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du 1 au 4 mai 2009 (semaine 18)
 

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2009-05-04 - Égypte
UNE DÉCISION IRRATIONNELLE ET CHOQUANTE

Depuis le mercredi 29 avril, le gouvernement égyptien fait abattre les 300.000 porcs du pays, officiellement pour prévenir les risques de transmission de la grippe A. Les chrétiens coptes se sentent visés par l’abattage de leurs cochons.

Le dimanche 3 mai, de violents affrontements ont éclaté sur la colline du Muqattam, au Caire, où vivent 35.000 « zabalin », les chiffonniers, en majorité des chrétiens coptes, qui collectent et recyclent les ordures de la capitale égyptienne. Entre 300 et 400 habitants du quartier ont lancé des pierres et des bouteilles sur les policiers, qui ont répliqué par des tirs de balles en caoutchouc et de grenades lacrymogènes. Douze personnes ont été blessées dans les rangs de la police, et une dizaine parmi les manifestants.

« Ils disent qu’ils tuent les cochons à cause d’un virus, mais il n’y a pas de maladie ici, des vétérinaires sont venus faire des analyses et ils n’ont rien trouvé », annonce Samir, qui vit avec sa famille dans un taudis envahi par les mouches. Ses cochons se nourrissent des déchets organiques dans un enclos boueux.

Le gouvernement a présenté sa décision comme une mesure de précaution contre la propagation de la grippe A (d’abord appelée « porcine »), avant de se reprendre en parlant de mesure d’hygiène visant à éliminer des « élevages insalubres » entre 250.000 et 300.000 porcs en Égypte, dont 60.000 sont élevés au Muqattam.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé qu’à sa connaissance, aucun malade n’avait été contaminé par des porcs et que la transmission se faisait principalement entre humains.

« Ils font ça parce que l’Égypte est un pays musulman et qu’ils ne veulent pas des cochons ici », risque Teresa, une jeune maman. Quelle qu’ait été l’intention du gouvernement égyptien, ce sentiment prévaut aujourd’hui chez de nombreux coptes : « Ils voulaient faire ça depuis longtemps, et la grippe porcine est le prétexte qu’ils attendaient », estime Nagib, pharmacien copte de Shubra, au nord du Caire.

Le pape Chenouda III, patriarche de l’Église copte-orthodoxe, a choisi la neutralité, affirmant ne pas vouloir intervenir dans la décision du gouvernement. « Les coptes ne mangent pas de viande de cochon. Ce sont les étrangers et les touristes qui consomment du porc », a-t-il déclaré au journal gouvernemental Al-Ahram. En réalité, les chiffonniers coptes mangent une partie de leurs bêtes. Les autorités religieuses coptes envisagent cependant de participer au dédommagement des éleveurs.

Le gouvernement a, quant à lui, promis 100 livres égyptiennes (13,35 €) pour chaque porc mâle abattu, et 250 livres (35 €) par femelle. Un argent dont les chiffonniers ont peur de ne jamais voir la couleur.

Au-delà des éleveurs de porcs, l’ensemble de la filière du recyclage « artisanal » des chiffonniers du Caire pourrait pâtir de cette décision : « Seuls les cochons se nourrissent des déchets organiques. S’ils ne sont plus là, que fera-t-on des ordures ? » s’inquiète Ibrahim, un des rares chiffonniers musulmans, qui a toujours vécu en bonne entente avec ses voisins coptes. (information : chiffonniers du Caire)


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