25.01.03 - Le ministère pétrinien
- Unum Sint (25 mai 1995)
Dans cette encyclique du 25 mai 1995, Jean Paul II s'est exprimé
ainsi sue le ministère d'unité de l'Evêque de Rome. Nous en donnons
les principaux passages.
" 88. Parmi toutes les Eglises et Communautés ecclésiales, l'Eglise
catholique a conscience d'avoir conservé le ministère du successeur
de l'Apôtre Pierre, l'Evêque de Rome, que Dieu a institué comme " le
principe et le fondement permanents et visibles de l'unité " et que
l'Esprit assiste afin que tous les autres bénéficient de ce bien essentiel.
Suivant la belle expression du Pape Grégoire le Grand, mon ministère
est celui de servus servorum Dei.
Cette définition est la meilleure protection contre le risque de séparer
l'autorité (et en particulier la primauté) du ministère, ce qui serait
en contradiction avec le sens de l'autorité selon l'Evangile: " Je suis
au milieu de vous comme celui qui sert " (Lc 22, 27), dit notre Seigneur
Jésus Christ, Chef de l'Eglise. D'autre part, comme j'ai eu l'occasion
de le déclarer lors de l'importante rencontre au Conseil ocuménique
des Eglises à Genève, le 12 juin 1984, la conviction qu'a l'Eglise catholique
d'avoir conservé, fidèle à la tradition apostolique et à la foi des
Pères, le signe visible et le garant de l'unité dans le ministère de
l'Evêque de Rome, représente une difficulté pour la plupart des autres
chrétiens, dont la mémoire est marquée par certains souvenirs douloureux.
Pour ce dont nous sommes responsables, je demande pardon, comme l'a
fait mon prédécesseur Paul VI.
" 89. Il est cependant significatif et encourageant que la question
de la primauté de l'Evêque de Rome soit actuellement devenue un objet
d'études, en cours ou en projet, et il est également significatif et
encourageant que cette question soit présente comme un thème essentiel
non seulement dans les dialogues théologiques que l'Eglise catholique
poursuit avec les autres Églises et Communautés ecclésiales, mais aussi
plus généralement dans l'ensemble du mouvement ocuménique.
Récemment, les participants à la cinquième Assemblée mondiale de la
Commission " Foi et Constitution " du Conseil ocuménique des Eglises,
tenue à Saint-Jacques de Compostelle, ont recommandé qu'elle " entreprenne
une nouvelle étude sur la question d'un ministère universel de l'unité
chrétienne ".(148) Après des siècles d'âpres polémiques, les autres
Eglises et Communautés ecclésiales examinent toujours plus et d'un regard
nouveau ce ministère de l'unité.
" 90. L'Evêque de Rome est l'Evêque de l'Eglise qui demeure marquée
par le martyre de Pierre et par celui de Paul: " Par un mystérieux dessein
de la Providence, c'est à Rome qu'il achèvera son chemin à la suite
de Jésus et qu'il donnera cette plus grande preuve d'amour et de fidélité.
C'est aussi à Rome que Paul, l'Apôtre des nations, donnera le suprême
témoignage. Ainsi l'Eglise de Rome devenait l'Eglise de Pierre et de
Paul ".
Dans le Nouveau Testament, la personne de Pierre a une place éminente.
Dans la première partie des Actes des Apôtres, il apparaît comme le
chef et le porte-parole du collège apostolique, connu comme " Pierre
... avec les Onze " (2, 14; cf. 2, 37; 5, 29). La place assignée à Pierre
est fondée sur les paroles mêmes du Christ, telles qu'elles sont conservées
dans les traditions évangéliques.
" 91. L'Evangile de Matthieu décrit et précise la mission pastorale
de Pierre dans l'Eglise: " Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette
révélation t'est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père
qui est dans les cieux. Eh bien! moi je te dis: tu es Pierre, et sur
cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne tiendront
pas contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux: ce que
tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu auras
délié sur la terre sera délié dans les cieux " (16, 17-19).
Luc fait ressortir que le Christ recommande à Pierre d'affermir ses
frères, mais qu'il lui montre en même temps sa faiblesse humaine et
son besoin de conversion (cf. Lc 22, 31-32). C'est comme si, à partir
de la faiblesse humaine de Pierre, il devenait pleinement manifeste
que son ministère spécifique dans l'Eglise est entièrement l'effet de
la grâce; c'est comme si le Maître s'employait spécialement à sa conversion
pour le préparer ! à la tâche qu'il s'apprête à lui confier dans son
Eglise et comme s'il était très exigeant avec lui. Le rôle même de Pierre,
toujours lié à l'affirmation réaliste de sa faiblesse, se retrouve dans
le quatrième Evangile: " Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci?
