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du 10 au 13 juin 2015 (semaine 24)
 


- 13 juin
2015 - Laos
UN ACTE RELIGIEUX MAIS QUI PEUT ÊTRE POLITIQUEMENT SENSIBLE

C'est ainsi que l'on peut également concevoir la béatification des 17 prêtres et laïcs laotiens et missionnaire étrangers martyrs entre 1954 et 1970 qui reste avant tout un acte religieux mais sensible politiquement.

A ce jour, les autorités laotiennes – habituellement discrètes – n’ont pas réagi à l’annonce par Rome de la signature, le 5 juin dernier, par le pape François de la promulgation des décrets relatifs à ces 17 martyrs.

C’est pourtant la première fois que l’Eglise catholique s’aventure à béatifier des martyrs tués en Asie par des organisations communistes dont les héritiers directs sont toujours au pouvoir.

Le gouvernement laotien n’est pas pris par surprise. La cause de béatification de ces 17 martyrs a été introduite en 2004, et ce sont les évêques du Laos qui l’ont voulue, convaincus que la béatification de leurs martyrs contribuera à l’édification de l’Eglise dans leur pays.

Selon les propres termes des évêques laotiens, l’Eglise du Laos est « encore une jeune plante bien fragile : elle a besoin de trouver des ‘tuteurs’, des appuis surnaturels solides » pour mener son parcours dans un environnement trop souvent hostile.

Jusqu’à aujourd’hui, pour ce qui regarde l’Asie, l’Eglise universelle a toujours pris soin de porter sur les autels des martyrs dont la mort remontait à une époque assez ancienne.

Cela a été le cas pour les 103 martyrs de Corée, canonisés à Séoul par le pape Jean-Paul II en 1984. Il y a quelques mois, le 16 août 2014, les 124 martyrs béatifiés par le pape François à Séoul avaient trouvé la mort lors des persécutions des XVIIIe et XIXe.

Pour le Japon, les « 26 martyrs de Nagasaki » furent canonisés en 1862 ; 205 autres martyrs ont été béatifiés en 1867 puis 188 autres proclamés Bienheureux en 2008 à Nagasaki ; dans tous les cas, les martyrs du Japon ont trouvé la mort lors des persécutions antichrétiennes de la seconde moitié du XVIe siècle et des deux siècles suivants.

Pour les 117 martyrs du Vietnam canonisés à Rome en 1988 par Jean-Paul II, les dossiers concernaient des victimes des persécutions des XVIIIe et XIXe siècles.

Enfin, concernant la Chine, les 120 martyrs canonisés par Jean-Paul II à Rome le 1er octobre 2000 avaient trouvé la mort aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles et lors de la révolte des Boxers en 1900 ; le Saint-Siège avait pris soin de ne pas aborder les dossiers des martyrs morts sous le communisme.

Pourtant, on se souvient que Pékin attaqua durement le Vatican pour avoir canonisé des auteurs de « crimes monstrueux » ; les autorités chinoises dénoncèrent particulièrement le choix de missionnaires « complices des impérialistes », référence sans doute au P. Auguste Chapdelaine, prêtres des Missions Etrangères de Paris dont la mise à mort en 1856 servit de prétexte à Napoléon III pour intervenir, aux côtés de l’Angleterre, contre la Chine lors de la seconde guerre de l’opium et obtenir de nouvelles concessions d’un Empire affaibli.

Dans le cas des 17 martyrs du Laos, les dossiers le montrent : le P. Joseph Thao Tiên et seize autres prêtres et laïcs assassinés, exécutés ou morts d’épuisement entre 1954 et 1970, ont trouvé la mort dans un contexte politique particulièrement complexe, celui de la décolonisation, des guerres de libération nationale et de la guerre froide.

L’évangélisation du Laos est récente : ce sont les prêtres des Missions Etrangères de Paris (MEP) qui, les premiers, y apportèrent l’Evangile, à la fin du XIXe siècle, suivis par les OMI (Oblats de Marie Immaculée) dans les années 1930. Mais rapidement, notamment après la fin de la seconde guerre mondiale, les bouleversements politiques ont rendu leur mission périlleuse.

« La guérilla voulait éliminer tout ce qui était étranger et chrétien, expliquait en 2010 le P. Serge Leray, chancelier du diocèse de Nantes et promoteur de justice du procès en béatification. Les missionnaires ont choisi de rester sur place, comme le Saint-Siège le leur demandait, malgré les lourdes menaces qui pesaient sur eux. ». le P. Jean-Baptiste Malo étant, quant à lui, mort d’épuisement sur le chemin d’un camp de rééducation situé au Vietnam (2).

Quarante-cinq ans après la mort des deux catéchistes tués en 1970 qui clôturent la liste de ces dix-sept martyrs, le Pathet Lao, qui a pris le pouvoir en 1975 après avoir défait les forces royalistes, est toujours aux commandes de la République populaire démocratique lao.

Dans ce pays culturellement bouddhiste, les chrétiens ne représentent qu’une petite minorité et les catholiques sont au nombre de 50 à 60 000. Les évêques des quatre vicariats apostoliques de l’Eglise locale (Luang Prabang, Paksé, Savannakhet, Vientiane) ont appris à rester discrets afin de préserver l’espace de liberté concédé par le pouvoir communiste en place. (source
: Mepasie)

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