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10, 11 et 12 juin 2005 (semaine 23)
 

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2005-06-12 -
LA RÉVISION D'UN DOSSIER DE BÉATIFICATION.

Une commission vaticane a été constituée "pour réexaminer le dossier de béatification du P. Léon Dehon, un pionnier du catholicisme social, à cause de certaines de ses opinions antisémitiques.

Le P. Dehon (1843-1925), fondateur de la congrégation des Prêtres du Sacré-Coeur (les "Dehoniens"), devait être béatifié le 24 avril. Actuellement aucune nouvelle date n'a été fixée. La commission vaticane initiée par la Congrégation pour la cause des saints, devra se pencher sur des accusations d'antisémitisme qui ont surgi depuis quelques semaines seulement avant la date prévue pour la béatification.

Alerté, fin février 2005 par l’historien Jean-Dominique Durand, l’épiscopat français, représenté par les cardinaux Jean-Marie Lustiger et Philippe Barbarin et par Mgr Jean-Pierre Ricard, président de la conférence des évêques de France, avait aussitôt signalé cette anomalie à Rome.

Dans les écrits du P. Dehon, sept citations tirées de ses écrits en particulier sont ainsi relevées à l'égard des juifs. "La passion des richesses, c’est chez eux un instinct de race. » Ils ont « soif de l’or » ; les juifs sont « unis dans la haine du Christ », ils sont les ennemis par excellence de l’Église et des chrétiens.

Le Talmud ? « C’est le manuel du parfait israélite, le manuel du détrousseur, du corrupteur, du destructeur social » ; « La réaction antisémite est un signe d’espérance ».

Il
recommande même l’isolement : « Le juif signalé par un vêtement spécial, exclu de l’enseignement, de la magistrature et de la propriété territoriale, et consigné dans ses ghettos avec la faculté restreinte d’exercer seulement certains commerces.

Il propose même de prendre comme modèle le courant antisémite autrichien lancé en 1893 par Karl Lueger, homme politique dont Hitler, louera plus tard les mérites dans Mein Kampf.

Le cardinal Ratzinger, alors saisi du dossier comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait fait savoir, selon une source autorisée, que "l’Église devait reconnaître ses erreurs et tirer les conséquences qui s’imposent".

Mais, à cette date, il était trop tard pour arrêter le processus puisque le décret reconnaissant le miracle nécessaire à toute béatification et l’héroïcité des vertus du P. Dehon avait été promulgué le 19 avril 2004 et que la date de la cérémonie était fixée.

L'épiscopat français était même allé, semble-t-il, jusqu’à envisager de réprouver publiquement cet acte. L’affaire lui paraissait trop grave.

Du côté de la communauté juive, "Il n'y a jamais eu de protestation officielle du CRIF, car c'est un processus qui intéresse le Vatican" et non le Conseil représentatif des institutions juives de France, "mais nous avons émis, comme d'autres, des remarques", indique Richard Prasquier, responsable des relations judéo-chrétiennes au CRIF.

"Nous avons manifesté notre étonnement qu'un prêtre dont le discours antisémite était aussi violent, puisse éventuellement être béatifié. Reste à savoir, souligne-t-il, si l'enquête en vue de la béatification du père Dehon a simplement été trop "superficielle" pour s'apercevoir de son antisémitisme ou si elle a jugé "pas importante" cette facette de sa personnalité. Dans cette dernière hypothèse, "on reviendrait dans une situation complètement inacceptable pour les juifs".

Les autorités françaises elles-mêmes "avaient attiré l'attention du Saint Siège sur certains écrits controversés du père Dehon", indique-t-on au Quai d'Orsay. Elles ont averti qu'"elles ne seraient pas représentées, comme c'est l'usage, à une cérémonie de béatification si celle-ci devait avoir lieu".

Seule la mort du pape, alors très malade, pouvait changer le cours des choses. Ce qui arriva.

Les défenseurs de la béatification du P. Dehon expliquent que ses propos sont à situer dans le cadre de cette période. Même si Léon XIII, le pape de l’époque s’était, avec d’autres catholiques, opposé à l’antisémitisme.

"Il y a anachronisme. Il faut placer ces quelques textes dans leur contexte sinon la perspective est faussée, explique le supérieur de la communauté des prêtres du Sacré-Coeur de Paris. Le P. Dehon était un homme plein d’amour."

L'historien Jean-Dominique Durand précise que ce ne sont pas "les vertus incontestables du P. Dehon qui sont en cause, mais le fait qu’une telle béatification laisserait penser que l’antisémitisme est un péché véniel, pas si grave".

Haïm Musicant, directeur général du CRIF se félicite de cette suspension : "Une telle béatification aurait été une blessure pour le dialogue fort et en bonne santé avec l’Église catholique et mieux vaut éviter les blessures inutiles."

"Pour nous, le père Dehon était d'abord un spirituel" qui s'est efforcé d'"impulser le christianisme social", indique Marie-Caroline de Marliave, porte-parole de l'épiscopat français. "Mais nous avons été alertés par des historiens qui ont fait état de textes révélant des positions nettement antisémites". Des propos antisémites qui "peuvent se retrouver chez tel ou tel démocrate-social" à l'époque, "mais son discours va au-delà de cette culture ambiante".

La commission romaine va donc mettre au travail pour
élucider les questions posées par l'ancienne procédure. (source : la Croix et CEF )

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