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du 19 au 22 mars 2014 (semaine 11)
 

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22 mars 2014 -
AUGUSTIN OU LE MAÎTRE EST LÀ

Le
roman « Augustin ou le Maître est là » de Joseph Malègue, est un succès de librairie parce qu'il est le choix du Pape lui-même qui à plusieurs reprises, a publiquement déclaré que ce livre avait été une des lectures déterminantes de sa vie.

Par deux fois au moins, il a déclaré qu’il portait à cette œuvre une grande admiration et qu’elle était pour lui un livre de chevet. Avouez que ce n’est pas une mince invitation à lire cet ouvrage !

Joseph Malègue est né en 1876 et il est mort en 1940. Il est essentiellement connu pour être l’auteur de deux romans (dont l’un «Les Pierres noires » est resté inachevé) et avant tout comme l’auteur de « Augustin ou le Maître est là » qu’il a publié en 1933.

Alors qu’il était inconnu et qu’il avait dû publier son livre à compte d’auteur chez Spes, cette parution connut aussitôt un immense succès et l’installa d’emblée comme un des grands de la littérature française catholique. Pourtant il fut presque complètement oublié après la guerre.

Il faut dire « presque », car beaucoup de ceux qui avaient été marqués par la lecture du livre (comme le Père Carré, par exemple) ne cessaient pas d’ en parler et l’œuvre continuait une vie souterraine. Mais le texte était devenu indisponible et on peut remercier les Editions du Cerf de l’avoir maintenant réédité pour que tous puissent le découvrir.

Ce roman est un récit d’initiation, l’histoire d’une intelligence et l’histoire d’une âme. D’abord celle d’un enfant aimé et heureux, éduqué dans la foi, dans son Auvergne natale. Puis d’un lycéen très doué, passionné par les études classiques et qui tombe aussitôt amoureux de la philosophie.

Il faut lire le récit du premier cours du jeune professeur de philosophie tombé du ciel (il ressemble comme deux gouttes d’eau à Bergson !) et qui subjugue d’emblée Augustin, c’est fascinant. Le brillant élève, « monté à Paris » pour faire sa khâgne, est reçu premier à Normale Sup.

Confronté à la pensée contemporaine, saisi par l’éloignement de Dieu de la société et de l’intelligentsia, il entre alors dans une crise profonde de sa foi, d’autant plus que l’intelligence catholique est gravement secouée par la crise moderniste. L’irruption des méthodes historiques dans la lecture de la Bible et dans l’élaboration des dogmes provoque un trouble majeur en obligeant à repenser des vérités tenues sans trop d’interrogation.

D’autant plus que la critique ne met pas seulement à bas telle ou telle affirmation particulière, mais semble aller jusqu’à remettre en cause la démarche de foi tout entière. Incompréhension, suspicion, durcissement des positions, condamnation, (pensez à Loisy), crispation dogmatique qui n’est évidemment pas le remède approprié, l’Eglise catholique mettra des décennies à s’en remettre.

C’est là le cœur du livre, à tel point qu’on a pu dire que « Augustin ou le Maître est là » était « le roman du modernisme ». Mais justement comme un roman, pas comme un essai, en suivant un personnage, Augustin, au plus intime de toutes les étapes de son itinéraire personnel, de ses débats intérieurs, ses rencontres, sa prière ou son impossibilité de prier. La description du combat intellectuel et spirituel de notre héros dans la perte de la foi et sa reconquête, est exceptionnellement fine et experte. Ce n’est pas pour rien qu’on l’a comparé à Proust.

La haute dimension spirituelle de l’œuvre est éclatante. On cite souvent Malègue comme celui qui a parlé des « classes moyennes du salut ». Attention au contre-sens. Ce n’est évidemment en rien l’éloge d’une certaine médiocrité, mais au contraire l’affirmation que l’appel à la sainteté concerne aussi tous ceux qui sont dans les circonstances ordinaires de la vie. Tout le monde peut prendre au sérieux le titre de l’ouvrage qui est une allusion à Saint Jean, chapitre 11, où Marthe dit tout bas à Marie : « le Maître est là, il t’appelle ».

Je termine en soulignant que ces éloges, ces comparaisons, ces recommandations prestigieuses pourraient finir par intimider. Ce serait vraiment trop dommage. « Augustin ou le Maître est là » est d’abord un magnifique gros roman passionnant dans lequel on se plonge avec délectation. Ouvrez-le et, comme notre Pape François, vous serez enthousiasmés. (Jean-François Rod)


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