23.03.02. L'engagement
oecuménique de l'Eglise catholique.
Nous vous donnons ici in-extenso le texte fondamental
de la conférence donnée par le cardinal Kasper, à
Paris, le samedi 23 mars 2002, durant l'assemblée Générale
de la Fédération Protestante de France.
" C'est pour moi une grande joie
et un honneur de m'adresser à vous ce soir sur un thème qui non seulement
représente mon devoir de chaque jour et qui est vraiment et profondément
enraciné dans mon cœur, mais qui est aussi d'une importance prioritaire
pour nos relations mutuelles, à savoir " L'engagement œcuménique de
l'Église catholique ". Je vous remercie très chaleureusement de votre
invitation, de votre accueil et de l'intérêt que vous portez à cet engagement.
Je suis bien conscient que cet intérêt n'est pas évident et que vous
avez invité pour la première fois un cardinal romain à votre réunion.
Ce fait montre à lui-même que la situation a changé et qu'une fraternité
nouvelle s'est instaurée entre les chrétiens. Ils sont hélas, encore
divisés, mais - grâce à Dieu - ils se sont engagés sur un chemin irréversible
et un pèlerinage commun vers l'unité.
Je me propose d'exposer neuf thèses sur la compréhension catholique
de l'engagement œcuménique. Avec le deuxième Concile du Vatican, je
pourrais dire, les neuf principes catholiques de l'œcuménisme.
1. L'Église catholique considère
le mouvement œcuménique comme l'œuvre de l'Esprit Saint. C'est pourquoi
l'option œcuménique du Deuxième Concile du Vatican est irrévocable.
Le fondement de cette thèse se trouve déjà au, point 1 du Décret sur
l'œcuménisme du Deuxième Concile du Vatican, là où il est dit que "
sous l'action de l'Esprit Saint est né un mouvement, qui s'amplifie
... de jour en jour ... en vue de rétablir l'unité de tous les Chrétiens
". Le Concile reprend cette idée de nouveau au point 4 : " En diverses
parties du monde, sous le souffle de la grâce de l'Esprit Saint, beaucoup
d'efforts s'accomplissent par la prière, la parole et l'action pour
arriver à la perfection de l'unité ".
Derrière le mouvement œcuménique il y a l'Esprit Saint, non pas l'esprit
du temps, ni celui du relativisme et de l'historicisme libéral, pour
qui les anciennes controverses ne sont plus de mode et ne sont donc
plus actuelles ; ce n'est pas non plus l'esprit du postmodernisme pluraliste
qui laisse purement et simplement côte à côte des doctrines et des Églises
différentes entre elles ; non, c'est l'Esprit Saint, dont la tâche,
selon le quatrième Évangile, est de nous rappeler les paroles et les
œuvres de Jésus. Le fait de nous avoir rappelé la volonté de Jésus,
que tous soient un (Jn 17,21), est donc un signe de l'action de l'Esprit
de Dieu dans notre temps.
Jésus-Christ voulait une Église. Il a dit (Mt 16, 18) : " Sur cette
pierre, je bâtirai mon Eglise " (au singulier !). La veille de sa mort,
il a prié pour " que tous soient un ... afin que le monde croie " (Jn
17, 21). L'unanimité était ainsi la marque de la première communauté
de Jérusalem (Ac 2, 43-46), C'est pourquoi Paul critique vivement les
scissions et les fractionnements au sein de la communauté de Corinthe
(l Co 1, 10-17). Il exhorte celle-ci à préserver l'unité de l'esprit.
Pour lui, ce qui compte, c'est : " un seul Seigneur, une seule foi,
un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous " (Ep 4, 3-6). Dans la
profession de foi apostolique qui nous est commune à tous, nous confessons
" una sancta ecclesia ". Cette profession de foi en une seule Eglise
est fondamentale et capitale ; elle correspond à la foi en un seul Dieu,
en un seul Seigneur Jésus-Christ, en un seul Esprit Saint. L'unité est
donc une catégorie fondamentale de l'Écriture Sainte.
Les divisions sont donc contraires à la volonté de Jésus. Ce sont des
péchés et, aux yeux du monde, elles sont un scandale. Nous ne devons
pas nous y résigner, ni les accepter comme allant de soi ou encore vouloir
les justifier théologiquement. Nous ne devons pas non plus les minimiser.
Les différentes Eglises et Communautés ecclésiales ne sont pas semblables
aux branches d'un seul et même arbre. Si nous voulons rester fidèles
à la prière de Jésus, la situation du christianisme ne doit pas nous
laisser de paix ; nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir
pour vaincre ces séparations.
C'est pourquoi l'œcuménisme n'est pas un complément facultatif de la
mission de l'Église ; il appartient à sa nature ainsi qu'à ce qui est
au cœur de sa mission pastorale. Ce n'est pas le hobby de quelques rares
spécialistes et enthousiastes ; il engage chaque Chrétien. Pour toutes
ces raisons, l'option œcuménique de l'Eglise catholique, comme le Pape
l'a souvent dit, est irrévocable et irréversible.
