiscopat sud-américain, après des silences significatifs d'une grande partie de l'épiscopat sud-américain, Benoît XVI le présente comme un missionnaire martyr en soulignant sa dimension d'évangélisation et de promottion humaine. Bien plus, il soutient la cause de sa béatification qui est maintenant introduite à Rome.

Oscar Romero, né en 1917 à Ciudad Barrios. Second d'une famille de sept enfants, il entre au séminaire à l'âge de treize ans. Il étudie à Rome et est ordonné prêtre en 1942. Il devient secrétaire du diocèse de San Miguel au Salvador. Déjà, il s'investit pleinement dans la tâche qui lui est impartie et devient le “berger” d'un peuple qu'il écoute et guide avec compassion.

Apprécié également du Vatican pour son tempérament apte à calmer les esprits, il est nommé archevêque de San Salvador en 1977. Dès sa nomination à l'archevêché de San Salvador (Salvador) en 1977, il entre en conflit avec le pouvoir, l'armée, la haute bourgeoisie, dénonçant les massacres, les assassinats, la torture, les atteintes aux droits de l'homme, les actions perpétrées par des milices armées jouissant alors du soutien du gouvernement américain.

Un événement marque alors un tournant décisif dans sa vie.  Il venait d’être nommé archevêque lorsqu’il apprit l’assassinat de son ami, le Jésuite Rutilio Grande, un prêtre ouvert, aimé du peuple, engagé socialement.  Des hommes des "pelotons de la mort" tirèrent à bout portant sur lui ainsi que sur un vieillard et un jeune garçon qui l'accompagnaient. Ce fut la goutte qui fit déborder le vase.

À partir de ce moment-là, Romero refusa d'apparaître dans les cérémonies publiques en présence de l'armée ou du gouvernement jusqu'à ce que la lumière soit faite sur le meurtre du père Grande et qu'un véritable changement social ait vu le jour.  Il décida de se ranger clairement du côté des opprimés et de se servir de sa position d’archevêque comme moyen de les défendre.

Dès lors, cet homme de dialogue, opposé à toute violence, n'hésite pas à dénoncer chaque dimanche dans sa cathédrale, et à la station de radio religieuse Radio Ysax, les exactions commises à droite comme à gauche : "Une Eglise qui ne s'unit pas aux pauvres et, à partir d'eux, ne dénonce pas les injustices commises contre eux, n'est pas la véritable Eglise de Jésus-Christ..."

Accusé par ses adversaires politiques de prêcher une doctrine "communiste", Mgr Oscar Romero incarnait plutôt le porte-étendard de la théologie de la libération, mouvement d'une église populaire qu'on pourrait qualifier de jonction entre le marxisme et le catholicisme.

Son combat, il le mena seul et, souvent, dans un climat de persécution. Non seulement il n'eut pas l’appui de ses confrères prêtres et évêques - qui préféraient s'en tenir à la prudence du silence - mais plusieurs s'opposèrent à lui ouvertement et le dénoncèrent à Rome, l'accusant de favoriser la montée du communisme dans le pays. 

Accusé par ses adversaires politiques de prêcher une doctrine "communiste", Mgr Oscar Romero incarnait plutôt le porte-étendard de la théologie de la libération, mouvement d'une Église populaire qu'on pourrait qualifier de jonction entre le marxisme et le catholicisme. Il souffrait beaucoup de cette incompréhension.

Profondément attaché à l’autorité du pape, il tint à s’expliquer auprès de Jean-Paul II, mais, apparemment, sans résultats. Il tenta de lui faire comprendre que son appui aux organisations défendant les pauvres ne signifiait pas une sympathie pour la gauche marxiste, qu’il était très conscient de l’infiltration possible du communisme et faisait tout pour s'y opposer, mais qu’il fallait savoir aussi que les forces économiques et politiques de son pays se servaient justement de cette peur du communisme pour justifier et perpétrer leurs injustices. 

Il savait le sort qui lui était réservé. Dans une de ses homélies il avait dit :  "Je ne crois pas à la mort sans la résurrection.  Si on me tue, je ressusciterai dans les cœurs du peuple salvadorien." 

Ce qu'il prévoyait arriva. Dans son dernier sermon, le 23 mars 1980, il interpella les militaires : " Je fais appel à vous, membres de la garde nationale, soldats, policiers, vous qui  faites partie de notre peuple.  Ces paysans que vous tuez, ce sont vos propres frères.  Tout ordre injustifié d’un homme qui vous demande de tuer est subordonné à la loi de Dieu qui dit «Tu ne tueras pas ».  Aucun soldat n’est tenu d’obéir à un ordre immoral, contraire à la loi de Dieu.  Il est temps d’obéir à votre conscience.  …Au nom de Dieu, au nom du peuple qui souffre et qui crie vers le ciel, je vous implore, je vous supplie, je vous ordonne : cessez la répression »

Le lendemain, le 24 mars, il est assassiné sous les yeux d'une multitude de fidèles alors qu'il célèbre la messe dans la chapelle d'un hôpital, au moment où il s'offre avec le pain et le vin et qu’il vient tout juste de lire et commenter la parabole du grain de blé qui doit mourir afin de porter ses fruits.

Une foule immense assista aux obsèques de l'archevêque martyr. L'armée et les forces paramilitaires d'extrême droite font feu sur la foule assassinant un grand nombre de personnes. Et, depuis, des milliers de personnes de tous horizons viennent se recueillir sur sa tombe pour trouver l'envie et la force de poursuivre leur combat pour la Paix.

" Notre foi chrétienne exige que nous nous impliquions en ce monde", disait Oscar Romero, donnant une orientation nouvelle à l'Evangile : la promotion et la défense des droits humains, selon les paroles même de Benoît XVI, le 25 mars 2007.


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