La signification des voyages du pape
Jean Paul II
La signification du voyage en Ukraine.
Les enjeux du voyage en Ukraine sont multiples, car ce voyage
vers l'Est de l'Europe tout en rappelant les grandes significations
de tous ses voyages, y ajoute au moins trois nouvelles caractéristiques.
En le conduisant sur une terre riche de multiples cultures,
il retrouve une terre que sa patrie d'origine, la Pologne, a
marquée au cours des siècles, comme on le voit
à Lviv. - une terre où la tradition byzantine
est devenue conflit entre l'Eglise romaine et l'Eglise orthodoxe.
- une terre où les témoins de la foi sont, plus
qu'ailleurs, un signe de l'Unité dans la fidélité
au Christ.
I - LA SIGNIFICATION DES VOYAGES DU PAPE
La dynamique du dialogue - Désenclaver le Vatican - Une
impulsion novatrice.
La dynamique du dialogue.
Pour cela, il a " joué sur plusieurs tableaux ", simultanément
religieux et diplomatiques. Par les rencontres qu'il a mis sur
pied et par les voyages qu'il a suscités, il a créé une "dynamique"
qui dépasse les simples réunions de dialogue entre experts.
Il a mentionné cette perspective de la rencontre fraternelle,
lors des réunions interreligieuses, en particulier à
Assise, et dans de multiples interventions auprès des
évêques venus en visite "ad limina",
à Rome.
Il a bousculé les Juifs en venant dans leur synagogue, les musulmans
en entrant dans une mosquée, les réformés, les orthodoxes gréco-byzantins
et les orthodoxes orientaux.
Il force les inerties et oblige les dénominations religieuses
à ré-étudier les questions fondamentales que sont la justification
(luthériens), l'inter-religieux (l'Islam), le ministère pétrinien
(les orthodoxes), la christologie (les Arméniens), la permanence
de l'Alliance en Jésus-Christ (les juifs).
Désenclaver le Vatican.
Il a obligé les bureaux romains à penser " ailleurs " qu'à Rome.
Il l'a maintes fois répété en recevant
ses responsables des "Dicastères". Il a voulu
désenclaver le Vatican et les services de la Curie romaine.
Car la préparation des voyages, comme des pèlerinages,
a provoqué simultanément des études historiques,
théologiques, sociologiques, etc... en même temps
que des déplacements des "romains", sur les
lieux des voyages.
Pour cela, il a mis en place un personnel qui a quitté
Rome et est venu sur place, pour préparer sa venue en
Inde, en Amérique Latine, en Océanie et ailleurs, avec la nécessité,
pour eux, de se mettre à l'écoute des Eglises locales et des
réalités de chaque culture et de chaque "région"
du globe.
Même dirigée par sa situation centralisatrice,
cette mise en oeuvre devient une écoute qu'il traduit, dans
le même temps par les synodes " continentaux " où les évêques
résidentiels peuvent s'exprimer mieux que dans un synode romain.
Actuellement autour de lui s'est constitué un corps d'experts
théologiens, sociologues, scientifiques, hommes de culture,
etc … qui, dans le sens même de sa pensée, peuvent élaborer
des documents multiples et solidement étayés.
Une impulsion novatrice.
L'impulsion qu'il a ainsi donnée vient de sa pensée claire,
ouverte, étendue, qu'il peut confier à ces spécialistes, en
toute confiance. Dans ces dernières années, il a marqué des
insistances nouvelles, sans pour autant modifier l'essentiel.
C'est ainsi qu'il a donné place plus importante aux Eglises
d'Orient, catholiques ou non, qu'il a élargi l'inculturation
de l'Evangile à l'Amérique comme au continent africain, qu'il
a marqué l'unité de l'Eglise, "Une par le sang des martyrs"
(cf encyclique Ut unum sint).
En embrassant le sol de chaque pays, il identifie l'amour de
l'Eglise à cette terre où vivent les hommes, faisant sienne
l'unité entre l'Eglise et les nations. Ses voyages sont apostoliques.
A Rome, c'est la visite de l'évêque de Rome. En Italie et dans
les autres pays, sa volonté est de s'y rendre quelle que soit
l'importance des communautés chrétiennes.
Et chaque fois qu'il le peut, durant ses voyages, il se rend
sur les lieux de pèlerinage qui sont à ses yeux des lieux significatifs
d'un ressourcement spirituel, comme il le fit en France auprès
de saint Louis de Montfort ou du Curé d'Ars.
Il se met en droite ligne des voyages de saint Paul. Il ne veut
pas s'arrêter aux signes politiques qu'ils peuvent avoir. Il
les veut ecclésiaux. Ce ne sont pas des gestes de prise de possession,
mais des rencontres de personnes, de frères. D'où l'erreur actuelle
du patriarche russe qui reste encore enfermé dans son nationalisme
possessif.
Il nuance jusque dans le choix des lieux des béatifications
et des canonisations. Il canonisera les martyrs japonais à Manille
parce que c'est delà que sont partis ces missionnaires. Et ce
n'est pas en Espagne qu'il béatifiera les martyrs espagnols.
LE VOYAGE EN UKRAINE
"Les deux poumons" - Les martyrs - L'Eglise.
En plus de ces raisons, "habituelles" désormais,
le voyage du pape Jean Paul II revêt quelques particularités
significatives, qui renforcent le sens même de ses voyages
précédents.