... Pais mes brebis " (cf. Jn 21, 15-19).
Il est significatif encore que, selon la première Lettre de Paul aux
Corinthiens, le Christ ressuscité apparaisse d'abord à Céphas puis aux
Douze (cf. 15, 5). Il est important d'observer que la faiblesse de Pierre
et de Paul montre que l'Eglise est fondée sur la puissance infinie de
la grâce (cf. Mt 16, 17; 2 Co 12, 7-10). Pierre, aussitôt après son
investiture, est réprimandé avec une rare sévérité par le Christ qui
lui dit: " Tu me fais obstacle " (Mt 16, 23). Comment ne pas voir dans
la miséricorde dont Pierre a besoin un lien avec le ministère de cette
même miséricorde dont il fait le premier l'expérience? Malgré cela,
il reniera Jésus trois fois.
L'Evangile de Jean souligne aussi que Pierre reçoit la charge de paître
le troupeau en réponse à une triple profession d'amour (cf. 21, 15-17)
qui correspond à son triple reniement (cf. 13, 38). Pour sa part, Luc,
dans la parole du Christ déjà citée que la première tradition retiendra
pour définir la mission de Pierre, insiste sur le fait que ce dernier
devra " affermir ses frères quand il sera revenu " (cf. Lc 22, 31).
92. Quant à Paul, il peut conclure la description de son ministère par
l'affirmation bouleversante qu'il lui a été donné de recueillir des
lèvres du Seigneur: " Ma grâce te suffit; car la puissance se déploie
dans la faiblesse ", et il peut s'écrier ensuite: " Lorsque je suis
faible, c'est alors que je suis fort " (2 Co 12, 9-10).
C'est là une des caractéristiques fondamentales de l'expérience chrétienne.
Héritier de la mission de Pierre, dans l'Eglise fécondée par le sang
des coryphées des Apôtres, l'Évêque de Rome exerce un ministère qui
a son origine dans les multiples formes de la miséricorde de Dieu, miséricorde
qui convertit les cours et communique la force de la grâce, là même
où le disciple connaît le goût amer de sa faiblesse et de sa misère.
L'autorité propre de ce ministère est toute au service du dessein miséricordieux
de Dieu et il faut toujours la considérer dans cette perspective. Son
pouvoir s'explique dans ce sens.
" 93. Se fondant sur la triple profession d'amour de Pierre qui
correspond à son triple reniement, son successeur sait qu'il doit être
signe de miséricorde. Son ministère est un ministère de miséricorde,
procédant d'un acte de miséricorde du Christ. Il faut sans cesse relire
toute cette leçon de l'Évangile, afin que l'exercice du ministère pétrinien
ne perde rien de son authenticité et de sa transparence. L'Eglise de
Dieu est appelée par le Christ à manifester, pour un monde enfermé dans
l'enchevêtrement de ses culpabilités et de ses desseins déshonnêtes,
que, malgré tout, Dieu peut, dans sa miséricorde, convertir les cours
à l'unité et les faire accéder à la communion avec lui.
" 94. Ce service de l'unité, enraciné dans l'ouvre de la miséricorde
divine, est confié, à l'intérieur même du collège des Evêques, à l'un
de ceux qui ont reçu de l'Esprit la charge, non pas d'exercer un pouvoir
sur le peuple - comme le font les chefs des nations et les grands (cf.
Mt 20, 25; Mc 10, 42) -, mais de conduire le peuple pour qu'il puisse
avancer vers de paisibles pâturages. Cette charge peut imposer d'offrir
sa propre vie (cf. Jn 10, 11-18). Après avoir montré que le Christ est
" le seul Pasteur, en l'unité de qui tous ne font qu'un ", saint Augustin
exhorte: " Que tous les pasteurs soient donc en un seul pasteur, qu'ils
fassent entendre la voix unique du pasteur; que les brebis l'entendent,
qu'elles suivent leur pasteur, non pas celui-ci ou celui-là, mais le
seul. Et que tous, en lui, fassent entendre une seule voix, et non pas
des voix discordantes. Cette voix, débarrassée de toute division, purifiée
de toute hérésie, que les brebis l'écoutent! "
La mission de l'Evêque de Rome au sein du groupe de tous les pasteurs
consiste précisément à " veiller " (episkopein), comme une sentinelle,
de sorte que, grâce aux pasteurs, on entende dans toutes les Églises
particulières la voix véritable du Christ-Pasteur. Ainsi, se réalise,
dans chacune des Eglises particulières qui leur sont confiées, l'Eglise
une, sainte, catholique et apostolique. Toutes les Eglises sont en pleine
et visible communion, parce que les Pasteurs sont en communion avec
Pierre et sont ainsi dans l'unité du Christ. Par le pouvoir et l'autorité
sans lesquels cette fonction serait illusoire, l'Evêque de Rome doit
assurer la communion de toutes les Eglises. A ce titre, il est le premier
des serviteurs de l'unité.