2. Le mouvement œcuménique
est une réponse de l'Esprit de Dieu aux " signes des temps ".
En jetant un regard rétrospectif sur le siècle qui finit, il nous faut
reconnaÎtre que ce fut un siècle sombre. Deux guerres mondiales et deux
dictatures totalitaires et brutales, avec des millions de morts, des
millions de personnes assassinées, des millions de déportés, des millions
de réfugiés, la destruction de nombreuses œuvres culturelles, beaucoup
des guerres locales. À présent, après la fin de la guerre froide, une
cassure grandissante entre peuples pauvres et peuples riches sous le
signe de la globalisation,un indifférentisme religieux diffus, en même
temps que l'apparition de nouvelles sectes et de courants fondamentalistes
allant jusqu'à un terrorisme teinté de religion.
Il y a toutefois un point lumineux dans ce siècle obscur : la naissance
du mouvement œcuménique. La séparation des Églises a déjà apporté d'innombrables
malheurs à l'humanité, surtout en Europe : guerres de religion, persécutions,
condamnations, inimitiés et aliénations jusqu'au sein des familles,
et bon nombre de familles en souffrent encore aujourd'hui.
Les divisions ont rendu le christianisme peu crédible aux yeux de beaucoup
de monde, elles ont sensiblement affaibli son rayonnement missionnaire
et contribué de manière décisive au processus de sécularisation dans
le monde occidental. Elles empêchent les Églises d'être des signes et
des témoins d'unité, de paix et de réconciliation. S'il est bien vrai
que la paix dans le monde présuppose la paix entre les religions, à
plus forte raison présuppose-t-elle la paix entre les Églises.
Il est intéressant de noter que le mouvement œcuménique a pris naissance
à la Conférence sur la mission à Lausanne en 1927. À cette occasion,
il était devenu clair pour les participants que les divisions du christianisme
constituaient un des obstacles majeurs à la mission dans le monde. Chez
nous, en Allemagne, I'œcuménisme a son origine, entre autres, dans les
champs de bataille de la Deuxième Guerre mondiale et dans les camps
de concentration sous le Troisième Reich. Dans ces camps, des chrétiens
catholiques et protestants, et aussi des juifs, se sont retrouvés côte
à côte ; dans leur résistance commune contre un régime inhumain et criminel,
ils découvraient leur profonde communauté, qui était plus grande que
tout ce qui les séparait.
À partir de ces expériences, il a été possible, au lendemain de la Deuxième
Guerre mondiale, de construire une théologie œcuménique. Des deux côtés,
d'éminents théologiens catholiques et protestants ont découvert les
richesses de l'autre ; ensemble ils ont lu l'Écriture Sainte et étudié
les Pères de l'Église. À travers ces échanges, ils ont approfondi et
enrichi leur propre foi et découvert qu'ils étaient beaucoup plus proches
les uns des autres qu'ils ne l'avaient jamais pensé. Il devenait toujours
plus clair que nous ne pouvons plus nous permettre de rester séparés.
Nous devons vaincre notre autosatisfaction confessionnelle pour que
l'Église puisse être signe et instrument crédibles de paix et de réconciliation
dans le monde.
3. Le fondement et le point
de départ de l'œcuménisme est ce qui nous unit : la profession de foi
commune en Dieu Un et Trine et en Jésus-Christ.
Dès l'Introduction du Décret sur l'œcuménisme, le Deuxième Concile du
Vatican cite la formule de base du Conseil œcuménique des Églises :
au mouvement œcuménique prennent part " ceux qui invoquent le Dieu Trinité
et confessent Jésus comme Seigneur et Sauveur ". Contrairement à l'ancienne
théologie de la controverse, le mouvement œcuménique part de ce qui
est commun et non plus de ce qui sépare ; on y partage la conviction
que ce que nous avons en commun est plus grand que ce qui nous sépare.
Aujourd'hui la ligne de séparation décisive ne passe pas entre chrétiens
catholiques et protestants, mais entre les chrétiens et les non chrétiens,
c'est-à-dire les indifférents du point de vue religieux.
Ainsi, devient claire également, la différence fondamentale qui existe
entre dialogue œcuménique et dialogue inter religieux. Certes, l'importance
et l'extrême actualité du dialogue inter religieux, surtout avec l'islam
en ce moment, est incontestable. Mais les fondements du dialogue œcuménique
et du dialogue interreligieux sont qualitativement différents. Le dialogue
œcuménique part de la profession commune de Jésus le Christ et a pour
but l'unité visible de l'Église ; dans le dialogue inter religieux nous
n'avons ni ce fondement commun christologique ni ce but d'unité. Ainsi
parler d'un macro œcuménisme prêterait à des malentendus et supprimerait
de cette façon la différence qualitative entre les deux formes de dialogue.
La foi en Jésus-Christ et au Dieu de Jésus-Christ vient du baptême commun.
