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  La visite pastorale et le pèlerinage en Ukraine
    du pape Jean Paul II du 23 au 27 juin 2001


Les enjeux de ce voyage en Ukraine
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La signification des voyages du pape Jean Paul II
La signification du voyage en Ukraine.


Les enjeux du voyage en Ukraine sont multiples, car ce voyage vers l'Est de l'Europe tout en rappelant les grandes significations de tous ses voyages, y ajoute au moins trois nouvelles caractéristiques. En le conduisant sur une terre riche de multiples cultures, il retrouve une terre que sa patrie d'origine, la Pologne, a marquée au cours des siècles, comme on le voit à Lviv. - une terre où la tradition byzantine est devenue conflit entre l'Eglise romaine et l'Eglise orthodoxe. - une terre où les témoins de la foi sont, plus qu'ailleurs, un signe de l'Unité dans la fidélité au Christ.

I - LA SIGNIFICATION DES VOYAGES DU PAPE
La dynamique du dialogue - Désenclaver le Vatican - Une impulsion novatrice.


La dynamique du dialogue.

Pour cela, il a " joué sur plusieurs tableaux ", simultanément religieux et diplomatiques. Par les rencontres qu'il a mis sur pied et par les voyages qu'il a suscités, il a créé une "dynamique" qui dépasse les simples réunions de dialogue entre experts.

Il a mentionné cette perspective de la rencontre fraternelle, lors des réunions interreligieuses, en particulier à Assise, et dans de multiples interventions auprès des évêques venus en visite "ad limina", à Rome.

Il a bousculé les Juifs en venant dans leur synagogue, les musulmans en entrant dans une mosquée, les réformés, les orthodoxes gréco-byzantins et les orthodoxes orientaux.

Il force les inerties et oblige les dénominations religieuses à ré-étudier les questions fondamentales que sont la justification (luthériens), l'inter-religieux (l'Islam), le ministère pétrinien (les orthodoxes), la christologie (les Arméniens), la permanence de l'Alliance en Jésus-Christ (les juifs).

Désenclaver le Vatican.

Il a obligé les bureaux romains à penser " ailleurs " qu'à Rome. Il l'a maintes fois répété en recevant ses responsables des "Dicastères". Il a voulu désenclaver le Vatican et les services de la Curie romaine. Car la préparation des voyages, comme des pèlerinages, a provoqué simultanément des études historiques, théologiques, sociologiques, etc... en même temps que des déplacements des "romains", sur les lieux des voyages.

Pour cela, il a mis en place un personnel qui a quitté Rome et est venu sur place, pour préparer sa venue en Inde, en Amérique Latine, en Océanie et ailleurs, avec la nécessité, pour eux, de se mettre à l'écoute des Eglises locales et des réalités de chaque culture et de chaque "région" du globe.

Même dirigée par sa situation centralisatrice, cette mise en oeuvre devient une écoute qu'il traduit, dans le même temps par les synodes " continentaux " où les évêques résidentiels peuvent s'exprimer mieux que dans un synode romain.

Actuellement autour de lui s'est constitué un corps d'experts théologiens, sociologues, scientifiques, hommes de culture, etc … qui, dans le sens même de sa pensée, peuvent élaborer des documents multiples et solidement étayés.

Une impulsion novatrice.

L'impulsion qu'il a ainsi donnée vient de sa pensée claire, ouverte, étendue, qu'il peut confier à ces spécialistes, en toute confiance. Dans ces dernières années, il a marqué des insistances nouvelles, sans pour autant modifier l'essentiel.

C'est ainsi qu'il a donné place plus importante aux Eglises d'Orient, catholiques ou non, qu'il a élargi l'inculturation de l'Evangile à l'Amérique comme au continent africain, qu'il a marqué l'unité de l'Eglise, "Une par le sang des martyrs" (cf encyclique Ut unum sint).

En embrassant le sol de chaque pays, il identifie l'amour de l'Eglise à cette terre où vivent les hommes, faisant sienne l'unité entre l'Eglise et les nations. Ses voyages sont apostoliques. A Rome, c'est la visite de l'évêque de Rome. En Italie et dans les autres pays, sa volonté est de s'y rendre quelle que soit l'importance des communautés chrétiennes.

Et chaque fois qu'il le peut, durant ses voyages, il se rend sur les lieux de pèlerinage qui sont à ses yeux des lieux significatifs d'un ressourcement spirituel, comme il le fit en France auprès de saint Louis de Montfort ou du Curé d'Ars.

Il se met en droite ligne des voyages de saint Paul. Il ne veut pas s'arrêter aux signes politiques qu'ils peuvent avoir. Il les veut ecclésiaux. Ce ne sont pas des gestes de prise de possession, mais des rencontres de personnes, de frères. D'où l'erreur actuelle du patriarche russe qui reste encore enfermé dans son nationalisme possessif.

Il nuance jusque dans le choix des lieux des béatifications et des canonisations. Il canonisera les martyrs japonais à Manille parce que c'est delà que sont partis ces missionnaires. Et ce n'est pas en Espagne qu'il béatifiera les martyrs espagnols.

LE VOYAGE EN UKRAINE
"Les deux poumons" - Les martyrs - L'Eglise.


En plus de ces raisons, "habituelles" désormais, le voyage du pape Jean Paul II revêt quelques particularités significatives, qui renforcent le sens même de ses voyages précédents.

