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du 10 au 12 mai 2012 (semaine 19)
 

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12 mai 2012 - FSSPX
RÉPONSE DE Mgr BERNARD FELLAY AUX TROIS ÉVÊQUES DE LA FRATERNITÉ

Pour respecter toutes les nuances importantes et tous les sous-entendus de ces deux lettres, nous donnons ci-joint le texte intégral de la réponse du supérieur général de la FSSPX en réponse à la lettre des trois évêques de la Fraternité.

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Monseigneur Bernard FELLAY

A NN. SS. Tissier de Mallerais, Willamson et de Galarreta

Excellences

Votre lettre collective adressée aux mernbres du Conseil générai a retenu toute notre attention. Nous vous remercions pour votre sollicitude et votre charité.

Permettez-nous à notre tour, dans le même souci de charité et de justice de vous faire les observations qui suivent.

Tout d'abord la lettre mentionne bien la gravité de la crise qui secoue l'Eglise et analyse précisément la nature des erreurs anmbiantes qui pullulent.

Cependant la description est entachée de deux défauts par rapport à la réalité de l'Église : elle manque de surnaturel et en même temps elle manque de réalisme.

Elle manque de surnaturel.

A vous lire, on se demande sérieusement si vous croyez encore que cette Église dont le siège est à Rome est bien l'Église de Notre Seigneur Jesus Christ une Eglise, certes défigurée horriblement a planta pedis usque ad verticem capitis, mais une Église qui a, quand même et encore, pour chef Notre Seigneur Jésus-Christ.

On a l'impression que vous êtes tellement scandalisés que vous n'acceptez plus que cela pourrait encore être vrai. Pour vous, Benoît XVI est-il encore pape légitime ? S'il l'est, Jésus-Christ peut-il encore parler par sa bouche ?

Si le pape exprime une volonté légitime à notre sujet, qui est bonne, qui ne donne pas un ordre à l'encontre des commandements de Dieu, a-t-on le droit de renvoyer d'un revers de main cette volonté?

Et sinon sur quel principe vous basez-vous pour agir ainsi ? Ne croyez-vous pas que si Notre Seigneur nous commande, ii donnera aussi les moyens de continuer notre oeuvre ? Or te pape nous a fait savoir que la préoccupation de régler notre affaire pour le bien de l'Eglise était au coeur même de son pontificat, et aussi qu'il savait bien que ce serait plus facile, et pour lui et pour nous, de laisser la situatlon présente en l'état. Donc c'est bien une volonté arrêtée et juste qu'il exprime.

Avec l'attitude que vous préconisez. il n' y a plus de place ni pour les Gédéons, ni pour les David, ni pour ceux qui cornptent sur le secours du Seigneur. Vous nous reprochez d'être naïf ou d'avoir peur. mats c'est votre vision de l'Eglise qui est trop humaine et même fataliste; vous y voyez les dangers, les complots, les difficultés, vous ne voyez plus l'assistance de la grâce et du Saint-Esprit.

Si l'on veut bien accepter que la divine Providence conduit les affaires des hommes, tout en leur laissant leur liberté, il faut alors aussi accepter que les gestes de ces dernières années en notre faveur sont aussi sous sa gouverne.

Or ils indiquent une ligne, pas toute droite, mais clairement, en faveur de la Tradition. Pourquoi subitement celle-ci s'arrêterait, alors que nous faisons tout pour conserver notre fidélité et que nous accompagnons efforts d'une prière peu commune ?

Le Bon Dieu nous laisserait-il tomber au moment le plus crucial ? Cela n'a pas beaucoup de sens. Surtout que nous n'essayons pas de lui imposer une quelconque volonté propre, mais que nous essayons de scruter à travers les événements ce que Dieu veut, étant disposé à tout, comme il Lui plaira.

En même temps, elle manque de réalisme, et quant à l'intensité des erreurs et quant à leur amplitude.

Intensité : Dans la Fraternité, on est en train de faire des erreurs du concile des "super-hérésies". Cela devient comme le mal absolu, pire que tout, de la même manière que les libéraux ont dogmatisée ce concile pastoral. Les maux sont déjà suffisamment dramatiques pour qu'on ne les exagère pas davantage ( cf. Roberto de Mattei, une histoire jamais écrite. p. 22 - Mgr Ghérardini, un débat à ouvrir, p. 53, etc ...)

Il n'y a plus aucune distinction. Alors que Mgr Lefebvre a fait plusieurs fois les distinctions au sujet du libéral (1)

Ce manque de distinction conduit l'un ou l'autre d'entre vous à un durcissement "absolu". Cela est grave parce que cette caricature n'est plus dans la réalité et elle aboutira logiquement dans le futur à un vrai schisme.

Et peut-être bien que ce fait est l'un des arguments qui me pousse à ne plus tarder à répondre aux instances romaines.

Amplitude :

d'une part on fait endosser aux autorités présentes toutes les erreurs et tous les maux que l'on trouve dans l'Église en délaissant le fait qu'elles essaient, au moins en partie, de se dégager des plus graves d'entre elles (la condamnation de "l'herméneutique de la rupture" dénonce des erreurs bien réelles).

D'autre part on prétend que TOUS sont enracinés dans cette pertinacité ("tous modernistes", "tous pourris") Or cela est manifestement faux. Une grande majorité est toujours emportée dans le mouvement, mais pas tous.

Au point qu'à la question cruciale entre toutes, celle de la possibilité de survivre dans les conditions d'une reconnaissance de la Fraternité par Rome, nous n'arrivons pas à la même conclusion que vous.

