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27 et 28 novembre 2004 (semaine 48)
 

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04-11-28 - Ukraine
LES ÉGLISES DEVANT LES RISQUES DE SÉPARATISME.

Même si elles sont pas dans les instances de médiation au moment où confronté à une crise risquant d'entraîner une partition du pays, les Églises sont concernées par les décisions qui seront sans doute prises dans la journée du lundi 29 novembre et qui risquent de marquer les relations entre elles.

A l'approche du scrutin, les Églises orthodoxes autonomes et non reconnues, les Églises catholiques et les Églises protestantes, avaient pris nettement parti pour Viktor Ioutchenko, candidat pro-occidental, qui refuse aujourd'hui les résultats de l'élection. La majorité de leurs fidèles se situent à l'ouest de l'Ukraine.

A l’est, les fidèles orthodoxes sont sous la juridiction canonique de l’Église orthodoxe russe, représentée par l’exarchat de Kiev, dont l’exarque, le métropolite Wladimir (Sobodan) est ukrainien de la région de Khmelnitski. Pour la majorité d'entre eux, l’Ukraine est une terre orthodoxe, car c’est à Kiev que la Russie a été baptisée en 988. Si le pouvoir religieux s’est ensuite déplacé vers les terres moscovites, c’est en raison des invasions mongoles, mais il n’en reste pas moins que c’est en Ukraine que la "Sainte Russie" a ses véritables racines.

Puis les aléas de l’histoire ont marqué ces Églises. Au XIVème siècle Kiev est sous la domination polono-lituanienne et les polonais ne peuvent tolérer cette forte minorité au sein du royaume, d’autant que la catholique Pologne est en opposition avec l’empire russe plus au nord.

En 1596, pour des raisons plus politiques que religieuses, le métropolite de Kiev et cinq autres évêques orthodoxes signent, sous la contrainte, une union avec Rome, l’Union de Brest-Litovsk, mais conservent le rite byzantin afin de ne pas s’opposer à leurs fidèles qui entendent rester attachés à ce qui est, à leurs yeux, des rites orthodoxes. Ainsi naîtra l’Église gréco-catholique d’Ukraine.

Au moment du partage de la Pologne, la presque totalité de l’actuelle Ukraine va tomber sous la domination russe, sauf la Galicie orientale autour de Lviv. L’Église romaine latine s’implante dans cette région, au point que jusqu’à ces dernières années lorsqu’on parlait des catholiques de rite latin, l’on disait tout naturellement "les polacks". Ses diocèses se trouvent également à Odessa et dans l’est de l’Ukraine.

Avec l’occupation soviétique l’Église gréco-catholique, ses prêtres et ses évêques vont connaître la persécution et le martyre. Elle devient "l’Église des catacombes" et se voit déposséder de tous ses lieux de culte. Elle n’en retrouvera qu’une partie qu’à partir de 1991, au moment de l’indépendance. L’Église gréco-catholique se présente comme la seule Église nationale.

Cependant en 1995, le métropolite Philarète (Denisenko) se sépare de Moscou et crée une Église d’Ukraine en s’auto-proclamant "patriarche de Kiev". Ses 9 diocèses recouvrent environ un cinquième des fidèles orthodoxes et 8 d’entre eux sont dans les régions qui ont donné une majorité à Viktor Iouchtchenko, Une autre Église ukrainienne autocéphale a repris vie en 1991, alors qu’elle existait déjà durant la brève période de l’indépendance avant 1922. Elle compte 6 diocèses, tous dans les régions qui ont donné une majorité à Viktor Iouchtchenko. 

La fracture politique marquée par les régions qui ont donné une majorité à Viktor Ianoukovitch ou à Viktor Iouchtchenko, peut ainsi marquer l’avenir de l’Église. Car l'Église gréco-catholique et l’Église du "patriarcat de Kiev" ont donné leur appui à Viktor Iouchtchenko et l'exarcat orthodoxe du patriarcat de Moscou à Viktor Ianoukovitch. Quelles que soient les décisions qui seront prises dans les jours prochains, les Églises se sont engagées dans des orientations politiques qui marqueront longtemps et profondément le pays et sans doute aussi les Églises.

Réunis en congrès, des responsables des régions de l'Est et du Sud russophones de l'Ukraine ont annoncé dimanche "se réserver le droit" de tenir un referendum sur la possibilité de créer un territoire autonome. "Si un président illégitime arrive au pouvoir, les participants au Congrès se réservent le droit de prendre des mesures adéquates pour l'auto-défense des intérêts des citoyens", a souligné une résolution adoptée à l'issue du congrès. "Au cas où la crise politique se développerait de la pire façon, nous serons unis et fermes (...) jusqu'à organiser un referendum sur un éventuel changement de statut administratif territorial de l'Ukraine".

Le Premier ministre ukrainien Viktor Ianoukovitch, vainqueur contesté de l'élection présidentielle du 21 novembre, et le maire de Moscou Iouri Loujkov participaient à ce Congrès qui se tenait à Severodonetsk, près de Louhansk (est). M. Ianoukovitch a mis en garde contre le risque d'un "effondrement" de l'Etat ukrainien. "Soit nous sommes capables de préserver la stabilité et la paix dans l'Etat, soit tout va s'effondrer et très rapidement", a-t-il lancé.

La crise qui sévit dans ce pays de 48 millions d'habitants, aux portes de l'Europe, est sans précédent depuis l'indépendance du pays en 1991.
Cette crise met face à face deux Ukraines: celle de l'Ouest, tournée vers l'Occident européen, nationaliste et pro-Iouchtchenko, et celle de l'Est et du Sud, industrielle, pro-russe et pro-Ianoukovitch. Et certains craignent qu'elle n'entraîne une scission du pays.

"Le pouvoir qui a perdu l'élection joue la carte dangereuse du séparatisme", a lancé dimanche le leader de l'opposition Viktor Iouchtchenko demandant que les "gouverneurs séparatistes" soient poursuivis en justice. (source et information : Agence Unian et  SOP)

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