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du 29 mai au 2 juin 2011 (semaine 22)
 

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2 juin 2011-
LES ÉCHANGES D'EXPÉRIENCE AVEC L'ISLAM

Les responsables pour les relations avec les musulmans en Europe de plusieurs conférences épiscopales se sont réunis du 31 mai au 2 juin à Turin, à huis clos, pour échanger leurs expériences avec des universitaires spécialisés.

A cette occasion, Mgr Maroun Lahham, archevêque de Tunis, a répondu aux questions des journalistes et leur a parlé de l'expérience qui fut la sienne en Terre Sainte, son pays d'origine, soulignant que les initiatives de dialogue islamo-chrétien provenant du côté musulman sont en nette augmentation. "Il y a là un dépassement d´une psychologie de peur ou de doute à l´égard d´un thème".

"Le Moyen Orient est une terre de dialogue, déjà par vocation, mais il l´est aussi par nécessité pratique", a-t-il lancé, avant de souligner que "en général, les relations islamo-chrétiennes au Moyen Orient sont bonnes" autant aux niveaux politique que culturel. "Mais lorsqu´on descend dans la rue, il y a des nuances à faire", a ajouté Mgr Maroun Lahham.

"La longue coexistence au Moyen-Orient "a forgé chez les uns les autres la conviction que l´autre (chrétien ou musulman) constitue une partie intégrante de sa propre histoire, de sa propre culture et de sa propre civilisation".

Parmi les "malentendus, soucis, poids historiques, préjugés, prises de positions et questions encore sans réponses", Mgr Lahham a cité notamment "le fait que les trois institutions essentielles qui forment la rue musulmane (à savoir la famille, l´école et la mosquée) font peu ou rien pour éduquer la rue (dans le sens noble du mot) à un sain pluralisme, au droit à la diversité, au respect de l´autre différent et surtout à la richesse que cette diversité porte en elle. Bref, la famille, l´école et la mosquée n´éduquent pas à un regard d´égalité foncière entre chrétien arabe et musulman arabe".

Un autre malentendu est lié à l´histoire, selon le conférencier. "Comme l´Occident fait facilement l´amalgame entre arabe et musulman, l´Orient fait le même amalgame entre l´Occident et le Christianisme. L´arabe chrétien est facilement lié à l´Occident et à tout ce que fait l´Occident (croisades, colonialisme, sionisme, conflit israélo-arabe, capitalisme, guerre du golfe, de Gaza, de l´Afghanistan etc.)"

Une troisième source de malaise, selon Mgr Lahham, tient au fait que "des quinze siècles de coexistence des arabes chrétiens avec l´islam, il y en a bien treize de statut de minorité. Pendant des siècles, le statut de majorité musulmane et de minorité chrétienne a forgé chez les uns et chez les autres une mentalité qui ne facilite pas toujours le dialogue. Du côté majoritaire, on parle facilement de tolérance, de protection, voire même de privilèges, ce que les chrétiens refusent; car ils considèrent - à juste titre - que la citoyenneté, les droits et les devoirs, relèvent de la dignité de la personne humaine et non des statistiques".

Un quatrième élément est l´islamisme montant dans différents pays, "quoique avec des couleurs différentes". "Disons-le d´emblée, affirme l´archevêque de Tunis, l´islamisme arabe n´est pas dirigé directement contre les chrétiens du pays. Il est né souvent dans un contexte d´injustice politique ou économique. Mais comme le religieux et le politique s´entrepénètrent dans l´islam, nous voyons l´apparition d´un nouveau vocabulaire à couleur islamique, et qui donne quelques appréhensions aux chrétiens arabes: des expressions comme "l´islam est la solution", "Jérusalem est un Waqf (propriété religieuse) islamique", "les nouvelles Croisades", "le monde arabe musulman au lieu du monde arabe et musulman etc"...

Un dernier point réside dans des malentendus de structures. "Il ne faut pas oublier que l´Islam se présente comme un système unique qui englobe tout et dans lequel tout se tient (foi, culte, famille, enfants, vie morale, prophète, vie économique, héritage etc..). Il suffit donc de toucher un seul point de ce grand système pour que l´Islam en tant que tel se sente menacé ou offensé", relève le conférencier.

De même, la notion de "liberté religieuse" a une signification toute différente entre chrétiens et musulmans. "Dans les pays musulmans (sauf de rares exceptions), les minorités chrétiennes jouissent d´une liberté de culte, c´est-à-dire une liberté de pratiquer leur foi, en privé comme en public. Or, le concept chrétien de liberté religieuse, surtout après Vatican II, veut dire liberté de conscience, c´est-à-dire liberté de choisir sa religion ou choisir de ne pas avoir de religion".

Dans ses conclusions, Mgr Lahham constate que "un peu partout en Europe, une certaine fatigue, une peur qui peut arriver un à rejet de l´islam". "Les relations entre chrétiens et musulmans ne seront jamais exemptes d´ombres ni d´incompréhensions", reconnaît-il. Il invite les responsables chrétiens à "prêcher que la présence chrétienne dans un monde arabe musulman n´est pas le fruit du hasard, mais qu´elle est bien la volonté de Dieu. Il s´agit donc d´une mission donnée par Dieu aux arabes chrétiens d´être au milieu de leurs frères arabes musulmans et avec eux au service de la paix et d´un monde amical et fraternel." Du côté musulman, les responsables religieux "doivent dire tout haut que les sociétés arabes musulmanes sont inconcevables sans les arabes chrétiens". (source : Apic et CCEE)


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