Qu'il soit noté au passage que NOUS N'AVONS PAS CHERCHÉ un accord pratique. Cela est faux. Nous n'avons pas refusé à priori, comme vous le demandez, de considérer l'offre du pape. Pour le bien commun de la Fraternité, nous préférerions de loin la solution actuelle de statu quo intermédiaire, mais manifestement, Rome ne le tolère plus.

En soi, la solution de la Prélature personnelle proposée n'est pas un piège. Cela ressort tout d'abord de ce que la situation présente en avril 2012 est bien différente de celle de 1988.Prétendre que rien n'a changé est une erreur historique. Les mêmes maux font souffrir l'Église, les conséquences sont encore plus graves et manifestes qu'alors ; mais en même temps on peut constater un changement d'attitude dans l'Église, aidé par les gestes et actes de Benoît XVI envers la Tradition.

Ce mouvement nouveau, né il y a au moins une dizaine d'années, va se renforçant. Il touche bon nombre (encore une minorité) de jeunes prêtres, de séminaristes et même déjà un petit nombre de jeunes évêques qui se distinguent nettement de leurs prédécesseurs, qui nous disent leur sympathie et leur soutien, mais qui sont encore passablement étouffés par la ligne dominante dans la hiérarchie en faveur de Vatican II.

Cette hiérarchie est en perte de vitesse.

Cela est objectif et montre qu'il n'est plus illusoire de considérer un combat "intra muros", dont nous sommes bien conscients de la dureté et difficulté. J'ai pu constater à Rome combien le discours sur les gloires de Vatican II, que l'on va nous ressasser, s'il est encore dans les bouches de beaucoup, n'est cependant plus dans toutes les têtes. De moins en moins y croient.

Cette situation concrète, avec la solution canonique qui est proposée, est bien différente de elle de 1988. Et quand nous comparons les arguments que Mgr Lefebvre avait donné à l'époque, nous concluons qu'il n'aurait pas hésité à accepter ce qui nous est proposé.

Ne perdons pas le sens de l'Église, qui était si fort chez notre vénéré fondateur.

L'histoire de l'Église montre que la guérison des maux qui la frappent se fait de manière habituelle graduellement, lentement. Et quand un problème est terminé, c'en est un autre qui commence ... oportet haereses esse. Prétendre attendre que tout soit réglé pour arriver à ce que vous appelez un accord pratique n'est pas réaliste. Il est bien probable, à voir comment se déroulent les choses, que la fin de cette crise prendra encore des dizaines d'années. Mais de refuser de travailler dans le champ parce qu'il s'y trouve encore de la mauvaise herbe qui risque d'étouffer, de gêner la bonne herbe, trouve une curieuse leçon biblique : c'est Notre-Seigneur lui-même qui nous fait comprendre avec sa parabole de l'ivraie qu'il y aura toujours, sous une forme ou une autre, de la mauvaise herbe à arracher et à combattre dans son Église ...

Vous ne pouvez pas savoir combien votre attitude ces dernires mois -bien différente pour chacun d'entre vous- a été dure pour nous. Elle a empêché le supérieur général de vous communiquer et de faire partager ces grands soucis, auxquels il vous aurait si volontiers associés, s'il ne s'était pas trouvé devant une incompréhension si forte et passionnée. Combien il aurait aimé pouvoir compter sur vous, sur vos conseils pour soutenir cette passe si délicate de notre histoire. C'est une grande épreuve, peut-être la plus grande, de tout son supériorat.

Notre Fondateur vénéré a donné aux évêques de la Fraternité une charge et des devoirs précis. Il a bien montré que le principe qui fait l'unité dans notre société, c'est le Supérieur Général. Mais, depuis un certain temps déjà, vous essayez -chacun de manière différente- de lui imposer votre point de vue, même sous formes de menaces et même publiquement. Cette dialectique entre vérité/foi et autorité est contraire à l'esprit sacerdotal. Au moins aurait-il espéré que vous essayiez de comprendre les arguments qui le poussent à agir comme il a agi ces dernières années, selon la volonté de la divine providence.

Nous prions bien pour chacun d'entre vous, pour que dans ce combat qui est loin d'être terminé nous nous retrouvions tous ensemble, pour la plus grande gloire de Dieu et pour l'amour de notre chère Fraternité.

Daigne Notre-Seigneur ressuscité et Notre-Dame vous protéger et vous bénir.

Menzingen, le 14 avril 2012

+ Bernard Fellay
Niklaus Pfluger +
Alain-Marc Nély +

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(1) - Ce n'est pas parce qu'un pape est libéral qu'il n'existe pas... Nous devons rester dans une ligne ferme et ne pas nous égarer, au cours de ces difficultés dans lesquelles nous vivons.
On serait tenté, justement, par des solutions extrêmes, et de dire : 'non, non, le pape n'est pas seulement libéral, le pape est hérétique. Le pape est peut-être probablement plus qu'hérétique et par conséquent qu'il est nécessairement hors de l'Église. Il faut savoir faire les distinctions nécessaires. Ceci est très important pour rester dans une voie sûre, pour rester dans l'Église. Sinon, où irions-nous ? Il n'y a plus de pape, il n'y a plus de cardinaux, parce que si le pape n'était pas pape quand il a nommé les cardinaux, ces cardinaux ne peuvent plus nommer de pape puisqu'ils ne sont pas cardinaux. Et alors ? C'est un ange du Ciel qui va nous apporter un pape ? C'est absurde ! Et pas seulement absurde, dangereux ! Parce que nous serons conduits, peut-être, à des solutions qui sont vraiment schismatiques." (conférence à Angers. 1980) voir aussi Fideliter. N° 57. p. 17 sur la mesure à garder.

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(source : AP)

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