06.04 - Un langage direct et sans nuances.
Dans un article sans nuances, le cardinal
Walter Kasper accuse l'Église orthodoxe russe de réagir "idéologiquement".
Le cardinal a l'habitude de parler clair. La Fédération
Protestante de France l'a entendu et remarqué sur les questions
oecuméniques lors de son Assemblée Générale.
Il en est de même dans l'article intitulé "Les racines théologiques
du conflit entre Moscou et Rome" que vient de publier la revue jésuite
italienne "Civiltà Cattolica" (mars 2002).
Le président du Conseil pontifical pour la promotion de l'Unité des
chrétiens analyse la réaction négative de l'Église orthodoxe russe après
la création de quatre diocèses catholiques en Russie. Reprochant à l'Église
russe de réagir "idéologiquement" en accusant Rome de volonté de prosélytisme
et d'inobservance du principe canonique territorial, il reprend point
par point les arguments habituels du patriarcat de Moscou.
Il y dénonce une "hérésie ecclésiologique" consistant à "ne pas reconnaître
à l'Église catholique sa dimension universelle et missionnaire au nom
d'un concept de prosélytisme indûment amplifié dans sa signification".
Tout en reconnaissant une certaine "cohérence" dans la position de l'Église
orthodoxe russe, il juge toutefois qu'elle ne lui permettra pas "d'affronter
l'avenir".
... "Il est devenu clair que, derrière le débat sur le principe du territoire
canonique et du prosélytisme, se cachent des argumentations de nature
substantiellement idéologique", affirme-t-il. Selon lui, le patriarcat
de Moscou "défend non seulement une réalité qui désormais n'existe plus,
mais aussi une relation entre l'Église et le peuple qui est problématique
sur le plan théologique".
Le fond de la controverse, poursuit-il, réside dans le fait qu'après
le concile Vatican II, l'Église catholique a accepté le principe de
la liberté religieuse, surmontant un débat très dur et douloureux en
son sein, alors que l'Église orthodoxe n'a pas encore accepté ce principe,
affirmation pour le moins exagérée.
Sur la question des diocèses, il explique que l'Eglise catholique
est une Eglise universelle qui "ne connaît pas le concept
de territoire canonique." Il n'y a pas d'Eglise nationale au sens
ethnique, culturel et politique du terme. "A Jérusalem et
à Constantinople, il peut y avoir en même temps plusieurs
patriarches, grec-orthodoxe, arménien ou latin. Cette question
est l'une des pierres d'achoppement entre l'Eglise catholique romaine
et l'ensemble des Eglises orthodoxes et non seulement Moscou.
D'ailleurs, fait-il remarquer, "l'Eglise orthodoxe russe elle-même
n'a pas hésité à ériger des diocèses
canoniques de plein exercice ou éparchies) dans l'Occident latin
qui n'appartient certainement pas à son territoire canonique",
au sens où l'Eglise de Moscou entend celui-ci pour la Russie.
Il ne manque pas de sévérité pour patriarche Alexis
II qui, à l'ouverture du sixième concile russe, le 13
décembre dernier, a osé dire :"L'orthodoxie russe
est profondément nationale."
Le cardinal Kasper engage son analyse sur les réalités
actuelles, plus sociologiques que canoniques et en tire les conclusions
théologiques. Après la longue période d'oppression communiste,
"l'Église orthodoxe russe se retrouve face au monde moderne pluraliste.
On comprend qu'elle soit encore à la recherche de sa place", ajoute
le cardinal, et "cela exige un peu de patience de notre part".
Mais tant que l'Église orthodoxe russe se cramponnera à ses "positions
idéologiques", "elle ne pourra pas entamer un dialogue constructif avec
la société moderne ni avec l'Église catholique. Sa position est certainement
cohérente en soi, mais elle n'est pas en mesure d'affronter l'avenir."
Cette affirmation est blessante, dédaigneuse et inexacte, d'autant
que la recherche théologique est du plus haut niveau, car les
théologiens orthodoxes russes avaient dû la mener ainsi
face au marxisme qui atteignait ses fidèles.
..." La réaction du patriarcat de Moscou, poursuit le cardinal
Kasper, peut aussi s'expliquer par le fait que ce dernier "ressent ses
propres faiblesses pastorales et évangélisatrices, craignant ainsi une
présence catholique essentiellement plus efficace au niveau pastoral,
bien que réduite au plan numérique". "Certains catholiques sont bien
sûr parfois trop zélés, mais on trouve ce genre de personnes aussi dans
l'Église orthodoxe, comme dans toutes les autres Églises", précise-t-il,
avant d'affirmer que les responsables du patriarcat de Moscou "feraient
mieux de reprendre le dialogue avec l'Église catholique et de sortir
de l'impasse dans laquelle ils se trouvent".
..." Les arguments qui défendent une réalité
russe, qui désormais n'existe plus, et une relation entre l'Eglise,
le peuple et la culture problématique sur le plan théologique
comme sur celui de la liberté de la personne, ne sont pas en
mesure d'affronter le futur."
A la lecture de ce texte, nous ne pouvons que souhaiter que les théologiens
catholiques qui sont en dialogue avec l'Orthodoxie, dans les différentes
commissions de dialogue, internationale ou nationale, nuancent ces affirmations
péremptoires et sans appel du président du Conseil pontifical
por l'Unité.
Pour plus d'informations : Service
orthodoxe de presse
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