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07.02.04 - Ouganda : Je suis descendu en enfer .

"Je dois l'admettre: aujourd'hui je suis descendu en enfer! Un enfer oublié de tous et de tout, dans une périphérie reculée du nord de l'Ouganda. Je tiens à préciser que je ne me sens pas du tout un héros. J'ai simplement été un témoin oculaire".

Accompagné de Père Sebhat Ayele, secrétaire et porte-parole du "Lango religious leaders forum", le LRLF, le P. Giulio Alabanese, responsable de l'agence Misna, s'est rendu dans une localité située à une trentaine de kilomètres au nord-est de Lira, où venait d'avoir lieu un nouveau massacre perpétré par les sanguinaires rebelles de ladite Armée de Résistance du Seigneur (LRA). Voici son témoignage :

"Ayant appris la nouvelle de ce massacre, essentiellement perpétré à l'arme blanche, de la bouche de survivants arrivés ce matin à l'hôpital du district de Lira, après les avoir rencontrés dans les couloirs étroits du petit établissement, nous avons décidé d'aller sur place, à l'"Abia Camp", une localité située à une trentaine de kilomètres au nord-est de Lira. Alors que notre pick-up avançait sur la piste, nous avions sur notre droite et sur notre gauche des files interminables de civils en train de tenter d'échapper au mauvais sort."

" Après plus d'une heure de route, nous avons atteint le camp de réfugiés. De nombreuses habitations et huttes étaient encore en feu et une forte odeur nauséabonde rendait l'air irrespirable. Un militaire, un sergent d'une trentaine d'années, nous a accueilli en disant en langue lango " Peko dwong" (c'est un grand désastre). Nous avons vu au loin des cadavres, au moins deux carbonisés."

" Nous avons ensuite appris que durant l'attaque des rebelles, lancée hier, mercredi, vers 17 h 00 locales et terminée quatre heures plus tard, 51 civils ont été tués et plus de 70 personnes auraient été blessées, en comptant ceux que nous avions rencontré à Lira. Je me suis mis à prier et j'avoue avoir pleuré . Nous sommes restés une vingtaine de minutes à l'Abia Camp car les quelques soldats qui se trouvaient sur place nous ont invités à quitter la zone, selon eux encore infestée de rebelles."

" Nous sommes repartis avec la voiture remplie de déplacés, dont trois blessés parmi lesquels une femme blessée à la tête. Nous sommes partis à toute allure, sur la piste en très mauvais état, craignant que les rebelles ne sous coupent la route."

" Il est écoeurant de voir des gens mourir, encore plus écoeurant de constater le silence qui entoure ce maudit conflit où ceux qui meurent sont les innocents. Joseph Kony, le fou visionnaire qui a fondé le LRA, pourrait donner des leçons de cruauté à Saddam Hussein. Une chose est sûre: la guerre est loin d'être finie si l'on considère qu'outre le district de Lira, les rebelles sèment la mort et la destruction autour de Gulu, de Kitgum, d'Apac et de Pader."

" Beaucoup de personnes vivent dans les zones rurales hors du circuit des agences humanitaire. C'était le cas des rescapés du camp Abia, qui dormiront dehors cette nuit. Près de 8.000 désespérés s'ajouteront aux quelque 300.000 civils hébergés dans le centre de Lira. Sans parler des centaines de milliers de personnes qui survivent dans la savane infestée de rebelles. La population a surnommé ces criminels "totong": "bouchers". Ce sont vraiment des bouchers. Les rebelles ont ainsi lancé un clair message à tous ceux qui écrivent sur les journaux qu'ils ont été vaincus ou qu'ils ont fui au Soudan."

Pour l'évêque de Gulu, seule l'aide internationale peut mettre fin au conflit, une guerre qui ne porte pas son nom, mais qui tue tout autant. L'évêque de Gulu, Mgr John Baptist Odama, est président de l'ARLPI (Acholi religious leader's peace inititive). Depuis juin 2003 l'ARLPI ne cesse de demander une intervention internationale pour mettre fin aux souffrances de la population nord-ougandaise, exténuée par des violences continuelles. Les instances internationales restent totalement silencieuses.

Depuis 1986, les rebelles de l'Armée de Résistance du Seigneur (LRA), guidés par leur chef Joseph Kony, sèment la terreur dans les régions septentrionales du pays africain. Selon des chiffres avancés par l'Agence Misna. des dizaines de milliers de personnes - au moins 100.000 morts - ont été tuées, près de 25.000 enfants ont été enlevés, réduits à l'état d'esclavage ou enrôlés dans les rangs des combattants. Plus d'un million personnes auraient outre été déplacées. L'évêque ougandais a expliqué que la solution militaire choisie par l'exécutif de Kampala ne parviendra pas à mettre fin à la rébellion. (source : misna)

Pour plus d'informations s'adresser à : Agence Misna

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