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du 4 au 7 décembre 2009 (semaine 49)
 

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2009-12-07 - Chine
LA CLANDESTINITÉ ET LA VISIBILTÉ DE LÉGLISE

Pour le secrétaire d'Etat du Vatican,Mgr Bertone, l'Eglise clandestine doit se montrer au grand jour et se mettre en règle avec les autorités chinoises. Pour le cardinal Zen, elle ne doit pas le faire, car ce serait se livrer à l'ennemi.

Or en deux jours, les catholiques qui vivent en Chine ont reçu deux exhortations très différentes l’une de l’autre, écrites par deux hautes instances de l'Église : le cardinal Tarcisio Bertone et le cardinal Joseph Zen Zekiun, archevêque Hong Kong..

Tous deux sont qualifiés pour s’occuper de la Chine. Le premier en tant que secrétaire d’Etat et donc responsable de toute la géopolitique de l’Eglise, le second, évêque émérite de Hong-Kong, fait partie de la commission voulue par le Vatican pour suivre la mise en application de la lettre-programme écrite par Benoît XVI aux catholiques chinois en juin 2007.

Le premier paraît plus "réaliste", le second plus combatif. Chacun des deux estime faire la bonne interprétation de la lettre du Pape, et voici que ces dernières semaines, une affaire concernant un évêque chinois a de nouveau fait éclater la divergence entre eux.

L’évêque, c’est Mgr Francis An Shuxin, 60 ans, coadjuteur du diocèse de Baoding, dont le premier titulaire, l’évêque James Su Zhimin, 75 ans, est détenu depuis 1996 dans un lieu inconnu.

Mgr An Shuxin a lui aussi été emprisonné. Dix ans. Il a été libéré le 24 août. Mais à un prix élevé : il a dû s’inscrire à l'Association patriotique, l’outil politique utilisé par les autorités chinoises pour contrôler l’Eglise nationale et la séparer de Rome.

La décision de Mgr An Shuxin a troublé le clergé et les fidèles. Car Baoding se trouve dans le Hebei, la région de Chine ayant la plus forte concentration de catholiques, au moins un million et demi, pour la plupart non reconnus officiellement. En plus de Su Zhimin, deux autres évêques "clandestins" du Hebei sont actuellement en prison : Cosma Shi Enxiang, évêque de Yixian, 85 ans, arrêté et disparu le 13 avril 2001, et Julius Jia Zhiguo, évêque de Zhengding, 74 ans, de nouveau arrêté le 30 mars.

En même temps que Mgr An Shuxin, deux prêtres de son diocèse sont sortis de prison en échange d’une inscription à l'Association patriotique. Certains évêques, prêtres et fidèles ont vu dans le geste des trois hommes une trahison, un passage à l’ennemi. Selon d’autres, c’est au contraire nécessaire pour sortir de la clandestinité, que Benoît XVI a définie, dans sa lettre de 2007, comme une situation "pas normale dans la vie de l’Eglise".

Le désarroi n’a pas été limité au Hebei, il a aussi atteint le Vatican. On entend souvent dire que la curie romaine incite les évêques et prêtres clandestins à obtenir la reconnaissance officielle pour normaliser la vie des diocèses, même s’il faut pour cela se plier à certains diktats du régime.

Dans ce contexte, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat, envoie de Rome, le 16 novembre, une lettre aux prêtres de l’Eglise chinoise, dans laquelle il ne parle pas de l’affaire de l’évêque de Baoding. Mais il est facile d’y voir une référence quand le cardinal exhorte "à une réconciliation au sein de la communauté catholique et à un dialogue respectueux et constructif avec les autorités civiles, sans renoncer aux principes de la foi catholique".

On peut aussi appliquer facilement aux communautés clandestines l'affirmation de Bertone selon laquelle "une communauté ne peut se replier sur elle-même, comme si elle était autosuffisante, mais elle doit rester en communion avec toutes les autres communautés catholiques".

A en juger d’après les 23 pages d’instructions diffusées le 18 novembre par le cardinal Zen, la responsabilité de ce désarroi, retombe pour une bonne part sur les autorités vaticanes. D’après le cardinal Zen, une idée est en train de prendre pied : l’époque héroïque de l’Eglise clandestine serait finie, tous ses évêques et prêtres devraient entrer dans l’Eglise officielle reconnue par le régime, un asservissement encore pire de l’Eglise vis-à-vis du pouvoir fondé sur une interprétation abusive de la lettre de Benoît XVI.

D’après le cardinal Zen, quand Benoît XVI écrit que "la clandestinité est une situation qui n’est pas normale dans la vie de l’Eglise", il n’ordonne pas aux communautés clandestines de céder aux prétentions du gouvernement, mais il leur dit de résister aussi longtemps que la situation anormale qui provoque la clandestinité continuera à exister.

Au Vatican, l'instruction du cardinal Zen a été accueillie comme son énième acte d'accusation contre la ligne "diplomatique" de la Curie de Benoît XVI.

Il y a encore quelques mois ceux qui, au Vatican, s’occupaient de la Chine étaient surtout Mgr Pietro Parolin, sous-secrétaire pour les rapports avec les Etats, et Mgr Gianfranco Rota Graziosi, chef de service à la même section. Parolin était le plus compétent en la matière et il suivait aussi la situation de l’Eglise au Vietnam. Mais, cet été, il a été envoyé comme nonce apostolique au Venezuela et personne ne l’a remplacé à la curie avec une compétence égale à la sienne sur le dossier chinois.

A Pékin, on arenvoyé à une date non précisée la convocation de l'Assemblée nationale des représentants catholiques. Ces derniers mois, le cardinal Zen a tout fait pour inciter les évêques et les prêtres gouvernementaux à boycotter les assises. Il n’y a pas réussi. Mais les autorités chinoises ont renoncé à la contrainte. Et en reportant l'Assemblée nationale des représentants catholiques à plus tard, elles ont laissé place à la possibilité – ou à la tentation – d’un éventuel énième compromis avec les autorités vaticanes. (source : Chiesa)


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