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du 01 au 03 février 2010 (semaine 05)
 

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2010-02-03 - Ile Maurice
L'ÉGLISE ET L'ANNIVERSAIRE DE L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE

Le 175ème anniversaire de l'Abolition de l'esclavage a été marqué par une messe célébrée par l'évêque de Port-Louis, en l'église de Saint François Xavier à l'Escalier, une messe dont la signification était primordiale pour la communauté créole.

L'Eglise Catholique a en effet appellé à une prise de conscience, sur le thème «1835-2010 - 7 zenerasyon, kreol finn ler pou to pran to plas». La messe fut célébrée, par Mgr Maurice Piat, l'évêque de Port-Louis, entouré de nombreux prêtres.

L'homélie du P. Alain Romaine fut à là fois constat, mise en garde et appel à une prise de conscience. "Le comportement électoral des créoles n'est plus ce qu'il était. Il sera différent aux élections de 2010", a-t-il déclaré. "Créoles pas pou vot parey sa enn fwa la», prédit Alain Romaine. S'ensuit tout de suite, une mise en garde aux formations politiques pour que le créole fasse partie de leurs préoccupations. «Tou parti poilitik bisin met créole dans zot l'agenda".

Poursuivant son homélie, le prêtre s'est adressé, en particulier, aux descendants d'esclaves. "La commémoration de l'Abolition de l'esclavage n'est pas une fête, c'est un devoir de mémoire, c'est un pèlerinage pour rendre hommage aux esclaves. Et c'est aux créoles de le faire", a affirmé le P. Alain Romaine.

Il a enfin abordé la question de l'utilisation de la langue kreol à l'école. "Il est temps qu'on arrête l'hypocrisie sur la question du kreol. C'est la langue maternelle des Mauriciens. Il a sa place à l'école".

Le même jour se déroulèrent des cérémonies civiles sur plusieurs sites. Une sculpture fut dévoilée sur la montagne du Morne classée patrimoine de l'humanité. Le ministère de l'Education et de la Culture a choisi de dire «A nou fet liberté» pour rallier la population autour des manifestations qu'il organise.

D'autres célébrations ont marqué cette commémoration : une cérémonie de dépôt de gerbes au monument de l'Esclave Inconnu, devant le Théâtre de Port-Louis. A la même heure, à Pointe Canon, Mahébourg, au Monument des esclaves. La cérémonie de dépôt de gerbes au Trou-aux-Cerfs était organisée par l'Ambassade de la République Malgache. Celle au monument faisant mémoire de la Route des esclaves, au Morne fut présidée par plusieurs personnalités dont le Premier ministre, Navin Ramgoolam et l'invité d'honneur, Joaquim Chissano, l'ancien président du Mozambique.

Le choix du prédicateur avait une signification dans ce pays marqué par l'esclavage. "Bonarien", "Lapuante", "Cabri..." Déclamés aujourd'hui en public dans une salle d'attente de l'hôpital, ces noms de famille risibles pour certains, sont cruels pour ceux qui les portent. Ils sont les cicatrices encore ouvertes de la douloureuse histoire des Créoles à l'Ile Maurice. Ils participent à la stigmatisation sociale des descendants d'esclaves.

Pour avoir été témoin d'une tragédie personnelle du fait de porter un nom de la honte, le P. Romaine s'est donné la mission de mener une étude sur l'origine des dotations honteuses de ces noms et ses effets séculaires sur l'identité des Créoles.

Aujourd'hui, de nombreuses familles créoles, descendants d'esclaves, portent toujours ces patronymes attribués à leurs ancêtres sans que ces derniers aient pu s'en affranchir au lendemain de l'abolition de l'esclavage. Plus qu'une séquelle, ces noms humiliants, transmis de génération en génération, s'avèrent être un frein, un boulet, au développement personnel et communautaire des Créoles, catégorie ethno-sociale des plus défavorisées à Maurice et aujourd'hui quasi-absente des cercles du pouvoir économique el politique.

Par ce travail de mémoire restaurant l'Histoire, la tentative de P. Alain Romaine s'inscrit dans l'effort, ces dernières décennies, de mettre à jour la `non-histoire', sans tomber dans les pièges du discours victimaire, pour donner la parole aux oubliés de la terre, écrit-il dans son livre :" Les Noms de la Honte."

Les Indos-Mauriciens sont les plus nombreux : plus de 68 % de la population dont 52% d'hindous et 16% de musulmans. Ils ont activement participé à un processus d'indianisation du pays, s'emparant du pouvoir politique. Les Créoles représentent 27% de la population. Ils sont d'origine africaine, descendant d'esclaves et à majorité catholiques. (source : Allafrica)

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