LES
CALVAIRES
LES ENCLOS PAROISSIAUX
L'enclos paroissial est un ensemble architectural religieux typiquement
breton. C'est un lieu sacré cerné d'un mur d'enceinte, comprenant 4
éléments : l'entrée avec une monumentale et triomphale, l'église, le calvaire,
l'ossuaire, et dans la plupart des cas, le cimetière. Ce sont
de véritables chefs d'oeuvre d'architecture qui témoignent de la ferveur
de ceux qui les ont construits. La
connaissance de l’âme bretonne passe nécessairement par la connaissances
des enclos paroissiaux
Ceux de Guéhenno,
La Martyre, Pleyben, Sizun, Saint-Thégonnec, Lampaul-Guimilliau, Commana...
vous permettront de découvrir les multiples facettes de cet art religieux.
Précisons que la pierre employée le plus fréquemment
est la kersantite, exploitée aux rives de la rade de Brest dans
les carrières de Kersanton, à la fois facile à
tailler et résistant au climat.
Descriptif
La porte monumentale ou arche triomphale, généralement très décorée,
symbolise l'entrée du juste dans l'immortalité. Elle souligne la notion
de passage que l'on retrouve dans tous les rites liés à la mort issus
de la culture celtique. Dans cette enceinte, le cimetière est petit.
Il est attenant à l'église, signifiant que la mort n'éloigne
pas le défunt de sa communauté paroissiale.
L'ensemble présente, malgré la variété
des édifices, une très belle harmonie, une unité de lieu quasi théâtrale.
Le nom de la porte, "porz a maro" ("porte de la mort"), et
souvent la présence de l'ankou, cet étrange personnage féminin, symbole
de la mort et de la misère, qui le décore parfois sous la forme d'un
squelette tenant une faux ou un arc avec flèche, pourrait laisser croire
que le Breton possédait une vision profondément morbide de l'existence.
Il n'en est rien. Grâce à l'héritage de sa foi celte, il pratiquait
plutôt une cohabitation avec la mort.
L'enclos
est donc avant tout le domaine symbolique de rencontre entre le monde
des vivants et celui des défunts, entre le sacré et le profane. On ne
cache pas la mort. Elle n'est pas honteuse comme à notre époque. On
apprend à vivre avec, dans un rapport évidemment teinté de merveilleux,
d'allégorie et de poésie.
Le terrain du cimetière étant limité, les
reliques des morts devaient être fréquemment exhumés pour laisser la
place aux nouveaux défunts. D'où une
chapelle funéraire ou ossuaire, où l'on déposait les ossements soit dans de petits réduits, qu'on élévait contre l'église
ou le mur du cimetière. Puis ces ossuaires sont devenus des bâtiments
isolés, plus vastes, plus soignés d'exécution. Ils ont pris la forme
de reliquaires et ont servi de chapelles funéraires.
Le calvaire donne toute sa signfication à l'enclos. Il est non
seulement un enseignement, mais il donne le sens de la vie présente
et à venir, autour du Christ en croix. Relatant
par ses sculptures expressives, des épisodes de la vie de Jésus et de
la Vierge Marie, narrant les épisodes de l'histoire sainte, véritable
livre d'images en granit, il est "la bible des pauvres". Les calvaires
avaient donc une fonction pédagogique prononcée tout autant que mystique.
Certains
historiens n'hésitent pas à dire que ces calvaires et
les croix des chemins, comme on en rencontre des milliers dans la campagne
bretonne, sont
une extension du menhir christianisé. En fait ils sont la présence
permanente que le chemin de la vie est un chemin où le Christ
est à nos côtés.
Les
sculpteurs choisissaient les scènes au gré de leur inspiration, sans
les grouper de façon chronologique. Certaines se reconnaissent au premier
coup d'oeil, d'autres, plus au moins abîmées, sont traitées plus sommairement.
Aux récits de l'évangile s'ajoute la vie des saints locaux, qui ont
préché et vécu l'Evangile. Pour héberger tous les
personnages, qu'on s'amuse de voir parfois vêtus à la mode bretonne
de l'époque, le socle s'agrandit, les consoles se multiplient.
L'apogée
des enclos
Sculpteurs, peintres, verriers, orfèvres et brodeurs ont donné aux enclos
paroissiaux toute leur magnificence, depuis l’âge gothique jusqu’au
baroque, en passant par la Renaissance. Certains d’entre eux jouissent
de la postérité, comme Lerrel, Lespagnol ou encore Roland Doré.
Le Pays des Enclos atteint son apogée aux XVIè et XVIIè
siècle. Grâce au développement de l’agriculture, de la pêche et des
manufactures marines, émerge la Bretagne moderne qui entre dans une
période de prospérité économique. L’ornement des lieux sacrés s’inscrit
dans un climat de rivalité entre les paroisses qui redoublent d’inventivité.