Par le baptême - malgré toutes les différences existantes - nous sommes
comme St. Paul dit - membres du même Corps du Christ (1 Co 12,13). Il
existe donc une profonde et réelle solidarité, une profonde communion
(communio), bien qu'elle ne soit pas encore parfaite. Nous, êtres humains,
ne pouvons ni diviser ni détruire l'unité du Corps du Christ ; nous
avons pu l'amoindrir et lui infliger de profondes blessures, mais pas
la supprimer.
Les réformateurs étaient conscients de cette communion. Ils voulaient
non pas établir une autre et nouvelle Église, mais réformer l'Église
existante. Les symboles de foi témoignent eux aussi de cette communion.
Ils s'appuient sur les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament que
nous avons en commun ; aux symboles de foi appartiennent aussi les professions
de foi de l'Église primitive, qui nous sont communes, le Symbole des
apôtres et le Credo de Nicée-Constantinople. Bien entendu, le dogme
de Chalcédoine en Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme et la profession
de foi antidonatiste appartenaient également à cette base commune.
Le Concile a pris cette communion fondamentale comme point de départ.
Elle est pour nous jusqu'à aujourd'hui le fondement et la légitimation
de l'œcuménisme. Mais nous sommes peinés de constater qu'il existe dans
de nombreuses Communautés ecclésiales non catholiques un processus de
détérioration et de sape de cette base jusqu'à présent commune. Actuellement,
ce processus qui vide l'œcuménisme de sa substance profonde se retrouve
surtout dans la théologie du pluralisme religieux, selon laquelle Jésus-Christ
n'est pas le seul et unique médiateur de salut, dont témoigne le Nouveau
Testament, mais un médiateur parmi d'autres.
Contre cette thèse pluraliste, aujourd'hui largement répandue, s'est
élevée en tout premier lieu la déclaration " Dominus Iesus. Sur l'unicité
et l'universalité de la médiation salvifique de Jésus-Christ ", exprimant
ainsi une préoccupation non seulement catholique, mais chrétienne en
général. Car là où les conditions christologiques et théologiques trinitaires
ne sont plus claires, les présupposés fondamentaux de l'œcuménisme sont
remis en question. C'est également le cas, lorsque - à la différence
des réformateurs - le baptême n'est plus considéré comme condition pour
accéder à l'eucharistie.
Il est illusoire de penser que l'Église serait plus crédible et plus
convaincante pour nos contemporains si elle se débarrassait du poids,
soi-disant inutile, de la tradition. C'est le contraire qui est vrai.
La figure de l'Église apparaîtrait imprécise et floue. Elle serait semblable
à un navire dans la tempête, dont l'équipage jetterait la cargaison
par-dessus bord ; c'est alors que, privé de son poids propre, le bateau
deviendrait réellement le jouet des vagues.
4. Le mouvement œcuménique,
sur la base de la christologie biblique et de l'Eglise primitive, a
fait des progrès encourageants au cours des dernières décennies, en
particulier grâce à l'accord avec les luthériens sur des questions fondamentales
de la doctrine de la justification, et en général avec le réveil de
la fraternité chrétienne.
Dans les dernières décennies, le développement du mouvement œcuménique
ne s'est pas arrêté ; il a fait des progrès étonnants. La liste des
documents de consensus et de convergence est longue. Ils remplissent
déjà deux gros volumes intitulés " Documents sur une concordance croissante
".
Les documents - pour importants qu'ils soient en tant qu'instruments
d'une entente - ne sont toutefois pas l'essentiel. Plus importante est
la fraternité redécouverte entre les chrétiens et les Églises. Aujourd'hui,
les chrétiens ne se considèrent plus comme des ennemis ou des concurrents
; ils ne se sentent plus étrangers ni indifférents les uns envers les
autres. Ils ont découvert qu'ils sont frères et sœurs, ils agissent
ensemble de diverses manières, ils prient ensemble et se sont engagés
de concert sur le chemin du rapprochement œcuménique. Chacune des Églises
traditionnelles sait qu'il n'y a pas d'alternative à l'œcuménisme. Ainsi,
une nouvelle situation, un nouveau climat et un nouvel esprit sont nés,
qui étaient encore inimaginables, il y a un demi-siècle et pour lesquels
nous ne serons jamais assez reconnaissants.
Il me semble important que nous ne détruisions pas ce nouveau climat
par des polémiques publiques du jour ; Cela plait aux journalistes,
mais dans notre société indifférente et sécularisée cela ne sert ni
à l'un ni à l'autre, mais peut seulement nuire à tous les deux. Nous
ne devons pas compter sur des avantages à court terme ; il faut considérer
l'essentiel et le but commun, la fraternité de tous les Chrétiens. Aujourd'hui
aucune Église n'est plus majoritaire ; dans notre société moderne toutes
les Églises sont plus ou moins minoritaires et ont besoin les unes des
autres. Dans ce sens, les polémiques récentes ici en France n'étaient
pas favorables.
Parmi les nombreux documents œcuméniques, fruits du climat nouvel, il
en est deux qui ressortent particulièrement : l'un concerne l'entente
sur la christologie avec les anciennes Églises orientales, l'autre est
l'accord fondamental sur la doctrine de la justification avec les luthériens.
Je me limiterai ici au second de ces documents.
