LE CARÊME - TEMPS DE DIEU
La liturgie romaine du Carême et de Pâques.




LA LITURGIE ROMAINE
du Carême et de Pâques

" Ce temps fut sciemment organisé ", c'est ce que conclut le P. Antoine Chavasse au terme de son étude sur le cycle pascal. Au cours des siècles, nous voyons en effet que la nature de ce temps était commandée, à Rome, par son terme, Pâques. La préparation des pénitents à la réconciliation solennelle du jeudi-saint, celle des catéchumènes au baptême pascal et celle de tout le peuple chrétien à une participation plus authentique à la Pâque annuelle en firent un temps pénitentiel, un temps baptismal et un temps de vie chrétienne.

Au début du 5ème siècle, cette préparation, qui englobe quarante jours comprend une temps de trois semaines continues de lectures et de textes liturgiques. A la fin du 6ème s., il est de soixante jours et au début du 7ème de soixante-dix, d'où le nom de ces dimanche avant la réforme de 1956 : dimanche de la Sexagésime, dimanche de la Septuagésime.

D'autres compléments se situent même au 8ème siècle. De nouvelles antiennes, de nouvelles lectures bibliques et évangéliques prennent place dans la liturgie des dimanches et des jours de semaines (appelées " féries ") Elles ont pour but d'attirer l'attention des fidèles romains et du clergé, sur les conditions spirituelles de ce temps : les oeuvres de miséricorde comme les exigences de la vie chrétienne.

Prenons quelques exemples de cette évolution romaine. Dans les premiers temps, à Rome, " l'entrée à Jérusalem " était commémorée par une lecture, le premier dimanche de l'Avent avec l'évangile selon saint Matthieu (21. 1 à 9) et le lundi saint avec l'évangile selon saint Jean (12. 1 à 32). La première célébration qui fasse intervenir les rameaux et la procession, au 6ème dimanche du Carême, se réalise en harmonie avec la procession qui se déroulait depuis toujours dans les Lieux Saints à Jérusalem. A la fin du 8ème siècle, elle passe d'une oraison de bénédiction à une procession pour laquelle fut composée l'hymne " Gloria, Laus " par Théodulfe d'Orléans (+ 821).

L'adoration de la Croix, le Vendredi Saint, avait prit naissance elle aussi à Jérusalem et fut introduite à Rome pendant le 7ème siècle. Elle fut alors célébrée de façon différente dans la liturgie papale et dans la liturgie presbytérale. Son déroulement actuel dérive de ces deux liturgies. Il en est de même pour le Jeudi-saint qui devint assez tardivement le premier jour du triduum pascal et qui n'était pas célébré, là aussi, de la même façon dans la liturgie papale et dans la liturgie presbytérale du 7ème-8ème siècle.

Ces remaniements et ces additions se retrouvent dans bien d'autres domaines des rituels romains. Le jour où les baptêmes d'enfants devinrent prédominants, Rome préféra réorganiser son rituel et la nouvelle formule en est attestée par le pape Zacharie en 744. Le rite baptismal lui-même subit des changements et incorpore des additions comme la remise d'un cierge au nouveau baptisé, remise indiquée dans un " Ordo liturgique " de Jumièges au 11ème siècle et attestée à Rome au 12ème siècle. Au 13ème siècle, l'ensemble des pratiques baptismales romaines sont attestées par saint Thomas d'Aquin. Au 14ème siècle on substitua au baptême par immersion le baptême par " infusion ", en faisant couler l'eau sur la tête de l'enfant.

Tous ces faits sont évoqués et rappelés parce qu'ils témoignent de la vie de la communauté romaine autour de son évêque, le pape successeur de saint Pierre et garant de la foi. Il n'est pas question d'innover l'expression de la foi, mais d'adapter ses rituels à la situation de son temps, alors que, dans d'autres régions, les Eglises locales conservaient des rituels différents ou des formules liturgiques différentes comme le " pontifical romano-germanique " par exemple.

Il en est de même aujourd'hui où l'on voit le Concile Vatican II retrouver les vraies expression de la foi dans la tradition du passé en les dégageant de la surcharge d'adjonctions qui ne sont pas essentielles à la réalité des sacrements et des liturgies. Il est caractéristique que toutes ces formules, tous ces rites s'enrichissaient les uns les autres et s'enrichissent aujourd'hui encore, en un échange qui expriment bien cette communion sur l'essentiel du sacrement.

En vagues successives, la liturgie romaine influencera ou même supplantera des liturgies locales. A d'autres époques, c'est elle qui reçoit les apports de la liturgie de Jérusalem, de la Gaule, de l'Espagne ou de l'Orient. En 1614, le pape Paul V codifie tout cela en publiant le " Rituel romain " au moment même où il autorise la liturgie en langue chinoise.

La réforme de 1956 et le Concile Vatican II sont dans la même tradition. " L'Eglise est le Corps Mystique du Christ, elle ne peut avoir la raideur cadavérique d'une forme engourdie dans une définitive immobilité. " (Dom Bernard Botte. OSB - 1953)


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