13.07.02
- USA : L'Eglise orthodoxe en mutation.
Une étude sociologique, menée en collaboration avec les services administratifs
des différents diocèses orthodoxes des Etats-Unis, remet en cause le
nombre réel et l'évolution actuelle de l'identité des
fidèles orthodoxes d'Amérique.
Le nombre des orthodoxes aux États-Unis serait bien moins élevé que
les chiffres généralement avancés. Le plus souvent il était fait
état d'une population orthodoxe qui aurait compté entre deux et quatre
millions de fidèles. Or, cette étude aboutit à la conclusion que le
chiffre réel se situerait plutôt aux abords d'un million deux cent mille
pour toutes les Églises confondues, avec deux mille quatre cents paroisses.
Effectuée par Alexis Krindtach, chercheur à l'Institut de géographie
de Moscou, mandaté par "l'Association of Statisticians of American
Religious Bodies", cette étude révèle des écarts particulièrement
frappants dans le cas des deux juridictions les plus importantes sur
le continent nord-américain, l'archevêché grec relevant du patriarcat
oecuménique et l'Église orthodoxe en Amérique, qui dispose depuis 1971
du statut d'Église autocéphale, octroyée par Moscou.
L'archevêché relevant du patriarcat oecuménique
serait loin d'avoir deux millions de fidèles, comme plusieurs annuaires
l'affirment, mais seulement quatre cent quarante mille. Quant à l'Église
orthodoxe en Amérique, elle n'aurait pas un million de fidèles, mais
cent quinze mille. D'une manière générale, la surestimation statistique
des communautés orthodoxes serait due à la tendance des analystes à
assimiler tout membre d'un groupe ethnique à l'Église correspondante,
même après des changements d'appartenance religieuse, souvent intervenus
à la deuxième ou troisième génération.
Cette étude offre également des observations intéressantes sur
la démographie, qui tendent à montrer l'existence d'une orthodoxie à
deux vitesses. "Dans presque toutes les juridictions orthodoxes, les
nouveaux immigrants sont à peu près aussi importants pour la croissance
du nombre des fidèles que les descendants des précédentes vagues d'émigration
; dans nombre de cas, l'immigration reste la source principale de croissance
ecclésiale".
Les réflexes des fidèles issus des anciennes vagues d'émigration diffèrent
de ceux venus plus récemment sont différents : des communautés installées
depuis plusieurs générations tendront plus naturellement à s'intégrer
dans leur environnement tandis que des immigrants fraîchement débarqués
et ne maîtrisant peut-être ni la langue ni certaines pratiques de leur
société d'adoption, restent attachés à leur patriarcat
comme lieu où ils retrouvent leur identité d'origine.
Ainsi, certaines Églises conservent une identité ethnique beaucoup plus
forte, alors que d'autres connaissent un processus d'américanisation
plus net : elles utilisent beaucoup plus largement l'anglais comme langue
liturgique, montrent une assez grande ouverture aux convertis, et les
mariages avec des membres d'autres confessions chrétiennes y sont courants.
65 % des mariages célébrés au sein de l'archevêché grec sont des mariages
mixtes, et la proportion est équivalente du côté de l'Église orthodoxe
en Amérique. (80 % chez les orthodoxes antiochiens.
Longtemps considérées comme inséparables, les identités ethnique et
religieuse se différencient parmi les membres des deuxième, troisième
et quatrième générations, parlant l'anglais, vivant dans une société
très mobile, sans parler de ceux qui entrent dans la communion orthodoxe
après avoir été élevés dans d'autres traditions.
Outre l'immigration ou le renouvellement interne, un autre facteur important
de croissance est en effet représenté par les conversions. Parmi les
Églises orthodoxes, les convertis jouent un rôle essentiel dans la croissance
d'une entité telle que l'archevêché antiochien. Ils représentent environ
un tiers des nouveaux membres de l'Église orthodoxe en Amérique.
Quant à la langue des célébrations liturgiques, l'anglais domine à 90
% dans l'Église orthodoxe en Amérique, ainsi que dans l'archevêché antiochien.
Même dans l'archevêché grec, l'usage de l'anglais dans la liturgie est
évalué à 50 % environ. Ce n'est que chez les Serbes, les Bulgares, les
Roumains et certaines communautés d'origine russe que l'usage de la
langue liturgique d'origine reste pour le moment très nettement dominant.
L'étude ne manque pas de souligner le morcellement juridictionnel qui
rend le paysage orthodoxe américain très complexe. En raison de liens
étroits avec les Églises-mères, auxquelles elles sont restées attachées
sur le plan canonique, les communautés orthodoxes américaines ont été
directement affectées par l'histoire de leurs pays d'origine. Dans la
plupart des cas, les Églises des pays d'Europe centrale et orientale
ont été divisées en deux juridictions, voire parfois en trois, suivant
qu'elles acceptaient ou non le contrôle de l'Église-mère par les régimes
communistes de leur pays d'origine.
Pour exprimer l'unité de l'orthodoxie en dépit des divisions entre juridictions,
une Conférence permanente des évêques orthodoxes canoniques en Amérique
(SCOBA) a été mise en place en 1960, mais elle reste un "organisme consultatif",
qui est encore loin d'être en mesure de parler d'une même voix au nom
de l'Église orthodoxe aux États-Unis.
Enfin, les tendances vers l'"enracinement local" sont nettes, pour preuve
les demandes d'autonomie qui s'expriment actuellement dans les archevêchés
grec et antiochien des USA, par rapport à leurs patriarcats d'origine.
Pour plus d'informations : Service
orthodoxe de presse
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