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du 20 au 23 janvier 2010 (semaine 03)
 

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2010-01-23 - Algérie
LA PRÉSENCE ACCRUE DES NÉO-ÉVANGÉLIQUES


Les courants évangéliques "s´engouffrent dans les fêlures sociales et les angoisses de l´avenir". Timides durant l´époque coloniale et le début de l´indépendance algérienne, les conversions au protestantisme se multiplient en Kabylie.

La chercheuse française au CNRS, Karima Dirèche met en avant la visibilité de ces nouvelles conversions, effet paradoxal de la loi algérienne de 2006 qui tend à les réprimer, et porte un éclairage sur le contexte de leur développement.

"Suivant des chiffres très difficiles à vérifier, l´Algérie compterait aujourd´hui environ 2.´000 protestants évangéliques issus de l´islam, surtout regroupés en Kabylie, où la seule ville de Tizi-Ouzou rassemblerait quinze assemblées rattachées à ce type de protestantisme", écrit de son côté Sébastien Fath, historien français spécialiste du protestantisme évangélique.

On note la progression néo-évangélique par la prolifération de "cellules de prières" remarquées sur le terrain. "Petites maisons en ciment hâtivement construites dans des lieux improbables éloignés des axes, garages et petits locaux de commerce, arrière-boutiques, tout est bon pour réunir une poignée de pratiquants. Ne pas se cacher est un phénomène nouveau".

La législation anti-prosélytisme de mars 2006 a braqué les projecteurs sur les nouveaux convertis. Cette législation relative à la réglementation de l´exercice du culte et des lieux de culte autres que musulmans, nommée aussi loi anti-prosélytisme, se veut, en théorie, garante de la paix entre les confessions. Répressive, elle vise notamment à empêcher les conversions des musulmans vers une autre religion.

Paradoxalement, et contrairement au dessein de ses auteurs, cette loi "permet d´accentuer le caractère algérien et donc national" des communautés religieuses des convertis. Les conversions au néo-évangélisme s´inscrivent dans un contexte algérien.

Les causes des conversions sont multiples. Selon une analyse sociopolitique, la conversion pourrait traduire, et principalement en Kabylie, la tentative de s´opposer au pouvoir et de se distinguer face à l´arabo-islamisme idéologique nationaliste algérien. "Car s´affirmer chrétien devient une revendication d´ethnicité qui renvoie à une histoire et à un patrimoine religieux bien plus anciens que celui de la communauté arabo-islamique dans laquelle on ne se reconnaît plus".

Ces conversions ne renvoient pas à des arguments de retour aux origines. Au contraire, la plupart revendiquent un passé musulman: "Les néophytes évangéliques affirment leur autochtonéité, leur ancrage national et s´autorisent des discours interprétatifs sur la religion musulmane". Leur connaissance les pousse à un comparatisme religieux plus qu´à un déni de l´islam.

Bien que toutes les personnes interviewées par la chercheuse s´accordent à dire qu´elles n´ont pas subi d´agressions relatives à leur conversion, l´année 2008 a vu la fermeture de 13 lieux de cultes évangéliques en Kabylie et une vague d´arrestations de convertis "au nom de l´identité religieuse des Algériens". Pas plus tard que le 12 janvier 2010, une église protestante de Tizi-Ouzou était incendiée par des islamistes.

Karima Dirèche, chercheuse au CNRS, est l'auteur de "Coloniser et évangéliser en Algérie: les dessous d´un mythe", à paraître aux éditions Karthala. (source : Apic)


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