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CELAM 2007
Aparecida - 13 au 31 mai.
 

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LA THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION
On ne peut pas appauvrir Jésus

Les critiques formulées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, à l’égard de la christologie du P. Sobrino, exprimée dans deux de ses livres,  peuvent être visionnées de diverses manières. « C’est une condamnation », ou bien « c’est une demande de rectification de sa pensée théologique » afin de ne pas dénaturer la vision essentielle de la personne du Christ.

Appauvrir ...

C’est cette « rectification » que semble dire la Commission théologique internationale dans "Avvenire", un quotidien qui a le « label » de la très sérieuse conférence épiscopale italienne. "On ne peut pas appauvrir Jésus dans l’illusion de promouvoir les pauvres", y écrit en effet Mgr Ignazio Sanna, archevêque d’Oristano, théologien et membre de la commission théologique internationale, dans un commentaire paru le 15 mars dernier.

Au nom de la libération des pauvres, peut-on appauvrir les traits essentiels de Jésus, au risque d’amoindrir sa divinité et la valeur salvatrice de sa mort. Surtout i "appauvrir Jésus" signifie ne pas reconnaître sa divinité, ou l'atténuer au point de le considérer simplement comme un homme, fût-il un libérateur exemplaire.

La sentence du Vatican reconnaît que le P. Sobrino s’occupe à juste titre des pauvres et des opprimés – "un devoir essentiel pour tous les chrétiens" – mais elle l’accuse d’amoindrir, au nom de la libération des pauvres, les traits essentiels de Jésus, c’est lui qui est le chemin de la vie par sa divinité, par la valeur salvatrice de sa mort humaine et par sa résurrection.

Des attaques anciennes

Revenons sur les faits à la lumière des déclarations du P. Sobrino. commentant en  mars 2005, ses réponses envoyées à la congrégation, réponses qui ont été jugées "non satisfaisantes".

Dans sa lettre du 13 décembre 2006 au général des jésuites, le P. Sobrino fait débuter en 1975 les attaques du Vatican contre lui et contre d’autres théologiens et évêques partisans de la théologie de la libération.

Il cite, parmi ses adversaires les plus acharnés, le cardinal Alfonso Lopez Trujillo et se plaint de ce que le renvoi continuel, au Vatican, de la cause de béatification de l’archevêque de San Salvador, Oscar Romero, martyrisé en 1980, s’explique, entre autres motifs, justement par l’amitié entre Mgr Romero et lui, Sobrino.

On se rappelle que, le 16 novembre 1989, a été perpétré à San Salvador l’assassinat du recteur de l’Université d’Amérique Centrale, le P. Ignacio Ellacuría, lui aussi grand théologien de la libération, et de cinq de ses confrères jésuites, Segundo Montes, Ignacio Martin Baró, Amando López, Juan Ramón Moreno, Joaquín López-López, ainsi que de la cuisinière Julia Elba Ramos et de sa fille Celina. Le P. Sobrino n’a échappé au massacre que parce qu’il était à l’étranger pour un congrès.

Dans sa lettre, le P. Sobrino critique même celui qui était alors le cardinal Ratzinger. Il l’accuse d’avoir déformé sa pensée, dans un article contre la théologie de la libération publié en 1984 dans l’hebdomadaire de Communion et Libération, "30 Jours".

Il rappelle que, parmi les évêques attaqués par Rome parce que sympathisants des théologiens de la libération, figurent, outre Mgr Romero, le Brésilien Helder Camara, le Mexicain Samuel Ruiz et l’Equatorien Leonidas Proaño.

Où est le salut de Dieu ?

Le P. Sobrino conclut que se soumettre aujourd’hui à la sentence émise contre lui par la congrégation "serait peu utile aux pauvres de Jésus et à l’Eglise des pauvres". Cela reviendrait à céder à trente ans de diffamation et de persécution contre la théologie de la libération et à faire triompher des méthodes vaticanes qui "ne sont pas toujours honnêtes et évangéliques".

"Extra pauperes nulla salus" écrit le P. Sobrino dans sa lettre, remplaçant l’Eglise par les pauvres dans la classique formule "Hors de l’Eglise, point de salut".

Cette thèse est justement l’une de celles du P. Sobrino que la congrégation pour la doctrine de la foi considère comme erronées: préférer les pauvres à "la foi apostolique transmise par l’Eglise à toutes les générations" comme "lieu théologique fondamental", c’est-à-dire comme source principale de connaissance.

"On ne peut pas appauvrir Jésus dans l’illusion de promouvoir les pauvres", écrit Mgr Ignazio Sanna.  "Appauvrir Jésus" signifierait alors ne pas reconnaître sa divinité, le considérer simplement comme un homme, fût-il un libérateur exemplaire.

La sentence de la congrégation s’achève sans infliger aucune punition au P. Sobrino. Cela n’a rien de surprenant car, plus qu’au théologien, elle entend s’adresser à ses nombreux lecteurs et admirateurs: les évêques, les prêtres et les laïcs, et tout particulièrement l’ensemble des Églises d’Amérique Latine.

La publication de la sentence contre Sobrino préfigure sans doute l’une des indications qui seront adressées par le Pape à l’Eglise latino-américaine, dont les cadres dirigeants sont en grande partie influencés par l’esprit de la théologie de la libération.

La question de Jésus vrai Dieu et vrai homme est une question jugée essentielle par Benoît XVI, comme le montre le nouveau livre qu’il vient de publier.

C’est bien ce qu’indique également le titre choisi par Benoît XVI pour l’assemblée générale de l’Aparecida: "Disciples et missionnaires de Jésus-Christ, afin que nos peuples aient la vie en Lui", suivi de ces mots de Jésus dans l’Evangile de Jean: "Je suis le chemin, la vérité, la vie".

Perdre la vérité sur Jésus – comme c’est le cas, selon la congrégation pour la doctrine de la foi, dans les livres du principal auteur de christologie d’Amérique latine, Jon Sobrino – signifie perdre la vérité de l’Eglise, le sens de sa mission dans le monde.

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