La primauté s'exerce à divers niveaux qui concernent la vigilance sur
la transmission de la Parole, sur la célébration sacramentelle et liturgique,
sur la mission, sur la discipline et sur la vie chrétienne. Il revient
au Successeur de Pierre de rappeler les exigences du bien commun de
l'Eglise, au cas où quelqu'un serait tenté de le négliger au profit
de ses propres intérêts. Il a le devoir d'avertir, de mettre en garde,
de déclarer parfois inconciliable avec l'unité de la foi telle ou telle
opinion qui se répand. Lorsque les circonstances l'exigent, il parle
au nom de tous les Pasteurs en communion avec lui. Il peut aussi - dans
des conditions bien précises exposées par le Concile Vatican I - déclarer
ex cathedra qu'une doctrine appartient au dépôt de la foi. Rendant ainsi!
témoignage à la vérité, il sert l'unité.
" 95. Mais tout cela doit toujours être accompli dans la communion.
Lorsque l'Eglise catholique affirme que la fonction de l'Evêque de Rome
répond à la volonté du Christ, elle ne sépare pas cette fonction de
la mission confiée à l'ensemble des Evêques, eux aussi " vicaires et
légats du Christ ". L'Evêque de Rome appartient à leur " collège " et
ils sont ses frères dans le ministère. Ce qui concerne l'unité de toutes
les Communautés chrétiennes entre évidemment dans le cadre des charges
qui relèvent de la primauté. Il sait bien, en tant qu'Evêque de Rome,
et il l'a réaffirmé dans la présente Encyclique, que le désir ardent
du Christ est la communion pleine et visible de toutes les Communautés,
dans lesquelles habite son Esprit en vertu de la fidélité de Dieu.
Je suis convaincu d'avoir à cet égard une responsabilité particulière,
surtout lorsque je vois l'aspiration ocuménique de la majeure partie
des Communautés chrétiennes et que j'écoute la requête qui m'est adressée
de trouver une forme d'exercice de la primauté ouverte à une situation
nouvelle, mais sans renoncement aucun à l'essentiel de sa mission. Pendant
un millénaire, les chrétiens " étaient unis par la communion fraternelle
dans la foi et la vie sacramentelle, le Siège romain intervenant d'un
commun accord, si des différends au sujet de la foi ou de la discipline
s'élevaient entre elles ". La primauté s'exerçait ainsi pour l'unité.
En m'adressant au Patriarche ocuménique, Sa Sainteté Dimitrios Ier,
j'étais conscient, comme je l'ai dit, que " pour des raisons très diverses,
et contre la volonté des uns et des autres, ce qui devait être un service
a pu se manifester sous un éclairage assez différent. Mais, c'est par
désir d'obéir vraiment à la volonté du Christ que je me reconnais appelé,
comme Evêque de Rome, à exercer ce ministère. Je prie l'Esprit Saint
de nous donner sa lumière et d'éclairer tous les pasteurs et théologiens
de nos Églises, afin que nous puissions chercher, évidemment ensemble,
les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d'amour
reconnu par les uns et par les autres ".
" 96. C'est une tâche immense que nous ne pouvons refuser et que
je ne puis mener à bien tout seul. La communion réelle, même imparfaite,
qui existe entre nous tous ne pourrait-elle pas inciter les responsables
ecclésiaux et leurs théologiens à instaurer avec moi sur ce sujet un
dialogue fraternel et patient, dans lequel nous pourrions nous écouter
au-delà des polémiques stériles, n'ayant à l'esprit que la volonté du
Christ pour son Eglise, nous laissant saisir par son cri, " que tous
soient un... afin que le monde croie que tu m'as envoyé " (Jn 17, 21)?
Pour plus d'informations : Service de
presse du Vatican
Retour
|