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du 13 au 16 octobre 2011 (semaine 41)
 

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16 octobre 2011- Égypte
LE DÉFI DE L'IDENTITÉ CULTURELLE


Le défi auquel l'Égypte est confrontée est celui de son identité culturelle. Plus la société se veut islamique, moins les chrétiens pourront y avoir un rôle. Plus la société se veut égyptienne, plus il y a de chances que les chrétiens s’y intègrent.

L'essayiste Tarek Osman est un des experts de la société égptienne. Il a étudié à l'Université américaine du Caire, puis à l'université Bocconi de Milan, et ses chroniques consacrées à l’Égypte contemporaine font autorité.

Son dernier livre : " Révolutions égyptiennes. De Nasser à la chute de Moubarak", analyse l'évolution et les tensions existant dans la société égyptienne et, malgré certains événements, il reste optimiste pour son pays à la société multiculturelle ancienne.

Le problème du sectarisme en Égypte, rappelle Tarek Osman, en Égypte est né il y a plus de 50 ans. Dans l’Égypte qui a précédé le coup d’État de Nasser, en 1952, la société égyptienne essayait d’être libérale, regardait vers l’Europe et spécialement vers la France. Elle essayait d’importer la modernité de l’Europe. Tout au long de cette période, les chrétiens d’Égypte ont joué un rôle très important.

Puis, alors que la société égyptienne était méditerranéenne dans son approche, elle s’est arabisée dans les années 1960, sous la présidence de Gamal Abdel Nasser, et dans les années qui ont suivi. En s’arabisant, elle s’est islamisée.

Du fait l’influence croissante de l’Arabie saoudite, de l’islam wahhabite et des pétrodollars (plus de 4 millions d’Égyptiens ont émigré en Arabie saoudite pour y travailler), cette influence a favorisé l’islamisation de la société dans sa nature même, et a modifié son attitude dans la façon dont elle se regardait.

En même temps, le gouvernement égyptien sous Nasser est devenu plus socialiste, moins capitaliste. Et beaucoup de familles chrétiennes très riches, qui avaient beaucoup d’influence, en politique, en économie, mais aussi dans la société elle-même, ont émigré.

Parallèlement à ce mouvement d’émigration, les violences contre les chrétiens se sont accrues, dans les années 1980, du fait du militantisme islamique. Cela a contribué à réduire la présence et l’influence des chrétiens d’Égypte dans la société, d'autant que les chrétiens se veulent être, et ils en ont conscience, une part inaliénable de la culture séculaire de l'Égypte.

L’arabisme n’est pas en lui-même islamique. Les Arabes chrétiens ont existé bien avant l’islam. Mais dans les 50-60 dernières années, la société arabe est devenue de plus en plus conservatrice.

Et dans le même temps, le nationalisme arabe, véhiculé par Nasser ou le parti Baas en Syrie et en Irak, qui était un mouvement laïc, a échoué. Il a été remplacé par l’islam politique dans de nombreuses sociétés arabes, y compris en Égypte.

Il y eut alors une sorte de fusion entre arabisme laïque et islam politique. L’arabisme s’est islamisé. Et les chrétiens d’Égypte ont payé le prix de cette évolution, comme tous les chrétiens dans le monde arabe.

Ceux qui ont fait la révolution en Égypte en janvier-février derniers ne voulaient pas seulement la fin du régime de Hosni Moubarak, ils veulent désormais amorcer une nouvelle étape de l’histoire égyptienne, en créant un nouvel État.

Tarek Osman pose cette question : L'Égypte peut-elle suivre une nouvelle voie, et laquelle ? La classe moyenne, très importante numériquement, veut une société plus diversifiée, moins sectaire. Et si cette révolution aboutit à créer un État plus égyptien qu’auparavant, alors les chrétiens d’Égypte auront un grand rôle à jouer, car ils sont une part intégrante de la société, et ils le resteront.

Le défi auquel nous sommes confrontés dans la situation actuelle, c’est l’identité culturelle de la société. Plus la société se veut islamique, moins les chrétiens d’Égypte pourront y avoir un rôle. En revanche, plus la société se veut égyptienne, plus il y a de chances que les chrétiens s’y intègrent.

Les musulmans et les chrétiens coptes d'Égypte peuvent amorcer un nouveau dialogue. Il a lieu au sein des groupes de jeunes et dans de larges secteurs de la classe moyenne, met en relief l'analyse de Tarek Osman. Par contre il n’est pas le fait de l’élite, des partis politiques ou même des médias.

Beaucoup de ces jeunes, chrétiens et musulmans, se sont retrouvés côte à côte pendant la révolution de janvier-février et dans de nombreuses manifestations depuis 2005.

Si la société égyptienne perd la voix des chrétiens, elle perdra une partie de son identité. Je suis optimiste, écrit encore Tarek Osman, parce que les segments les plus influents et les plus actifs de la jeunesse égyptienne veulent préserver cette identité unique car si la société égyptienne perd la voix des chrétiens, elle perdra une partie de son identité. (source : La Croix et AP)


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