Septembre : Le
patrimoine spirituel européen
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Peut-on nier l'héritage religieux de l'Europe ?
Le 15 octobre 2000, Mgr Hippolyte Simon,
évêque de Cermont-Ferrand s'adressait ainsi aux fidèles
chrétiens de son diocèse dans son bulletin diocésain,
un texte qui doit dépasser les frontières de l'Auvergne.
L'Union européenne prépare actuellement une Charte des Droits fondamentaux.
C'est un texte important, qui peut engager l'avenir de tous les Européens,
et donc le nôtre. Il doit être adopté lors du Sommet européen de Nice,
au mois de décembre, sous présidence française.
La version du projet en date du 14 septembre 2000, comportait un préambule
dont le 2e alinéa disait ceci : "S'inspirant de son héritage culturel,
humaniste et religieux, l'Union se fonde sur les principes indivisibles
et universels de la dignité de la personne, de la liberté, de l'égalité
et de la solidarité : elle repose sur les principes de démocratie et
de l'État de Droit".
Or, selon une dépêche de l'Agence Europe (du 22 septembre 2000) : «
Le Premier Ministre français Lionel Jospin a téléphoné à Roman Herzog,
en lui rappelant que la France est une "République laïque" et que la
référence à l'héritage religieux de l'Union européenne est "inacceptable"
pour elle".
J'avoue ne pas bien comprendre les motifs de cette intervention car
je ne vois pas où se situe la contradiction entre le fait que la République
française soit laïque et le fait de reconnaître que l'Europe bénéficie
d'un héritage religieux. La laïcité, que je sache, n'est pas la négation
du fait religieux. On cite souvent la Loi de 1905, en son article 2
: "La République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte",
mais on oublie souvent l'article 1 : "La République assure la liberté
de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les restrictions
dues à l'ordre public". Et on oublie encore plus souvent l'article 4
: "... Ces associations (appelées à gérer les biens) devront se conformer
aux règles générales des cultes dont elles se proposent d'assurer l'exercice...".
Autrement dit, on confond généralement la non-reconnaissance juridique,
qui signifie que l'État ne confère plus de statut officiel à aucune
religion, et la non-reconnaissance "existentielle", si je puis dire,
qui signifierait que l'État ignore totalement les différentes confessions
religieuses.
L'expression : "l'héritage culturel, humaniste et religieux" ne me paraît
pas restrictive. Elle permet aux agnostiques et aux croyants de se retrouver.
Elle fait droit aussi à toutes les traditions religieuses : juive, chrétienne
et musulmane, sans oublier nos racines païennes, grecque, romaine, celte
ou germanique. Après tout, un héritage est un héritage. Dans le cas
de l'Europe, pour peu que l'on regarde son histoire, il est difficile
d'en nier la composante religieuse. On peut évidemment l'accepter "sous
bénéfice d'inventaire", mais il me paraîtrait absurde d'en nier l'existence.
À vouloir rayer d'un trait de plume toute la dimension religieuse de
notre héritage européen, on s'interdit de penser, non seulement le passé,
mais aussi le présent et l'avenir de l'Europe. Ni la culture ni la religion,
contrairement à un slogan français, ne relèvent de la seule sphère du
privé. Entre le public et le privé, il existe justement ce que les Allemands
appellent la BurgerGesellschaft, non pas la société "bourgeoise", mais
la "société civile", le domaine de la libre adhésion et de la libre
initiative des personnes.
Je ne crois pas qu'il soit sain de nier ou de refouler l'héritage religieux
de l'Europe. J'espère qu'il est encore temps pour en réintroduire la
mention dans la Charte. Sinon, à refouler ainsi le religieux, ne court-on
pas le risque de le voir revenir, un jour, sous des formes régressives,
intégristes et/ou nationalistes ?
Texte sur le site de la conférence
des évêques de France.
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