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CELAM 2007
Aparecida - 13 au 31 mai.
 

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BENOÎT XVI ET L'AMÉRIQUE LATINE

Benoît XVI prend l'affaire en main

En deux ans de pontificat, ni le Brésil ni l’Amérique latine ne semblaient être au centre des préoccupations principales de Benoît XVI, bien qu’y vivent 500 millions de catholiques, presque la moitié du milliard et cent millions de catholiques que compte la planète.

Son empreinte

Le nouveau Pape avait bien marqué de son empreinte les premiers mois après son élection quant à la Conférence du CELAM. Les termes qu'il imposa aux évêques latino-américains n'étaient pas sans signification dans les prospectives qui allaient se dégager être les siennes. Plus ouvertes à la Parole de Dieu. Plus centrées sur la personne même du Christ-Jésus, homme et Dieu, comme nous le voyons dans la prière qu'il composa pour cette rencontre ecclésiale.

C’est lui qui avait fixé, le 7 juillet 2005, le thème de la conférence générale des évêques d’Amérique latine et des Caraïbes: "Disciples et missionnaires de Jésus Christ". C’était la cinquième après celles de Rio de Janeiro en 1955, de Medellín en 1968, de Puebla en 1979 et de Saint-Domingue en 1992:

C’est lui qui avait voulu que l’autre phrase du titre : "Pour que tous aient la vie" finisse en précisant "en Lui". Il avait aussi voulu qu’y soit ajoutée l’affirmation de Jésus lui-même: "Je suis le chemin, la vérité, la vie".

C’est lui qui avait choisi la date et le lieu. En octobre 2005, pendant le synode des évêques, rencontrant quelques cardinaux sud-américains, il leur avait demandé à brûle-pourpoint quel était le sanctuaire marial le plus fréquenté du Brésil. "Aparecida", avaient-ils répondu. Et le pape de reprendre: "C’est là que vous vous réunirez. En mai 2007. Et j’y serai".

Par la suite, cependant, il a entièrement délégué à d’autres la phase préparatoire: à la curie, au cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la congrégation pour les évêques et président de la commission pontificale pour l’Amérique latine, et, outre-Atlantique, au cardinal Francisco Javier Errázuriz Ossa, archevêque de Santiago du Chili et actuel président du CELAM, le conseil épiscopal latino-américain.

Le cardinal Re est, depuis des années, le principal responsable des nominations des nouveaux évêques en Amérique latine, que ce soit sous le pape actuel ou sous le précédent. C’est donc en bonne partie à lui qu’il faut attribuer le fait que, aujourd’hui, l’épiscopat latino-américain soit aussi pauvre en grandes figures, en guides sûrs et visionnaires. Les exceptions sont rares.

Le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio en est une. Il s’est tenu éloigné de la préparation romaine de la conférence d’Aparecida et il a opposé un refus catégorique à la demande que lui a faite Benoît XVI lui-même de venir à Rome prendre la tête d’un dicastère de la curie. Il préférait rester sur place, sur le terrain.

Une équipe

Ensuite, le pape a fait venir au Vatican, en octobre dernier, l’archevêque de São Paulo, le cardinal Cláudio Hummes, comme préfet de la congrégation pour le clergé. Mais sans effet visible dans un premier temps.

Cette nomination élimine le très traditionnaliste cardinal de Hoyos dont le souci principal était plus sur la défense de la vie et de la famille, que sur une parole missionnaire centrée sur la personne de Jésus-Christ. Benoît XVI a choisi quelqu’un qu’il connaît bien : le cardinal Hummes était depuis 2001 membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Comme, d’ailleurs, tous les responsables de curie nommés à ce jour par le pape Ratzinger : l’Américain William Levada, l’Indien Ivan Dias et l’Italien Tarcisio Bertone. Une équipe se constitue peu à peu autour du Pape.