La construction des enclos se poursuit sur des décennies et témoigne
de près de deux siècles d’histoire. Face à la propagation du protestantisme,
les catholiques entreprennent, à partir de 1545, un grand mouvement
de rénovation : les enclos paroissiaux sont l’expression d’une foi en
plein renouvellement, comme le sera à l'intérieur de la
France l'explosion de l'art jésuite et de l'art baroque avec
toute son expression exubérante.
Dès lors, les porches se font monumentaux, le décor exalte la puissance
de Dieu et relate la vie des saints que le protestantisme éloignait
de ses cultes. La Bible s'inscrit visuellement dans la pierre, et non
pas seulement d'une Bible imprimée que peu 'tait en mesure de
lire les longs textes.
Les monuments, commandés à des artistes locaux, certains de grand talent,
sont financés par les contributions des paroissiens, qui veulent y dire
toute la vitalité de leur foi et de leur mysticisme. Lorsque
nous les admirons, il faut dépasser le seul contentement d'un
regard, il nous faut s'en imprégner, car les paroissiens ne venaient
pas les contempler en un rapide circuit touristique, mais semaine après
semaine, ils en pénétraient le sens car il faut beaucoup
de contemplation pour rejoindre par delà la rudesse de la pierre,
cette foi exprimée dans ce merveilleux évangéliaire.
Quelques
enclos parmi d'autres.
29118 - Bénodet-Perguet .IGN
53F4 - Michelin 98C2 - Située en bord de route entre Bénodet
et Fouesnant, l'église romane de Bénodet fut édifiée au XIe siècle. La
statuaire, l'autel et les vitraux été restaurés et présentent une polychromie
de grande qualité. Son calvaire
du 16è siècle, restauré en 1989, représente St Laurent
et Ste Brigitte les deux saints à qui sont dédiés cette église.
29190 - Braspart .IGN
31G6 - Michelin 75D2 - L'enclos fut terminé en 1623. Quelques
détails méritent attention : sur le calvaire, trois femmes austères,
figées, portant le Christ et formant ainsi une pietà. Dans les consoles
du portail sud, on remarque d'étranges personnages cornus dont une femme-serpent
: des historiens y voient Morgane, la déesse des eaux.
29450
- Commana .IGN
31H4- Michelin 49D4 - Au flanc de la montagne d'Arrée, domné
par le puissant clocher de l'église Saint-Derrien (1592 - XVIIe), la
porte monumentale donne entrée sur un vaste enclos paroissial où s'élèvent
deux calvaires et un ossuaire. Deux grands retables en bois polychrome.
29400 - Guimiliau .IGN
31G4 - Michelin 49D4 - Portant le nom de Miliau, roi légendaire
de la Cornouaille bretonne, Guimiliau a inscrit au coeur du pays un
enclos paroissial unique. La tour du clocher flanqué d'une tourelle
d'accès, contraste avec l'extérieur de style Renaissance de l'église
Saint-Miliau (XVIe - XVIIe siècle). Porche en kersantite, retables (XVIIe),
chaire à prêcher (1677) finement sculptée, baptistère à baldaquin (1675).
Superbe calvaire (1581-1588) entre l'arc de triomphe et l'ossuaire.
29400 - Lampaul-Guimiliau .IGN
31G4 - Michelin 49D3 - Dans l'église, au
centre de la nef, la poutre de gloire porte un Christ en croix, saint
Jean et la Vierge. Ces sculptures représentent d'un côté les sibylles
de l'antiquité et de l'autre la Passion du Christ. L'église possède
aussi deux magnifiques retables. Celui de l'autel Saint Jean-Baptiste
montre la vie du saint et celle du Christ. Le retable de l'autel de
la Passion a huit compartiments et montre des personnages saisissants
de vérité. Mais la plus belle pièce de l'église est la mise au tombeau
en tuffeau polychrome. Les personnages sont très expressifs et réalistes. L'enclos est simple, on est loin de l'abondance de statues de Guimiliau.
Le calvaire, trois croix portées par un bras, est d'une très grande
sobriété.
29400 - Locmélar .IGN
31G4 - Michelin 48C4 - L'église présente des éléments très
récemment restaurés dont le porche méridional (1654) classique avec
ses colonnes baguées de style renaissance et ses lanternons. Il abrite
à l'intérieur des niches les statues des apôtres. Retables dédiés à
saint Mélar, à la Vierge ou à saint Hervé. Retable du maître-autel (XVIIe). l'enclos paroissial de Locmélar est un exemple de dévotion populaire
toute empreinte de simplicité et de ferveur. Le
calvaire à double console en kersantite et granit (XVIe).