"Les deux poumons"


A une Eglise catholique trop occidentalisée, même si elle s'inculture partiellement dans les diverses régions des continents, il a souvent rappelé la nécessité de "respirer la Grâce" de Dieu selon la tradition des Pères de l'Eglise, tradition qui s'est conservée et se retrouve dans les Eglises orientales.

Il l'a souligné lors de son pèlerinage sur les pas de saint Paul. Là en Ukraine, il le vivra plus fortement encore, d'une part en raison de la présence majoritaire de l'Orthodoxie (comme en Grèce certes) et d'autre part en raison de la présence de l'Eglise gréco-catholique qui vit cette tradition (et qui n'existe pas en Grèce).

Son précédent voyage en Roumanie nous en avait donné déjà les premiers éléments.

Les martyrs et les témoins de la Foi.

En Ukraine plus qu'en Roumanie, les témoins de la Foi en Jésus-Christ sont des millions dans les deux Eglises. Dans sa lettre-encyclique, "Ut unum sint" en 1985, Jean Paul II avait déjà affirmé que ces témoins de la Foi sont non seulement le signe, mais la réalité fondamentale de l'Unité de l'Eglise. Il avait même alors décidé que les saints des Eglises non romaines seraient célébrés comme ceux inscrits au calendrier romain.

En Ukraine, par delà les divergences, il rappelle cette affirmation par les béatifications auxquelles il procédera les mercredi 26 et jeudi 27 juin à Lviv, en ayant pris soin de ne pas en faire à Kyïv, où l'Eglise catholique romaine est minoritaire.

L'Eglise.

C'est là sans aucun doute l'une des principales raisons de ce voyage. Il ne vient pas visiter une "Eglise nationale", au sens où le voudrait le patriarche de Moscou, Alexis II. Il n'y a pas une "terre orthodoxe" pas plus qu'il n'y a une "terre catholique". Ce ne sont pas les juridictions canoniques d'un patriarcat qui font l'Eglise, ce sont les communautés chrétiennes en communion avec leur évêque. L'Eglise est là où sont ses fidèles. Il ne vient pas faire du prosélytisme. Il vient les retrouver et les réconforter.

En se rendant sur des terres de tradition orientale, majoritairement orthodoxe, cette problématique connaît une acuité qui bouscule. Le patriarche oecuménique Bartholomée y avait fait allusion lors de sa récente visite en Sicile, terre où se sont épanouies côte à côte l'Orthodoxie et la Catholicité romaine.

Or en Ukraine les fidèles catholiques sont plusieurs millions qui se rattachent au Siège Romain de Pierre soit dans les diocèses latins, soit dans les diocèses gréco-catholiques, en communion avec Rome depuis 1596. Jean Paul II considère qu'il n'a pas besoin d'une autorisation pour les visiter. Par déférence et par fraternité ecclésiale, il a prévenu les responsables ukrainiens de l'Eglise Orthodoxe du patriarcat de Moscou de son intention de venir dans ce pays.

Ces "ingérences" des origines nationales dans les Eglises orthodoxes sont aussi douloureusement ressenties par elles. C'est une des questions qu'elles doivent résoudre en Amérique où divergent les Eglises locales qui restent rattachées à l'Eglise-Mère nationale et l'Eglise Orthodoxe d'Amérique, l'O.C.A. Curieusement, l'O.C.A. a été mise en place par le patriarcat de Moscou en 1970 avec la garantie canonique d'un spécialiste français, Mgr Pierre L'Huillier, archevêque orthodoxe de New York, après avoir été évêque à Paris dans la juridiction de Moscou. Le patriarcat oecuménique de Constantinople y voit d'ailleurs une difficulté dans ses relations avec la plus nombreuse Eglise Orthodoxe, celle de Russie.

En Ukraine, ce problème existe avec encore plus d'acuité car nous y trouvons : 1 - L'Eglise Ukrainienne Autocéphale des USA (dans la juridiction de Constantinople depuis 1995) et qui couvre plusieurs diocèses sur la terre ukrainienne ; 2 - L'Eglise Orthodoxe Autocéphale Ukrainienne du "patriarche de Kiev" Dymytrij (Yarema) ; 3 - L'Eglise Orthodoxe du Patriarcat de Kyïv, du "patriarche" Filaret (Denissenko) ; 4 - L'Eglise Orthodoxe d'Amérique et du Canada (dans la juridiction de Constantinople) ; 5 - et enfin l'Eglise Orthodoxe du Patriarcat de Moscou avec l'exarque, le métropolite Wladimir (Sobodan) qui fut un temps évêque de la juridiction de Moscou pour le diocèse de Cherson à Paris.

Le seul fait que Jean Paul II puisse rencontrer d'autres Eglises orthodoxes que la sienne porte ombrage au patriarche Alexis II qui entend maintenir l'Ukraine dans sa juridiction, malgré des courants qui dépassent l'autonomie actuellement accordée au métropolite Wolodymyr (Wladimir Sobodan). Le pape de Rome les rencontrera toutes ensemble, le dimanche 24 juin à 17h 15 lorsqu'il sera reçu par les représentants du "Conseil des Eglises et des organisations religieuses d´Ukraine" à la Philharmonie de Kiev.

Les questions de la restitution de telle ou telle église, de tel ou tel bâtiment, ne sont pas les questions fondamentales. Moscou, Contantinople et Rome le pensent.

La réconciliation devrait permettre l'espérance qui pourrait donc être engendrée par la foi vécue dans la charité.



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