|
Le temps du désert
et de la rencontre avec Dieu
SE TAIRE OU
PARLER AUTREMENT
S'il ne nous est pas demandé de partir au désert,
comme le Christ, comme les Pères des premiers siècles, ces
moines en Palestine ou en Egypte, comme le P. de Foucauld ou les moins
de Tibhirine, nous pouvons cependant, au milieu de nos frères,
et tout en restant en échange avec eux, faire silence de réalités
inutiles ou secondaires.
Le Carême pourrait être un temps où nous pourrions essayer de maîtriser
nos paroles. Notre monde est terriblement verbaliste, et nous sommes constamment
submergés par des mots qui ont perdu de leur sens et, partant, de leur
force.
Le Christianisme révèle le caractère sacré de la parole, don véritablement
divin fait à l'homme. C'est la raison pour laquelle nos paroles sont douées
d'un pouvoir extraordinaire, soit positif, soit négatif. C'est aussi pour
cette raison que nous serons jugés sur nos paroles : "Or, je vous le dis
: de toute parole sans fondement que les hommes auront proférée, ils rendront
compte au Jour du Jugement ; car c'est d'après tes paroles que tu seras
justifié, et c'est d'après tes paroles que tu seras condamné." (Mt 12,36-37).
Maîtriser ses paroles, c'est en retrouver le sérieux et caractère sacré
; c'est comprendre que, parfois, une plaisanterie "innocente",que nous
avons prononcée sans même y penser, peut avoir des conséquences désastreuse
- peut-être la "dernière goutte" qui jette un homme au fond du désespoir
et de l'anéantissement.
Mais la parole peut aussi être un témoignage. Une conversation fortuite
au bureau, avec un collègue, peut faire plus pour communiquer une conception
de la vie, une attitude envers les autres hommes ou à ou à l'égard du
travail, que tout un sermon que nous voudrions leur adresser.
Cette conversation peut jeter la semence qui provoquera une question,
qui fera envisager la possibilité de concevoir autrement la vie, qui fera
souhaiter en savoir davantage. "L'homme ne vit pas seulement de pain,
mais de toute parole qui vient de Dieu."
LE SILENCE ET LA
BEAUTE DE DIEU
Peu à peu, l'expérience élémentaire d'être au coeur d'un monde intérieur,
le sentiment même de la beauté de cette "intériorité", disparaissent
tout simplement de notre culture moderne. Si ce n'est pas la télévision,
c'est la musique qui peut devenir destructrice de la beauté intérieure.
Lorsqu'elle a cessé d'être quelque chose que l'on écoute en une intériorité
admirative, elle devient vite une sorte de fond sonore pour la conversation,
pour la lecture, pour les rythmes sensoriels de notre corps.
Ce besoin d'entendre constamment de la musique révèle l'impossibilité
où nous nous trouvons de goûter le silence, de le concevoir non comme
une chose négative, comme une pure absence, mais précisément comme une
présence et comme la condition de toute vraie présence.
Un monde silencieux n'est un monde de vide, en fait il nous offreune
large possibilité de se concentrer et d'avoir une vie intérieure. Mais
habitués que nous sommes au bruit, il nous faut, en un premier
temps faire un effort particulier pour retrouver cette dimension essentielle
du silence qui, seule, peut nous mettre en contact avec les réalités
supérieures.
C'est pourquoi le problème de la radio et de la télévision, durant le
Carême, n'est pas un problème marginal mais, sous bien des aspects,
une question de vie ou de mort spirituelles. Il faut bien se rendre
compte qu'il est impossible de simplement partager sa vie entre la "radieuse
tristesse" du Carême et la dernière nouveauté de l'écran.
Une première pratique à suggérer serait donc de réduire sérieusement
l'usage de la radio et de la télévision durant le Carême. Nous n'osons
pas espérer un jeûne total, mais seulement un jeûne ascétique qui, comme
nous le savons, suppose avant tout de changer son régime et de le réduire.
Il n'y a rien de mal, en soi, à continuer à suivre les nouvelles ou
à choisir des programmes sérieux, intéressants et qui puissent enrichir
intellectuellement ou spirituellement.
Ce qui doit cesser durant le Carême, ce n'est pas de se couper de la
télévision, c'est "s'y adonner" au point de se transformer
en une chiffe avachie dans un fauteuil, collée à l'écran et absorbant
passivement tout ce qui peut en sortir.
Texte adapté du livre "Le Carême dans nos vies"
du P. Alexandre Schmemann.
Retour
au "portail" du carême
|