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du 7 au 10 mai 2014 (semaine 19)
 

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10 mai 2014 - Nigeria
LA DÉRIVE DE BOKO HARAM NOUS INTERROGE

Est-ce une
insurrection religieuse, une contestation politique ou protestation sociale ? Boko Haram pose trois questions fondamentales qu'a analysées Marc-Antoine Pérouse de Montclos, du Centre d’études et de recherches internationales.

Elles tournent toutes autour de nos propres confusions sur les notions d’islamisation, de conversion, de radicalisation et de politisation du religieux. Et de la laïcité au sens occidental venant du Siècle des Lumières ....

- S’agit-il d’une insurrection plus religieuse que politique ? - En quoi exprime-t-elle une révolte sociale ? - En quoi signale-t-elle une radicalisation des formes de protestation des musulmans du Nord Nigeria face aux richesses du Sud ?

À l’analyse, il s’avère en l’occurrence que le mouvement Boko Haram est un révélateur du politique : non parce
qu’il est porteur d’un projet de société islamique, mais parce qu’il catalyse les angoisses d’une nation inachevée
et qu'il dévoile les intrigues d’un pouvoir mal légitimé.

Si l’on veut bien admettre que la radicalisation de l’Islam ne se limite pas à des attentats terroristes, il est en revanche difficile de savoir en quoi la secte serait plus extrémiste, plus fanatique et plus mortifère que d’autres révoltes comme le soulèvement Maitatsine à Kano en 1980. Loin des clichés sur un prétendu choc des civilisations entre le Nord et le Sud, la
singularité de la secte au Nigeria s’apprécie d’abord au regard de son recours à des attentats-suicides pour défendre l'intégralité de la fidélité aux enseignements islamistes.

Dans le décompte des jeunes filles enlevée, l'association des chrétiens du Nigeria a publié une liste de 180 noms, précisant que 165 de ces jeunes filles sont chrétiennes. La religion apparaît alors comme un élément plus ou moins important qu’il convient d’apprécier à sa juste mesure, sans le grossir démesurément et sans l’évacuer complètement. De par sa dimension symbolique, la religion joue alors un rôle dans le processus de mobilisation des protagonistes, surtout lorsque les appartenances confessionnelles recoupent les allégeances ethniques.

Point de rencontre des aires d’influence chrétienne du Sud et musulmane du Nord, la ville de Jos, par exemple, est significative à cet égard. Centre de prosélytisme pour les évangélistes comme pour les islamistes, qui y ont fondé les Izala en 1978, elle oppose en effet des settlers (colons) et des natives (autochtones) qui se disputent l’accès à la terre et aux prébendes de l’État.

Or les revendications foncières et économiques des uns et des autres ont vite pris un tour religieux en voulant s’approprier la paternité du nom de la ville. Selon les Haoussa musulmans, Jos renverrait en l’occurrence au mot « païen » (majus) ; selon les Birom chrétiens, à l’acronyme des premières missions de la région (Jesus our Saviour). À mesure que les violences prenaient de l’ampleur, les habitants de Jos se sont bientôt regroupés dans des ghettos confessionnels où ils ont constitué des milices d’autodéfense en se plaçant sous la protection d’Allah ou de Jésus.

L'insurrection de Boko Haram relève d’un tout autre agenda idéologique car sa rébellion est d’abord motivée par des revendications islamistes, quoi qu’il en soit de ses compromissions avec l’affairisme des politiciens nigérians. Si la dérive terroriste du mouvement Boko Haram est intrinsèquement religieuse, c’est plutôt dans son rapport politique à l’État qu’il convient de l’analyser.

Un État qui, comme plusieurs États au nord, préconisent la charia, mais qui préconisent aussi des courants de laïcité, et la laïcité c'est la panacée d'une culture coloniale occidentale, et donc contraire à tous islam fondamental, rappelle Last Murray, dans « La charia dans le Nord-Nigeria » (source : FPIC et Allafrica)


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