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30.11 - France :
Créer des embryons pour la recherche.


Alors que la loi française actuellement en vigueur interdit pratiquement toute intervention sur l'embryon, l'utilisation des embryons pour la recherche est désormais envisageable, selon le projet de la nouvelle loi qui permet également la création d'embryons pour la recherche médicale. "Une offense à la dignité humaine" déclare le cardinal Lustiger.

Devant le Comité consultatif national d'éthique, le Premier ministre français, Mr Lionel Jospin a présenté mardi les grandes lignes de l'avant-projet de loi sur la bioéthique qui sera présenté au conseil des ministres au printemps 2001. Préparé depuis un an, l'avant-projet révise les lois de 1994 sur la bioéthique. Prévue dans un délai de 5 ans, cette évolution du droit est rendue nécessaire " par le développement des recherches scientifiques comme l'évolution de notre société, a dit Jospin. Les scientifiques souhaitent pouvoir utiliser ces embryons pour améliorer les techniques de procréation et rechercher de nouveaux traitements grâce aux progrès de la génétique.

Cette loi autorisera la recherche " dans une double perspective: l'amélioration des techniques de procréation médicalement assistée ; la recherche de nouveaux traitements à partir de cellules-souches ". Ces cellules non-différenciées " pourront être obtenues à partir d'embryons surnuméraires, actuellement congelés, ayant fait l'objet d'un abandon du projet parental et dépourvus de couple d'accueil ". Elles pourront demain être conçues à partir du sang du cordon ombilical. " Ces cellules, a précisé le Premier ministre, pourraient être obtenues, si cela s'avérait un jour nécessaire, au sein de protocoles strictement définis et encadrés, par transfert de cellules somatiques ", c'est-à-dire par clonage à visée thérapeutique.

La position de l'Eglise catholique.

Des pratiques que l'Eglise catholique réprouve, car elles réduisent l'embryon au statut d'objet. Le P. Patrick Verspieren, spécialiste du Centre Sèvres des jésuites à Paris, adonné le pont de vue des évêques de France dans un entretien à " La Croix ". " Une telle utilisation de l'embryon revient à le traiter comme un pur objet biologique dont on se sert, déclare-t-il. C'est donc à juste titre qu'on peut parler d'instrumentalisation ou de " réification ": c'est- à-dire que l'embryon est traité comme une chose et non plus comme un être porteur d'une vie humaine, faisant partie de l'humanité. L'Eglise catholique s'oppose fermement à une telle réduction de l'embryon au statut d'objet ".

Toujours selon le P. Verspieren, cette loi " réalise en fait une fausse conciliation entre des demandes très fortes de scientifiques et de médecins et des exigences éthiques... La prise en compte de valeurs fondamentales conduit-elle à encadrer ce qui est contraire à cette prise en compte? Ou est-ce que cela doit conduire à récuser certaines actions humaines, quitte à poursuivre des objectifs pleinement légitimes par d'autres voies?"

..." Les avancées dans les connaissances scientifiques sont légitimes et leurs applications dans le domaine de la santé aussi. Mais la question est celle des moyens. N'est-ce pas faire une fausse conciliation que de faire passer au second plan ce respect des valeurs fondamentales et les exigences éthiques avec l'alibi d'un encadrement? ... C'est un pas supplémentaire dans l'instrumentalisation de l'embryon... Il s'agirait alors, de créer de toute pièce un embryon à seule fin de l'utiliser comme un pur objet biologique, pour le prélèvement de cellules. En outre, alors que le clonage à visée reproductive est fermement écarté, à juste titre, accepter cette forme de clonage, n'est-ce pas faire un premier pas vers ce qui est récusé? "

D'autres points de vue.

Dans ses colonnes, le quotidien catholique donne la parole à d'autres intervenants. Le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France " trouve tout à fait acceptable la possibilité d'une recherche très ciblée, selon des protocoles, et contrôlée par un Haut Conseil... Nous ne prétendons pas que, avant le seuil de 40 jours, l'embryon soit un être humain. Mais, comme tout ce qui est cellulaire, il a un caractère humain. L'embryon surnuméraire était lié, au départ, à un projet parental. Il ne peut y avoir utilisation de cet embryon qu'après décision d'abandon du projet parental et autorisation d'usage au titre de la recherche scientifique. Si ces conditions sont réunies, il n'y a pas de raison d'émettre des objections à ce propos ".

Pour Michel Gugenheim, Grand rabbin, membre du Comité national d'éthique, cette perspective est " très positive " sur deux points. D'une part, parce que l'autorisation de la recherche ne portera que sur des embryons surnuméraires actuellement congelés: dans le judaïsme, ceux-ci sont considérés comme ayant un âge biologique inférieur à 40 jours et n'ont donc pas le statut d'êtres vivants; d'autre part, étant congelés, l'argument de potentialité de vie ne joue pas, contrairement aux embryons " in vivo ", dans le corps de la femme. " Si de telles recherches sur embryons surnuméraires peuvent permettre à la science et à la médecine d'avancer, je m'en réjouis."

Ce qu'en pense le cardinal Lustiger.

Le cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris, dénonce, en cette affaire, une "défaillance démocratique". "La recherche est porteuse de progèes évidents. Mais la logique utilitaire ou la logique financière ne peuvent permettre de justifier le mal sous prétexte de chercher un bien. Est-on en droit, pour sauver des hommes d'atteindre à la dignité des hommes ?"

..." Le citoyen, dit encore, se figure répondre à des problèmes éthiques alors qu'il est sous la pression d'intérets économiques ou scientifiques. Ce qui tient lieu de compétence, ce sont des mouvements d'opinion qui relèvent plus d'un sentiment, d'une idée toute faite. Il faut que le citoyen soit averti des enjeux véritables et qu'on ne lui dise pas : c'est la seule chose à faire."

... C'est "une démarche nécessaire à une démocratie pluraliste, qui n'accepte pas de se laisser conduire à l'aveugle par des impératifs qui n'ont pas été expliqués et clarifiés... Est-l possible de prendre des voies rapides si elles offensent la dignité humaine ?"

Pour plus d'informations : Conférence des évêques de France

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