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FlashPress - Infocatho
du 12 au 18 octobre 2007 (semaine 42)
 

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2007-10-18 -
Espagne
UN ACTE INUTILE DANS UN CONTEXTE DE TENSION


La plus importante béatification de l'histoire, qui égale ou presque le nombre de béatifiés espagnols de la guerre civile ïncide avec le jour où les socialistes espagnols fêteront le 25e anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Felipe Gonzales, en 1982.

Certains y voient une fâcheuse coïncidenceet tout un symbole du clivage de la société espagnole : entre la droite, héritière du franquisme soutenue par une grande partie de la hiérarchie catholique, et la gauche, honnie de cette même Eglise. 

Il est vrai que cette béatification de masse pose le problème de la transition démocratique en Espagne et de la gestion de la mémoire de la guerre civile (1936-1939) qui opposa le camp des putschistes"nationalistes"  - alliés aux fascistes de Mussolini et aux nazis d'Hitler au secours du dictateur Franco - à celui des "Républicains".           

Alors que le gouvernement Zapatero souhaite l’adoption d’une loi -elle sera votée le 30 octobre - visant à réhabiliter les victimes républicaines de la guerre civile et de la dictature de Franco, l'Eglise espagnole voudrait voir davantage reconnues les persécutions, durant laguerre civile, des "martyrs suppliciés en 'haine de la foi'".

"C'est vrai que l'Eglise d'Espagne a mal à son passé. Et qu'elle n'a pas encore été capable de dénoncer la dictature franquiste, avec laquelle elle a fait croisade durant la guerre civile", confiait à l'Apic il y a quelque temps le prêtre basque José Luis Aperribal. Qui donnait en exemple les 18 prêtres fusillés au Pays basque pour leurs sympathies républicaines."Aujourd'hui encore, l'Eglise leur nie une sépulture chrétienne".

Selon l'historien espagnol Julián Casanova, professeur d'Histoire contemporaine à l'Université de Saragosse et à New York, "la mémoire des vainqueurs, maîtres absolus pendant la dictature de Franco, occupe encore une place prééminente si on la compare à celle des vaincus".

Santos Juliá, autre historien de renom de l'Université espagnole à distance (UNED), abonde dans ce sens. Pour lui, "sortir du discours 'vainqueurs' et 'vaincus' implique de se retrouver en terrain commun". Mais constate-il, "parler à nouveau d'une Eglise persécutée, comme le fait actuellement la hiérarchie de cette même Eglise, nous ramène dans le tunnel du temps".

En juillet dernier, Mgr Agustin Garcia Gasco, archevêque de Valence, qui vient d'être nommé cardinal, ravivait des plaies largement ouvertes, en annonçant la construction d'un sanctuaire des "Martyrs de Valence", afin d'honorer la mémoire des victimes - 226 Valenciens béatifiés le 11 mars 2001 par JeanPaul II -, morts durant la guerre civile pour avoir lutté contre la "haine de la foi".

Pie XII s'était manifestement opposé à des béatifications indiscriminées et massives. Une attitude également adoptée par ses successeurs, Jean XXIII et Paul VI, lequel avait d'ailleurs ordonné de suspendre les procès en béatifications et canonisations en cours. Les choses changèrent sous Jean Paul II.  Dès mars 1982, il annonçait en effet aux évêques ibériques qu'il allait promouvoir la béatification des martyrs de la persécution religieuse.

La canonisation la plus rapide de l'histoire avait abouti à une vive polémique, car le jeune Escriva de Balaguer avait vécu la guerre civile comme une lutte entre catholiques et communistes, en qui il voyait l'incarnationdu mal. Avec quelque 12.692 propositions de béatifications, comme l'assure le Vatican, les prélat sespagnols accaparent le "catalogue" des martyrs du XXe siècle.

Invité à répondre aux critiques lancées par les historiens Julián Casanova et Santos, qui font autorité en Espagne, le président de la Conférence des évêques d'Espagne, Mgr Ricardo Blazquez, évêque de Bilbao, a refusé de commenter. "Mgr Blazquez n'entend pas entrer dans ce débat", a indiqué à l'Apic son service de presse à Bilbao. Dans une déclaration reprise par l'agence de presse espagnole EFE, le cardinal Carlos Vallejo dit avoir "la sensation quequelqu'un veut gagner une guerre que tous nous voulons oublier le plus tôt possible". Et de relever: "Je suis pour regarder l'histoire, mais non enfaveur d'une mémoire idéologique". (source : Agence Apic)

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