La signification de la " Déclaration conjointe sur la doctrine de la
justification " vient du fait que dans ce cas, il ne s'agit pas d'un
article de foi à côté d'autres, mais de l'objet central de l'Évangile
et du principal souci des réformateurs. Pour beaucoup de personnes,
les formules du XVIe siècle ne sont peut-être plus ou presque plus compréhensibles,
tandis que l '" objet " du message de la justification est toujours
d'actualité. Ce message de la justification n'est pas démodé, car il
représente pour ainsi dire le côté subjectif de la christologie ; il
s'agit-là de ce que signifie Jésus-Christ pour nous et pour moi.
La " Déclaration conjointe " est d'actualité pour une autre raison également.
Elle représente un accord fondamental, non pas un accord total ; un
accord fondamental permet à des différences résiduelles de subsister.
Dans ce sens, cet accord parle d'une unité dans la diversité et d'une
diversité dans l'unité, ou encore, comme on le dit souvent aujourd'hui,
d'une diversité réconciliée.
Ce résultat n'est pas resté sans suite ; au contraire, avec cet accord
les relations entre catholiques et luthériens ont acquis une qualité
et une intensité nouvelles. Les deux parties peuvent ensemble rendre
témoignage à ce qui est au cœur de l'Evangile dans un monde qui ne connaît
plus ou qui ne connaît pas encore Dieu ni rien de Jésus-Christ.
Pour ces raisons, la Fédération luthérienne mondiale et le Conseil pontifical
pour la promotion de l'unité des chrétiens ont, entre-temps, invité
l'Alliance réformée mondiale et le Conseil méthodiste mondial à examiner
la possibilité d'adhérer à l'accord luthérien-catholique et, le cas
échéant, d'étudier les modalités d'une adhésion. Ce serait un autre
pas œcuménique important ; la base œcuménique s'élargirait et nous serions
en mesure de témoigner ensemble de l '" objet " de notre foi. En plus,
nous pourrions mieux accomplir notre mission dans le monde. Car l'œcuménisme
n'est pas une fin en lui-même. Jésus a prié que tous soient un, afin
que le monde croie (Jn 17,21). C'est pourquoi je vous invite et vous
encourage de tout cœur à oser faire ce pas avec nous.
La Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification - comme
l'a dit le Pape Jean-Paul Il - a été une pierre milliaire. Ce terme
définit très bien son importance. Il signifie que nous avons conclu
une étape essentielle de notre chemin commun, mais nous n'avons pas
encore atteint le but final. De sérieuses questions subsistent, qui
sont clairement désignées dans la Déclaration. Quel doit être le prochain
objectif, et quel peut-il être ?
5. Après l'accord fondamental
sur la question centrale de l'Évangile, dans la prochaine étape, il
s'agira, avant tout, de l'Eglise comme signe et instrument de l'Évangile,
de la nature et de la mission de l'Eglise et des ministères dans l'Église.
Je sais que le thème de l'Église n'est pas du goût de tous ; on préfère
s'occuper tout de suite du monde et des problèmes du monde d'aujourd'hui,
surtout des problèmes de la justice et de la paix. Il y a là effectivement
des urgences. Et pourtant, c'est comme dans la parabole évangélique.
Celui qui veut faire la guerre doit d'abord savoir s'il est militairement
assez fort, et celui qui veut construire une tour doit d'abord savoir
s'il possède les moyens financiers nécessaires. Il en va de même de
notre question. Celui qui veut s'adresser au monde doit savoir s'il
est équipé en conséquence. L'Eglise est l'instrument pour " apporter
" l'Évangile aux hommes et au monde. Elle doit être une ville sur la
hauteur, la lumière d'une lampe. Sous bien des rapports, elle ne l'est
pas. Aussi faut-il choisir. Pas d'œcuménisme sans ouverture au monde,
mais pas non plus d'œcuménisme sans conversion ni renouvellement de
l'Eglise.
Il y a accord fondamental également sur l'ecclésiologie : pour nos deux
traditions, l'Église n'est pas seulement une entité sociologique. Selon
le Nouveau Testament, l'Église est le corps du Christ et le temple du
Saint Esprit. Dans notre Credo commun, nous parlons de l'Église sainte.
La véritable nature de l'Église - l'Église en tant que Corps du Christ
- est cachée, et elle n'est saisissable que par la foi. Mais cette nature
saisissable, uniquement par la foi, s'actualise sous des formes visibles
: dans la Parole proclamée, l'administration des sacrements, les ministères
et le service chrétien. Pour la Réforme, il s'agissait de renouveler
cet aspect visible, et c'est de cela qu'il s'agit encore aujourd'hui.
Sur ces éléments visibles de l'Eglise, nous avons des conceptions en
partie différentes ; elles concernent les sacrements, leur nature et
leur nombre, les ministères ecclésiaux, surtout le ministère épiscopal
dans la succession apostolique et le ministère pétrinien.