"Les deux poumons"
A une Eglise catholique trop occidentalisée, même
si elle s'inculture partiellement dans les diverses régions
des continents, il a souvent rappelé la nécessité
de "respirer la Grâce" de Dieu selon la tradition
des Pères de l'Eglise, tradition qui s'est conservée
et se retrouve dans les Eglises orientales.
Il l'a souligné lors de son pèlerinage sur les
pas de saint Paul. Là en Ukraine, il le vivra plus fortement
encore, d'une part en raison de la présence majoritaire
de l'Orthodoxie (comme en Grèce certes) et d'autre part
en raison de la présence de l'Eglise gréco-catholique
qui vit cette tradition (et qui n'existe pas en Grèce).
Son précédent voyage en Roumanie nous en avait
donné déjà les premiers éléments.
Les martyrs et les témoins de la
Foi.
En Ukraine plus qu'en Roumanie, les témoins de la Foi
en Jésus-Christ sont des millions dans les deux Eglises.
Dans sa lettre-encyclique, "Ut unum sint" en 1985,
Jean Paul II avait déjà affirmé que ces
témoins de la Foi sont non seulement le signe, mais la
réalité fondamentale de l'Unité de l'Eglise.
Il avait même alors décidé que les saints
des Eglises non romaines seraient célébrés
comme ceux inscrits au calendrier romain.
En Ukraine, par delà les divergences, il rappelle cette
affirmation par les béatifications auxquelles il procédera
les mercredi 26 et jeudi 27 juin à Lviv, en ayant pris
soin de ne pas en faire à Kyïv, où l'Eglise
catholique romaine est minoritaire.
L'Eglise.
C'est là sans aucun doute l'une des principales raisons
de ce voyage. Il ne vient pas visiter une "Eglise nationale",
au sens où le voudrait le patriarche de Moscou, Alexis
II. Il n'y a pas une "terre orthodoxe" pas plus qu'il
n'y a une "terre catholique". Ce ne sont pas les juridictions
canoniques d'un patriarcat qui font l'Eglise, ce sont les communautés
chrétiennes en communion avec leur évêque.
L'Eglise est là où sont ses fidèles. Il
ne vient pas faire du prosélytisme. Il vient les retrouver
et les réconforter.
En se rendant sur des terres de tradition orientale, majoritairement
orthodoxe, cette problématique connaît une acuité
qui bouscule. Le patriarche oecuménique Bartholomée
y avait fait allusion lors de sa récente visite en Sicile,
terre où se sont épanouies côte à
côte l'Orthodoxie et la Catholicité romaine.
Or en Ukraine les fidèles catholiques sont plusieurs
millions qui se rattachent au Siège Romain de Pierre
soit dans les diocèses latins, soit dans les diocèses
gréco-catholiques, en communion avec Rome depuis 1596.
Jean Paul II considère qu'il n'a pas besoin d'une autorisation
pour les visiter. Par déférence et par fraternité
ecclésiale, il a prévenu les responsables ukrainiens
de l'Eglise Orthodoxe du patriarcat de Moscou de son intention
de venir dans ce pays.
Ces "ingérences" des origines nationales dans
les Eglises orthodoxes sont aussi douloureusement ressenties
par elles. C'est une des questions qu'elles doivent résoudre
en Amérique où divergent les Eglises locales qui
restent rattachées à l'Eglise-Mère nationale
et l'Eglise Orthodoxe d'Amérique, l'O.C.A. Curieusement,
l'O.C.A. a été mise en place par le patriarcat
de Moscou en 1970 avec la garantie canonique d'un spécialiste
français, Mgr Pierre L'Huillier, archevêque orthodoxe
de New York, après avoir été évêque
à Paris dans la juridiction de Moscou. Le patriarcat
oecuménique de Constantinople y voit d'ailleurs une difficulté
dans ses relations avec la plus nombreuse Eglise Orthodoxe,
celle de Russie.
En Ukraine, ce problème existe avec encore plus d'acuité
car nous y trouvons : 1 - L'Eglise Ukrainienne Autocéphale
des USA (dans la juridiction de Constantinople depuis 1995)
et qui couvre plusieurs diocèses sur la terre ukrainienne
; 2 - L'Eglise Orthodoxe Autocéphale Ukrainienne du "patriarche
de Kiev" Dymytrij (Yarema) ; 3 - L'Eglise Orthodoxe du
Patriarcat de Kyïv, du "patriarche" Filaret (Denissenko)
; 4 - L'Eglise Orthodoxe d'Amérique et du Canada (dans
la juridiction de Constantinople) ; 5 - et enfin l'Eglise Orthodoxe
du Patriarcat de Moscou avec l'exarque, le métropolite
Wladimir (Sobodan) qui fut un temps évêque de la
juridiction de Moscou pour le diocèse de Cherson à
Paris.
Le seul fait que Jean Paul II puisse rencontrer d'autres Eglises
orthodoxes que la sienne porte ombrage au patriarche Alexis
II qui entend maintenir l'Ukraine dans sa juridiction, malgré
des courants qui dépassent l'autonomie actuellement accordée
au métropolite Wolodymyr (Wladimir Sobodan). Le pape
de Rome les rencontrera toutes ensemble, le dimanche 24 juin
à 17h 15 lorsqu'il sera reçu par les représentants
du "Conseil des Eglises et des organisations religieuses
d´Ukraine" à la Philharmonie de Kiev.
Les questions de la restitution de telle ou telle église,
de tel ou tel bâtiment, ne sont pas les questions fondamentales.
Moscou, Contantinople et Rome le pensent.
La réconciliation devrait permettre l'espérance
qui pourrait donc être engendrée par la foi vécue
dans la charité.
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