29220 - La Martyre .IGN
31F4 - Michelin 48C4 - L'église qui fut édifiée au cours
des 14ème et 15ème siècles possède un beau porche sud historié daté
de 1450. L'enclos
de la Martyre est le plus ancien des enclos actuels (1450).
Attenant à l'église se dresse l'ossuaire bâti en 1619. Celui-ci
est remarquable de par sa décoration macabre. Au dessus de la
porte triomphale se trouve
une balustrade construite dans le style gothique flamboyant et un petit
calvaire.
29230
- Saint Servais .IGN
.. Michelin - Batie sur les ruines d'une chapelle érigée
au XIII ème siècle par Vincent de Ploeuc seigneur de Leslem, l'église
est remarquable par son clocher qui culmine à à 36 m. Le rétable du
choeur daté de 1760 est orné en son centre du "Christ de Majesté" par
Yan' Dargent. Belle porte polychrome historiée. L'ossuaire Daté de 1643,
l'ossuaire est typique du style Louis XIII avec son entrée surmontée
d'un fronton couroné du blason des Chastel. Outre des peitures murales,
il renferme deux magnifiques tableaux de l'artiste: la Sainte Famille
et l'allégorie de Salaün ar Foll, le saint du Folgoët.
29223 - St-Thégonnec
.IGN
31H4 - Michelin 49D3 - Dans
l'église, la chaire présente les quatre évangélistes et Dieu donnant
à Moïse les tables de la Loi. Le retable du Rosaire figure saint Dominique
et sainte Catherine recevant le Rosaire. On
entre dans l'enclos en franchissant une imposante porte triomphale formée
de quatre blocs de granit ornés de lanternons (1610). Le calvaire n'est
pas aussi décoré que celui de Guimiliau, mais les scènes de la Passion
et une statue de saint Thégonnec, sont expressives. La plate-forme comporte
trois croix. Au centre, celle Christ, avec des anges, des cavaliers.
La chapelle funéraire présente une façade typique de la renaissance
bretonne. A l'intérieur, dans la crypte, se trouve une superbe mise
au tombeau en bois de chêne sculptée en 1702. Les personnages peints,
grandeur nature, sont saisissants. Nous avons été frappés par l'expression
de douleur de la Vierge et de Marie-Madeleine. Ce Saint Sépulcre mérite
vraiment d'être vu.
29450 - Sizun
.IGN
31G5 - Michelin 48C4 - Dans
l'église trois beaux rétables baroques. Dans l'enclos
paroissial, l'arc de triomphe (1585-1590) est de style classique.
56420 - Guéhenno .IGN
55G4 - Michelin 101E2 - Si l'on rencontre
de nombreux enclos paroissiaux dans le Finistère, Guéhenno
est le seul exemple de ce genre dans le Morbihan. Le calvaire, qui datait de 1550, fut presqu'entièrement détruit par
les révolutionnaires en 1794: les croix furent renversées, ls
statues mutilées. Les gens du pays recueilllirent soigneusement
les fragments et les cachèrent jusqu'en 1853, date à laquelle
ils entreprirent eux-mêmes la restauration du monument. Ils sculptèrent
les éléments manquants, et aujourd'hui, avec le temps, l'ancien et le
nouveau se sont fondus dans un ensemble harmonieux. Sur ce calvaire,
on voit le diable grimaçant au-dessus du méchant larron, attendant de lui prendre
son âme. Au pied de la croix se trouve notamment une Vierge de pitié
et, devant elle, le Portement de croix avec Sainte Véronique. Devant
le calvaire, une colonne porte les instruments de la Passion, surmontée
d'un coq faisant ainsi allusion au reniement de l'apôtre Pierre.
Quelques
autres enclos :
- 29100-Kerlaz (16è siècle)
.IGN
53E2 - Michelin
73E3
- 29190-Lannedern (17è siècle)
.IGN31H6
- Michelin
75D2
- 29212-Plabennec (17è siècle)
.IGN
31E4 - Michelin
47E2
- 29190-Pleyben
(1555)
.IGN
31G6 - Michelin 75D3
- 29223-Pleyber-Christ
.IGN
31H4 - Michelin
49D3
- 29270-Saint Hernin (1697)
.IGN
54B1 - Michelin 75F3
LES GRANDES FAMILLES DES CALVAIRES
En parcourant la Bretagne et en observant ses calvaires, trois grandes
familles se détachent naturellement. Nous y trouvons les calvaires monolithiques,
croix nées d'un seul bloc de pierre, les calvaires à croix unique avec
ou sans base et enfin les calvaires à croix multiples, sans aucun doute
les plus riches artistiquement avec ceux cités juste auparavant.