Dans ces questions traditionnellement controversées, il s'est aussi
passé beaucoup de choses au cours des dernières décennies. Je prends
comme exemple le débat sur le ministère pétrinien, où les controverses
et la polémique ont été particulièrement vives et où les différences
sont encore le plus nettement visibles. Cependant - à l'exception de
quelques sectes - aujourd'hui, en général, plus personne ne désigne
le Pape comme l'Antéchrist ; mais il y a encore aujourd'hui beaucoup
de préjugés et la tentation d'en tirer un profit très éphémère dans
le grand public. D'autre part beaucoup de chrétiens protestants reconnaissent,
eux aussi, qu'un ministère d'unité peut être utile et qu'il manque dans
les Eglises protestantes. Ils estiment toutefois que pour eux, la forme
dans laquelle le ministère d'unité est conçu et exercé dans le ministère
papal n'est pas acceptable. Nous sommes sans doute encore très loin
d'un accord sur ce point mais, la question est posée d'une manière plus
nette.
Dans cette nouvelle situation œcuménique, le Pape, dans l'encyclique
sur l'œcuménisme, " Ut unum sint " (1995), a lancé un appel à un dialogue
fraternel sur la façon dont le ministère pétrinien devrait être exercé
concrètement, aujourd'hui et à l'avenir. La forme actuelle s'est développée
au cours de l'histoire ; elle peut et elle doit continuer de se développer
en accueillant également les expériences des autres Eglises.
Nous avons reçu une multitude de réponses à la question du Pape le Conseil
pour l'unité les a rassemblées et analysées. Nous sommes certes encore
très loin d'une solution. Mais la plupart des Églises ont le sentiment
que c'est précisément dans un monde en voie de globalisation qu'il est
urgent d'avoir un ministère d'unité comme point de référence et comme
symbole de cette unité.
Pour cette raison, pour nous catholiques, le ministère épiscopal et
le ministère pétrinien sont des dons du Seigneur à son Église ; nous
en trouvons le fondement déjà dans le Nouveau Testament ; nous sommes
convaincus que ce qui est établi dans le Nouveau Testament s'est très
tôt imposé à l'Église par l'action de l'Esprit. C'est pourquoi nous
voulons introduire ces deux éléments sous une forme renouvelée dans
le mouvement œcuménique. Pour ce faire, il est nécessaire que de tous
les côtés nous soyons disposés à réorienter notre pensée. D'où notre
invitation à engager un dialogue patient sur ces questions.
6. Le but du mouvement œcuménique
est l'unité pleine et visible de l'Eglise, c'est-à-dire la pleine communion
ecclésiale dans une même foi, avec les mêmes sacrements et des ministères
réciproquement reconnus.
Pour cette thèse, j'ai intentionnellement donné au terme " unité " le
sens de " communion " (communio). C'est ce qui correspond à l'état actuel
de la théologie œcuménique. En effet, si l'on examine les nombreux documents
œcuméniques, on constate avec étonnement que tous tournent autour du
concept de communion.
Les documents œcuméniques recueillent ainsi un concept central du Nouveau
Testament et de la théologie patristique, de même que la formule " communio
sanctorum " du symbole des apôtres et l'idée de " communauté des croyants
" dont parlent les professions de foi réformatrices. De cette façon,
l'idée maîtresse du Deuxième Concile du Vatican a fini par s'imposer.
Nous sommes donc sur un terrain sûr, qui nous est commun à tous.
Mais que signifie " communion " ? Selon le Nouveau Testament, il ne
s'agit pas d'une réunion de chrétiens ou d'Églises pris individuellement.
Les exégètes sont d'accord pour dire que la signification fondamentale
du terme n'est pas " horizontale " mais verticale. Communio a le même
sens que participatio, c'est-à-dire participation commune à un bien,
ou encore communauté de biens. C'est ainsi que les Actes des Apôtres,
à propos des premiers chrétiens de Jérusalem, parlent de communauté
dans l'enseignement des apôtres, dans la fraction du pain, et de communauté
de leurs biens. Pour Paul, il s'agit de communion dans l'Évangile, en
Jésus-Christ et dans l'Esprit Saint. La Première Epître de Jean parle
d'une participation commune à la vie divine. Elle se fonde sur la participation
à la Parole et aux sacrements.
Il y a donc communion ecclésiale partout où des hommes et des femmes
sont réunis autour du Christ présent dans la Parole et dans les sacrements.
Elle existe dans toute Église locale ; l'Église locale n'est pas seulement
une section ou une province de l'Église, elle est Église dans le plein
sens du terme. Mais, elle n'est pas toute l'Église. Étant donné que
c'est le même Christ qui est présent dans chaque Église locale, et que
le Christ ne peut être divisé, aucune Église locale ne peut s'isoler
en une autosatisfaction. Au contraire, chaque Eglise locale est en communion
avec toutes les autres Eglises locales.
Cela veut dire que l'Église est toujours à la fois locale et universelle.
L'Eglise universelle ne naît donc pas de l'union d'Églises locales ;
elle est donnée avec l'existence à l'Église locale ; elle est donnée
antérieurement par l'unique Jésus-Christ. Cela correspond au témoignage
du Nouveau Testament, où ekklésia signifie à la fois Église locale et
Église universelle.