Le cardinal Hummes est franciscain. Il n'a rien perdu de son engagement en faveur des pauvres de la théologie de la libération, tout en reniant la violence révolutionnaire. Polyglotte, il est né dans une famille d'origine allemande de 14 enfants. Il est resté proche du président brésilien, qui n'a pas oublié qu'il a pu faire des discours dans les églises durant les années 70. Car dans ces années, il s'était plutôt illustré par ses prises de position favorables aux plus pauvres, dans un diocèse ouvrier de la banlieue de Sao Paulo. Il avait notamment laissé le syndicaliste Luiz Inàcio Lula da Silva, maintenant président du Brésil, faire des discours dans les églises de son diocèse.

En 2000, un prêtre de Sâo Paulo avait distribué des condoms aux prostituées dans son église. La réponse de son archevêque, le cardinal Claudio Hummes fut de lui ordonner de cesser cette distribution inacceptable. Depuis, Mgr Hummes a une étiquette de «converti au conservatisme».

Pour combattre les évangéliques sur leur terrain, Mgr Hummes a donné son appui à des prêcheurs charismatiques catholiques, et a accepté de simplifier la liturgie.

Au début des années 70, quand il retourne au Brésil, il oeuvre à Sao Paulo, puis dans le Nordeste brésilien, et il entre en contact avec le mouvement des «sans-terre», des paysans prenant illégalement possession des propriétés des riches. En 1998, il accède à l'archevêché de So Paulo. Mgr Hummes continue à défendre les droits des pauvres, mais d'une manière moins radicale. Il a notamment déclaré, au sujet des «sans-terre», que l'Église défend la propriété privée, mais que les grands propriétaires avaient une «responsabilité sociale».En 2002, il reçoit même l'assentiment de l'un des théologiens de la libération les plus connus, Frei Betto, dans plusieurs interventions aux médias.

Le cardinal Hummes sait par expérience personnelle que le clergé est l’un des points sensibles de l’Eglise du continent. Sauf au Mexique, en Colombie, au Chili et en Argentine, dans tous les pays les prêtres indigènes sont très peu nombreux, un pour quinze mille baptisés, c’est-à-dire, proportionnellement, dix fois moins qu’en Europe ou en Amérique du Nord où leur nombre a pourtant enregistré une forte baisse.

Une ouverture vers l'avenir

Aux responsabilités qu'il assume au nom de Pape, il revient au cardinal Hummes, Préfet de la Congrégation du clergé, de donner à l'Église des futurs évêques plus ouverts à l'avenir.

Très peu nombreux, les prêtres sont souvent mal formés. Dans les zones rurales et dans les Andes, le concubinage est monnaie courante. Dans beaucoup d’églises et de paroisses, la messe dominicale est rarement célébrée, et souvent de manière arbitraire: cela explique les faibles taux de participation régulière à la messe sur ce continent qui est pourtant si largement catholique.

La nomination des 266 participants à la conférence d’Aparecida, membres, invités, observateurs et experts reflète la situation actuelle. Benoît XVI, là encore ne bouscule ni n'affronte. Sur les seize dont le choix lui revenait onze étaient désignés d’office en tant que responsables d’autant de bureaux de la curie.

Sur les cinq restants, le cardinal Marc Ouellet, archevêque de Québec, canadien, est l'un des partcipants les plus ouverts et beaucoup plus compétent que plusieurs de ses collègues latino-américains.

Intervenant sur l’état de l’Eglise en Amérique latine, en février dernier, le cardinal Hummes a parlé franc et clair. Les catholiques brésiliens , a-t-il dit, représentaient 83% de la population en 1991, 73% en 2000 et 67% en 2005. Dans ce contexte, il a expliqué "qu’il ne s’agissait pas de faire la guerre aux sectes, mais de comprendre pourquoi les catholiques ne sont pas capables de conduire à Jésus-Christ ceux qu’ils ont baptisés"..." C’est comme si notre évangélisation s’était arrêtée en plein milieu“, a-t-il déploré.

En définitive, selon le cardinal Hummes comme selon Benoît XVI, pour l’Amérique latine aussi, la question essentielle est celle de Jésus. Qui sait comment, à São Paulo et à Aparecida, saura enfin lui parler de Jésus-Christ et la toucher au fond du cœur? 


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