Qualifiables "d'originels" ou "basiques", les calvaires monolithiques
ne sont pas forcément les plus anciens et les plus rudimentaires d'entre
eux. Ceux-ci font preuve bien souvent d'une sensibilité aigue quand à
l'histoire qu'il relate, leur dessin ou leurs motifs. Il est à noter que
rares toutefois sont ceux représentant un personnage à l'instar de celui
de l'abbaye de la Meilleraye en Loire-Atlantique.
Viennent ensuite dans notre liste, les calvaires à une seule croix que
l'on peut tout aussi bien rencontrer isolée au détour d'un chemin que
dans le cadre d'un enclos paroissial, le plus célèbre et impressionnant
d'entre eux étant celui de l'enclos de Guimiliau dans le nord Finistère
avec ses éperons comprenant plus de deux cent personnages.
Se dressent ici et là des calvaires à croix multiples, généralement
composés de trois croix à l'instar de la crucifixion de Jésus Christ et
des larrons, l'un de leurs plus beaux spécimens se situant à Plougastel-Daoulas
dans le Finistère.
Les
calvaires à découvrir absolument...
(Liste non restrictive)
Côtes d'Armor
:
- 22160-Bulat-Pestivien (1550)
.IGN
32D5 - Michelin
50B4
- 22390-Gurunhuel
.IGN
32D4 - Michelin
50B4
- 22110-Kergrist-Moëlou (1578)
.IGN
32D6 - Michelin
76B2
- 22560-Pleumeur-Bodou (Menhir de Saint-Duzec)
.IGN
32C2 - Michelin
50F1
- 22300-Ploubezre (Les cinq croix - route
de Plouaret à Lannion)
.IGN
32C2 - Michelin 50A2.
Finistère
:
- 29190-Brasparts (début 16ème siècle)
.IGN
31G6 - Michelin
75D2
- 29230-Guimiliau (1581)
.IGN
31G4 - Michelin
49D4
- 29100-Kerlaz (1645)
.IGN
53E2 - Michelin
73E3
- 29220-La Martyre (16ème siècle)
.IGN
31F4 - Michelin
48C4
- 29230-Lampaul-Guimiliau (1668)
.IGN
31G4 - Michelin
49D3
- 29190-Lannédern
.IGN
31H6 - Michelin
75D2
- 29119-Laz (1527)
.IGN
53H1 - Michelin
75E3
- 29126-Loqueffret
.IGN
31H5 - Michelin
75D2
- 29220-Pencran (1521)
.IGN
31F4 - Michelin
48B4
- 29190-Pleyben (1555)
.IGN
31G6 - Michelin
75D3
- 29213-Plougastel-Daoulas (1602-1604)
.IGN
31E5 - Michelin
47F3
- 59216-Plougonven (1554)
.IGN
32A4 - Michelin
49E3
- 29212-Plouvien (1685)
.IGN
31E3 - Michelin
47E2
- 29223-Saint-Thégonnec (1610)
.IGN
31H4 - Michelin 49D3
Ille-et-Vilaine
:
- 35330-Maure-de-Bretagne (fin 15ème siècle)
.IGN
- Michelin
- 35670-Pléchatel (15ème siècle)
.IGN
- Michelin
- 35120-Roz-Landrieux.
.IGN
- Michelin
Loire-Atlantique
:
- 44520-La Meilleraye
.IGN
- Michelin
- 44160-Pontchâteau (chemin de croix)
.IGN
- Michelin.
Morbihan
:
- 56420-Guéhenno (1550)
.IGN
55G4 - Michelin
101E2
- 56120-Josselin
.IGN
55H4 - Michelin
101F2
- 56230-Larré
.IGN
55H6 - Michelin
101F4
- 56310-Melrand
.IGN
55E3 - Michelin
100C1
- 56140-Pleucadeuc
.IGN
56A5 - Michelin
102A3
- 56220-Rochefort-en-Terre
.IGN
56A6 - Michelin
102A4
- 56890-Saint-Ave-d'en-Bas et Saint-Ave-d'en-Haut
(15ème et 16ème siècle)
.IGN
55G6 - Michelin
101E4
- 56460-Sérent
.IGN
55H5 - Michelin 101F3.
Ces texte se
sont inspirés du remarquable site "An Arvorig", Armorique
en breton, nom ancien de la Bretagne. Ajouter "An arvorig" à
vos favoris.
http://www.anarvorig.com/culture/calfa.php
Egalement, pour découvrir les
croix et les calvaires du Finistère, l'abbé Yves-Pascal
Castel a édité en 1980 un atlas où il a recensé
et décrit près de 3000 croix dans le département.
Le texte illustré d'un croquis est accessible sur le site
: http://www.croix-bretagne.com
ou http://www.croix-finistère.com
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