De ces constatations découlent des questions sur la position tant catholique
que protestante. L'Église catholique a le concept d'Eglise universelle
; mais elle a redécouvert et mis en évidence aussi le concept d'Église
locale pendant le Deuxième Concile du Vatican. Quant aux Églises protestantes,
elles sont organisées localement ou régionalement. Les structures universelles
(Fédération luthérienne mondiale, Conseil réformé mondial, etc.) n'existent
que depuis la fin du XIXe siècle ; ce ne sont toutefois pas plus des
Églises que ne l'est le " Conseil œcuménique des Églises " ; ce sont
des fédérations ou des alliances d'Eglises.
Dans les années 70 du XXe siècle, fut créée la Concorde de Leuenberg.
Elle laisse aux Églises locales leur autonomie et limite la communion
ecclésiale à la communauté de chaire et de sainte cène. Jusqu'à présent,
aucun synode commun n'a encore été possible. Il s'agit au fond d'un
modèle de statu quo, dans lequel on s'en tient à un passé devenu historique.
L'élan novateur de la Réforme, qui était pourtant tourné vers l'Église
universelle, semble être, en quelque sorte, amoindri et paralysé.
Ce concept d'Église confessionnelle de la communion ecclésiale ne correspond
pas non plus à l'approche des réformateurs eux-mêmes. Les Eglises protestantes
se trouvent donc devant un problème irrésolu ; elles n'ont toujours
pas trouvé de forme ecclésiale universelle. J'en viens ainsi à la question
cruciale : quel est le modèle catholique ?
7. L'Église catholique part
du principe qu'en elle subsiste l'Église de Jésus-Christ, c'est-à-dire
qu'elle y est concrètement présente et visible. Cela ne signifie pas
qu'en dehors de l'Eglise catholique il y a un vide ecclésiologique ;
on trouve d'importants éléments de l'Eglise de Jésus-Christ en dehors
d'elle également.
Cette doctrine conciliaire a été reprise dans la Déclaration " Dominus
Jesus " et traduite dans la formule selon laquelle les Églises de la
Réforme ne sont pas des Églises au sens propre. Cette déclaration a
suscité beaucoup d'irritation, elle a souvent été ressentie comme une
offense et interprétée comme un abandon du Deuxième Concile du Vatican.
Mais le texte doit être lu attentivement. Il ne dit pas : ce ne sont
pas des Eglises, mais : ce ne sont pas des Églises au sens propre, c'est-à-dire
au sens dans lequel l'Église catholique se conçoit elle-même comme Eglise.
Cela me semble incontestable. D'ailleurs, les autres Églises ne veulent
nullement être des Eglises dans le sens catholique du terme ; ce qu'on
entend par Église des deux côtés est différent. Alors que pour nous
le ministère épiscopal dans la succession apostolique et en communion
avec le ministère pétrinien font partie de l'être- Eglise, les Eglises
issues de la Réforme ne les reconnaissent pas comme des éléments constitutifs.
Selon la compréhension catholique, il leur manque donc quelque chose
pour être à proprement parler des Églises.
Cela ne signifie pas qu'en dehors de l'Eglise catholique il y a un vide
ecclésial. On y trouve des éléments essentiels de l'être-Église : l'annonce
de la Parole de Dieu et le baptême, la présence active de l'Esprit Saint,
foi, espérance et charité, des formes de sainteté jusqu'au martyre.
On peut parler d'une configuration différente de ces éléments ecclésiaux
constitutifs, d'Églises d'un autre genre ou d'un autre type. Dans ce
sens, la Déclaration " Dominus Jesus " dans sa substance n'est pas d'autre
chose qu'une répétition de la doctrine du Deuxième Concile du Vatican.
Dans la compréhension conciliaire, le chemin de la pleine unité n'est
plus indiqué comme un retour. Il ne s'agit pas d'un œcuménisme tourné
vers le passé, mais d'un œcuménisme tourné vers l'avenir. On entend
par là que l'unité ne se fera pas à travers la conversion de l'un à
l'autre, mais dans la pleine conversion de tous à Jésus-Christ. C'est
en lui seul que nous pouvons être pleinement unis , il est notre unité.
Concrètement, cet œcuménisme tourné vers l'avenir se réalise du fait
que nous apprenons les uns des autres. L'œcuménisme est un échange de
dons. Chaque Eglise apporte ses dons et ses richesses. Nous ne nous
rencontrons donc pas dans le plus petit dénominateur commun ; l'œcuménisme
n'est pas un processus d'appauvrissement, mais d'enrichissement mutuel.
Ainsi, par exemple, au cours des dernières décennies, l'Eglise catholique
a beaucoup appris de ses sœurs et frères protestants sur la signification
de la Parole de Dieu, l'Écriture Sainte et la proclamation de l'Evangile.
Cela nous a enrichis et nous en sommes reconnaissants. Actuellement,
de nombreux chrétiens protestants apprennent à connaître notre conception
des symboles sacramentels et de la liturgie et découvrent les points
forts du concept catholique de ministère pour la sauvegarde de l'intégrité
du message biblique et pour l'unité de l'Eglise.
