Infocatho


31.07.04 - Avec le "Parlement des Religions".

Le
Parlement des religions qui vient de se réunir à Barcelone du 7 au 13 juillet est une initiative ambigüe issue de certains milieux religieux américains libéraux.

Fondé à Chicago en 1893, par ces mêmes milieux, il avait marqué un tournant important, en offrant une tribune aux représentants de mouvements religieux orientaux, qui allaient par la suite se diffuser en Occident. Des personnages tels que Paul Carus révaient de synthétiser les croyances bouddhistes pour un public occidental. Aujourd'hui, dans cet immense forum qui réunit près de 7.000 personnes, trois principaux types de groupes se sont côtoyés.

Tout d'abord, plusieurs associations - presque toutes américaines - se consacrant au dialogue entre religions. Ensuite, des religions anciennes, mais minoritaires et en situation de diaspora, et qui éprouvent le besoin de se faire mieux connaître: zoroastriens ou jaïns, par exemple. Enfin, plusieurs mouvements religieux nouveaux sont aussi là, suivant des stratégies entre quête de respectabilité et recherche de légitimation, d'une part, et prosélytisme et expansion, d'autre part: plusieurs groupes néo-hindous (Brahma Kumaris, disciples de Swami Sivananda, de Sri Chinmoy, de Mata Amritanandamayi, etc.), des néo-païens, des aumistes, des membres de la nouvelle religion japonaise Shumei (issue de Sekai Kyusei Kyo), des scientologues et plusieurs autres.

Mais ce n'est que l'une des faces du Parlement des religions. Catholiques, protestants ou juifs n'éprouvent pas le besoin ou l'envie d'avoir leurs stands, ils sont en revanche présents dans les couloirs et sessions du Parlement. Par exemple, plusieurs jésuites spécialistes du dialogue avec l'islam rencontrent des interlocuteurs avec lesquels ils tissent depuis des années des relations, une fois dépassés "l'exotisme, le folklorisme pittoresque et la superficialité" qu'affirme y avoir surtout vus Mgr Jaume Gonzalez-Agapito, délégué de l'archevêché de Barcelone pour les affaires oecuméniques.

Cette année, s'est fait surtout remarqué, le " Pax Emmanuel II" qui est le primat de l'Eglise chrétienne essénienne, Eglise supraconfessionnelle, qui vient de l'Allemagne, mais n'a guère fait parler d'elle jusqu'à maintenant. Tellement supraconfessionnelle, en tout cas, que chaque membre du clergé est entièrement libre de ses croyances et que la messe y est célébrée avec du jus de raisin non fermenté... afin que les musulmans puissent y communier au calice!

 Il est vrai que l'Eglise chrétienne essénienne n'hésite pas à lancer des ponts audacieux entre religions, dans le sillage d'idées qui circulaient déjà avant elle: ainsi, le Christ ne serait pas mort sur la croix, mais aurait donné l'apparence de la mort, grâce à une technique similaire à celle du samadhi hindou, explique un commentaire de l'édition de l'Evangile publiée par le groupe.

Les femmes ont accès au sacerdoce vêtues en parfait clergyman, avec col romain. Mais pourquoi donc des vêtements si ressemblants à ceux de l'Eglise catholique romaine? L'archevêque Simon de Cyrène répond avec bonhomie et sans se démonter à la question: en fait, c'est l'Eglise romaine qui aurait repris les caractéristiques vestimentaires des esséniens. Et d'ajouter avec une manifeste délectation: "Si je voulais être méchant - mais je ne le ferai pas - je pourrais dire que l'Eglise catholique a été la première secte."

Certains thèmes chauds sont abordés, en particulier celui de l'Islam dans nos sociétés contempraines. Pour Merve Kavakci, musulmane turque qui enseigne aux USA, la liberté d'expression est bafouée par la loi en Turquie: "Des musulmans oppriment d'autres musulmans au nom de la modernisation et de l'occidentalisation." Elle ne conteste pas le principe d'un Etat séculier, mais elle s'oppose à une laïcité militante, qui en arrive à établir la "non religion" (qui est une chose différente de l'athéisme) comme religion d'Etat.

Pour Tariq Ramadan, l'islam est un appel à la libération de l'humanité face à toute autorité injuste et à toutes les idoles, y compris "l'argent, le pouvoir, les apparences". C'est un appel à la justice. Le jihad, rappelle-t-il, est à la fois "effort et résistance". Et de rappeler le hadith (dit du Prophète): "Le meilleur jihad est une parole de vérité prononcée face à un oppresseur."

Mais Tariq Ramadan refuse que ce discours soit utilisé uniquement pour viser les Américains: partout dans le monde se produisent des choses intolérables - y compris de la part de gouvernements se prétendant musulmans. "Je n'accepterai jamais que ma tradition soit utilisée pour opprimer des gens."

Le Parlement offre l'occasion de découvrir aussi la situation de religions peu connues du grand public. Des zoroastriens, venus de l'Amérique du Nord, du Royaume-Uni et de l'Inde pour répondre à la curiosité des visiteurs. Des prêtresses païennes venues de l'Amérique du Nord qui répondent aux questions de la Radio suisse romande avant de célébrer un rituel pour la paix au sommet du Montjuic, d'où la vue sur Barcelone est spectaculaire., et y célébrèrent en plein air, après une procession vers le lieu de la célébration, un rituel pour la paix, en chantant et dansant au son des crécelles et des percussions: "Tisserands, nous tissons la toile de la vie", tandis que se nouaient symboliquement - autour du poteau dressé au centre de la clairière - des fils en une vaste toile d'araignée.

Reste à savoir quels effets concrets et mesurables une telle initiative peut avoir, au delà du cercle de ses participants, Il est surtout une étape, non la source de leur engagement. La majorité des prochaines réunions publiques auront pour cadre les Etats-Unis. (source : unescocat)

Pour plus d'informations : Unesco Catalogne

Retour