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du 16 au 18 mars 2009 (semaine 12)
 

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2009-03-18 -
L'ÉGLISE QUI EST AU CAMEROUN

Une interview de Louis D. Edzimbi, parue dans "Cameroon Tribune"
Le 17 mars

Où en est l'Église catholique qui est au Cameroun aujourd'hui avec l'inculturation ?


Je dois commencer par dire que l'inculturation a été reconnue au cours du dernier synode spécial des évêques pour l'Afrique comme la voie qui convient pour l'approfondissement de l'évangélisation en Afrique. Je crois que l'exhortation apostolique post-synodale que le pape Jean Paul II est venu promulguer en Afrique le 14 septembre 1995, tourne autour de l'inculturation. Tout le texte s'articule autour de la question de l'inculturation.

Ceci comme pour dire que du point de vue du Saint Siège, je crois que la voie est déjà ouverte et si rien ne se fait dans les Eglises en Afrique aujourd'hui, il serait mal venu d'accuser Rome de faire une quelconque obstruction. S'agissant maintenant de l'inculturation dans notre pays, je pense qu'il est important de relever qu'aujourd'hui au Cameroun, lors de la célébration eucharistique, nos différentes langues ont déjà fait leur percée dans l'Eglise, nos traditions sont plus au moins revalorisées dans les différentes célébrations et la Bible même est déjà traduite dans plusieurs de nos langues.

La parole de Dieu lorsque vous l'avez déjà dans votre langue, c'est un pas important dans l'inculturation et ce travail se poursuit avec les spécialistes. On pourrait également dire que quand on voit l'intégration de certains rites comme l'arbre de la paix à l'occasion des célébrations eucharistiques, il y a là une expérience d'inculturation qui est intéressante à approfondir. J'ajoute comme nous sommes à Yaoundé, que l'archidiocèse de Yaoundé lors du Tridum pascal le vendredi saint, on célèbre l'Essani.

Alors, l'intégration des séries traditionnelles dans la célébration du Tridum montre que l'inculturation est en bonne voie. Il faut quand même dire qu' il y a beaucoup d'expériences qui sont faites ça et là, ces expériences ont besoin d'être réexplorées, réétudiées dans le cadre d'une commission qui est à créer au sein de la conférence épiscopale pour essayer de jeter un regard critique sur ce qui a déjà été fait, de prendre des orientations qui nous permettent d'aller plus en avant, de manière à ce que le chrétien catholique camerounais puisse vivre amplement sa foi dans l'environnement qui est le sien.

Quelle lecture faites-vous de la percée des Eglises du Eéveil et des sectes ?

Ce que vous appelez la percée des Églises réveillées ou encore sectes, je dois dire qu'il ne s'agit pas d'une percée, mais d'un mouvement. Et ce mouvement s'inscrit dans ce qu'on appelle aujourd'hui la mondialisation. Elle est très perceptible au niveau du marché spirituel où les nouveaux venus chaque jour grossissent les rangs. Elle n'inquiète pas nos églises traditionnelles, j'allais dire conventionnelles, protestantes et catholique ; elle est aussi à relativiser.

Pourquoi ? Parce que ceux qui vont dans ces nouvelles églises, le mouvement pentecôtiste, ceux qui adhérent n'y vont pas parce qu'ils ont véritablement tourné le dos à l'église catholique. C'est un effet de mode. Parce que nos églises continuent toujours d'être pleines, la cathédrale de Yaoundé est toujours pleine chaque dimanche.

Il faut comprendre que nous sommes dans un contexte de pluralisme religieux, avec la liberté de conscience, les uns et les autres ont le droit d'aller voir ce qui se passe ailleurs. Dans le cas d'espèce, les gens y vont surtout pour découvrir et on observe une certaine errance spirituelle qui fait que par curiosité beaucoup y vont, certains y restent mais beaucoup d'autres reviennent. Maintenant il est quand même important de prendre conscience de ce phénomène, pour que l'église catholique qui est au Cameroun révise sa stratégie d'évangélisation.

Comment peut donc s'opérer cette stratégie d'évangélisation ?

Elle doit s'opérer dans la formation des fidèles. Mais la formation des pasteurs d'abord. Pour que les pasteurs assurent la formation des fidèles, il faut déjà qu'ils soient eux- mêmes formés. Et de ce point de vue nous sommes suffisamment outillés, nous avons une université catholique avec une faculté de théologie qui a déjà fait ses preuves et qui accueillent les pasteurs pour leur formation intellectuelle et morale.

Et ces pasteurs ont mission à leur tour de former les fidèles, de les prévenir, j'allais dire de les prémunir contre cette distraction qu'occasionne ce mouvement. Et je pense que lorsque les fidèles seront bien formés, ils seront plus à même de discerner entre les différentes églises pour que chacun puisse rester fidèle à son choix.

J'ajoute aussi que la pauvreté nous accule à des solutions de facilité et les gens perdent parfois le sens de la raison. Ce qui fait que, concernant par exemple le cas de la maladie, au lieu d'aller vers ceux qui ont été formés pour soulager les souffrances de l'humanité de ce type de fléau, beaucoup préfèrent se rendre chez des supposés pasteurs qui soignent par imposition des mains, on vous dit et vous lisez partout « Jésus sauve et guérit ». Et on pense trouver la guérison tout de suite et à des conditions qui ne sont pas exigibles. Il faut les former et l'inculturation si elle est bien pensée devra amener nos fidèles à comprendre que ce qui est proposé dans les nouveaux mouvements religieux, est déjà préconisé dans leur Église.

Où en est-on avec le dialogue entre l'Église catholique et les croyances traditionnelles ?

Nous, nous ne parlons pas de croyances traditionnelles, nous parlons de religions traditionnelles. Il faut dire que le Saint Siège reconnaît déjà l'existence des religions traditionnelles africaines et qu'il n'y a pas de sociétés sans religions traditionnelles, même si ces religions ne sont pas codifiées, écrites avec un code de fonctionnement comme la religion chrétienne, c'est-à-dire les églises catholique et protestantes.
Au niveau du dialogue, nous avons mis en place une structure qu'on appelle l'Acadir c'est-à-dire l'Association catholique pour le dialogue inter religieux qui reconnaît la religion traditionnelle comme telle. Simplement il y a une difficulté : dans le cadre de la religion traditionnelle, qui est représentant de cette religion. Elle n'est pas organisée, elle n'est pas structurée et donc il est difficile d'avoir un dialogue nourri entre les adeptes des ces religions et l'église catholique. Maintenant au niveau des recherches, il faut dire que la recherche aussi est un lieu de dialogue, il y a un grand effort qui est fait pour connaître davantage ces religions, ce qu'elles visent, comment elles fonctionnent.

Qu'est ce que l'Église aujourd'hui peut tirer de cette spiritualité traditionnelle pour continuer à faire son travail d'annoncer la bonne nouvelle aux camerounais. Je dois dire qu'à ce niveau, l'inculturation que nous appelons de tous nos voeux s'intéresse de près à cette spiritualité traditionnelle parce que c'est le lieu où on peut trouver des valeurs qui sont susceptibles de soutenir l'annonce de la bonne nouvelle aujourd'hui. Ce dialogue, s'il n'est pas structuré, s'il n'est pas organisé comme on l'aurait souhaité, existe quand même et se fait au niveau de la recherche sur la culture et les traditions religieuses africaines. (source : Allafrica)


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