La route vers l'unité pleine est probablement encore longue. Le choix
des modalités et des temps devrait être laissé à l'Esprit Saint, laissons-lui
toute latitude, il saura toujours nous surprendre. Nous ne pouvons pas
forcer l'unité nous devons faire ce qui est possible ici et maintenant.
Je sais, que beaucoup de chrétiens ne sont pas satisfaits avec cette
réponse. Leur désir ardent est la communion eucharistique déjà maintenant
et aujourd'hui. Demandons -nous donc : qu'est ce que la position catholique
?
8. Dans la compréhension catholique,
communion ecclésiale et communion eucharistique sont unies. Des solutions
pastorales différentes pour des situations particulières sont cependant
possibles.
Avec cette thèse, nous touchons l'un des points les plus sensibles du
dialogue œcuménique actuel et un malaise très largement répandu. Le
texte fondamental pour notre question est dans 1 Co 10, 16-17 : " La
coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas une communion
au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas une communion
au corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, nous sommes tous un
seul corps ; car tous nous participons à cet unique pain ". Selon ce
texte, communion eucharistique et communion ecclésiale vont ensemble.
La communion eucharistique n'est pas seulement la communion individuelle
avec le Christ ; elle n'est pas séparable de la communion ecclésiale.
La communion eucharistique fonde et détermine la communion ecclésiale.
Ce texte a eu de longues séquelles théologiques et historiques, qui
persistent encore aujourd'hui dans l'Église, tant en Orient qu'en Occident.
Pour l'histoire de la théologie occidentale, c'est surtout saint Augustin
qui fait autorité. C'est le Père de l'Église que nous avons en commun.
Il qualifie l'eucharistie de " sacramentum unitatis et vinculum caritatis
" (Jean 26, 6 ; 13). Ainsi, l'union entre communion eucharistique et
communion ecclésiale était jusque dans les années 70 un bien commun
de toutes les Églises, y compris celles de la Réforme. Jusque-là, les
Églises luthériennes et réformées n'avaient pas de communauté de sainte
cène. Ce n'est qu'avec la Concorde de Leuenberg de 1973 que cette situation
a changé.
La nouvelle position est assumée à l'aide de termes tels que : hospitalité
eucharistique, ou disponibilité à offrir cette hospitalité. Ce sont
des notions empruntées à la vie civile où elles ont une grande valeur.
Mais peut-on transférer ces notions civiles dans le domaine sacramentel
et théologique ?
Apparemment non, selon Paul ! Car pour Paul, dans le contexte du passage
cité de la Première Épître aux Corinthiens, ce qui importe c'est précisément
la distinction entre l'eucharistie et un repas ordinaire (1 Co 11, 17-22
; 34). Quant au mélange des deux niveaux, il dit : " Sur ce point, je
ne vous loue pas " (1 Co 11, 22). D'après Paul, celui qui participe
à l'unique pain et à l'unique coupe n'est pas un invité spécial, il
n'a pas le statut d'invité, il appartient à la famille, il est dans
la communion ecclésiale.
Donc, si l'on veut la communion eucharistique, on est obligé de poser
la question de la communion ecclésiale, tout au moins sous la forme
d'un dialogue ouvert. On ne peut donc pas d'une part revendiquer la
communion eucharistique - et donc en même temps la communion ecclésiale
- et d'autre part affirmer l'incompatibilité entre les concepts catholique
et protestant de communion ecclésiale. Les deux affirmations ne s'accordent
pas.
Le droit canon catholique emprunte un autre chemin pour régler des situations
particulières spécialement difficiles. Pour le droit canon, ce qui compte
c'est " Salus animarum suprema lex " (can. 1752). C'est ainsi que d'après
le droit canon, il existe des cas de situations particulières graves,
où la communion eucharistique est possible. Pour le droit canon, ces
cas se limitent strictement à des situations d'urgence physique individuelles.
Toutefois, dans le cadre des règlements de l'Eglise universelle, " eu
égard aux circonstances de temps, de lieux et de personnes, c'est l'autorité
épiscopale locale qui doit prudemment donner des instructions " (UR
8 ; cf. CIC can. 844 ~ 3 s. Directoire œcuménique, n° 130).
En général, cette marge d'appréciation n'est pas fixée de manière étroite.
Le Cardinal Christophe Schönborn, de Vienne, a rédigé ce qu'il appelle
un " manuel ". Il cite des critères concrets qui s'appliquent à des
situations particulières. On ne pourrait pas en faire une invitation
généralisée ni même l'étendre à l'ensemble d'un Congrès de l'Église
évangélique. Comme exemple de solution d'un cas particulier, il indique
celui d'un baptisé désireux de participer à l'eucharistie pour de sérieuses
raisons personnelles et qui, au terme de la prière eucharistique, dans
une foi sincère et avec toute l'assemblée, peut répondre 'Amen' à ce
qui est dit dans cette prière eucharistique et à ce qui advient pendant
la cérémonie, selon la profession de foi catholique.
Dans la prière eucharistique, il est question de la présence du corps
et du sang du Christ, de la communion avec Jésus-Christ, mais aussi
de la communion avec les saints, en particulier avec Marie, ainsi qu'avec
le Pape et l'évêque, dont les noms sont expressément désignés en signe
de la communion. Chaque eucharistie catholique est célébrée dans cette
communion entre l'Eglise céleste et l'Église terrestre concrète. Celui
qui dit oui avec foi à cette communion et le confirme par son 'Amen',
celui-là est dans la communion ecclésiale par son intime conviction
; au contraire, celui qui considère cette communion comme incompatible
avec sa propre profession de foi, ne peut, s'il est sincère, vouloir
y participer.
Avec ce genre de réponses, l'Église catholique veut prendre acte de
la situation œcuménique intermédiaire dans laquelle nous nous trouvons.
Par amour de la vérité, nous ne pouvons pas feindre d'avoir réalisé
la pleine unité ; nous sommes seulement en chemin vers elle. Alors,
que pouvons-nous faire ?
9. Dans la dernière Assemblée
plénière du Conseil pour l'unité, en novembre 2001, nous avons parlé
de la prochaine phase et avancé la thèse suivante : l'œcuménisme dans
la vérité et dans l'amour doit devenir davantage un œcuménisme de vie.
À l'avenir, l'œcuménisme devra certainement être toujours un œcuménisme
dans la vérité et dans l'amour. La vérité sans amour est dure et souvent
même rebutante ; mais l'amour sans vérité est vide, sans substance et
factice. De même que nous ne devons pas perdre de vue la vérité, nous
ne devons pas nous contenter d'échanger d'anodines amabilités. Dans
l'amour, nous devons supporter nos différences et essayer patiemment
de les surmonter. Pendant cette phase intermédiaire, l'œcuménisme de
la vie doit entrer dans l'œcuménisme de la vérité et de l'amour. Nous
ne nous sommes certes pas séparés dans des discussions, mais dans la
vie, et c'est pourquoi nous avons cessé de nous comprendre. Nous devons
de nouveau apprendre à vivre ensemble.
Nous pouvons décrire l'" ethos " propre à l'œcuménisme de vie de la
façon suivante : renoncement à toute forme de prosélytisme ouvert ou
camouflé, conscience de ce que toute décision prise dans notre Eglise
concerne également notre partenaire, guérison des blessures de notre
histoire par la purification de la mémoire, réception des résultats
de dialogues obtenus jusqu'à présent et souvent trop peu connus.
Concrètement, il est déjà possible aujourd'hui de faire plus que ce
qui est fait habituellement. Lecture en commun de la Bible, échange
d'expériences de spiritualité, recueil de textes liturgiques, différents
types de célébrations de la Parole en commun, (vêpres, célébrations
pour les jeunes, pour les femmes, etc.) ; meilleure compréhension de
notre tradition commune ainsi que des différences qui subsistent ; collaboration
dans la théologie, la mission, le témoignage culturel et social, dans
le domaine de l'aide au développement, la sauvegarde de la création,
l'utilisation des médias, etc. Dans tous ces domaines, un témoignage
commun est déjà possible aujourd'hui.
Le cœur de tout effort œcuménique est l'œcuménisme spirituel. L'unité
n'est pas notre œuvre ; nous ne pouvons pas la " faire " ; elle n'est
possible qu'en tant que don de l'Esprit de Dieu. C'est pourquoi nous
devons avant tout prier pour l'unité. De cet œcuménisme spirituel font
aussi partie les rencontres et les relations entre les communautés monastiques
et les congrégations ouvertes à l'œcuménisme, entre les nouveaux mouvements,
groupes et confréries.
Une attention particulière doit être accordée aux expériences et aux
manières de s'exprimer des femmes et des jeunes générations, avec la
fraîcheur de leurs vues et leur vitalité. Saint Benoît, dans la règle
de son ordre (chap. 3), a indiqué que l'abbé doit aussi écouter le plus
jeune des frères, " car le Seigneur révèle souvent ce qui est le mieux
à un plus jeune ". Nous avons besoin de l'imagination et de l'enthousiasme
de nos jeunes gens.
En conclusion, je voudrais reprendre la devise pleine d'espérance choisie
par le Pape pour le nouveau millénaire : " Duc in altum ! " " Avancez
en eau profonde ! ". Saint-Exupéry a observé que dans la navigation
maritime, le plus important n'est pas le bois utilisé pour construire
de bons navires, mais l'aspiration vers l'immensité de la mer. Ainsi,
le plus urgent dans la situation actuelle est de rompre l'autosatisfaction
confessionnelle et de tirer de sa léthargie l'aspiration vers l'immensité
et la plénitude de la vérité dans une plus grande communion œcuménique.
" Soyez donc pleins de l'espérance ! " " Considérez les signes du temps
" " Ne perdez pas la patience ! " " Soyez courageux et ayez confiance
! " C'est l'Esprit de Dieu même qui nous stimule. " Duc in altum ! "
" Avancez en eau profonde ! ".
(texte officiel)
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