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FlashPress - Infocatho
du 4 au 27 octobre 2009
 


LE SYNODE POUR L'AFRIQUE
du 4 au 25 octobre 2009

     
7 - Les défis de la société africaine
Il n'y a pas que des tragédies
 

" Les médias défendent l'idée qu'Afrique veut dire tragédie", s'insurge l'archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengwo Pasinya. "Ce n'est pas vrai ! Les médias ont la grande responsabilité d'informer de manière équilibrée, mais surtout en respectant la vérité afin que l'on puisse se rendre compte de ce qui se passe... Ils ne diffusent que les « tragédies » qui touchent l'Afrique, sans jamais voir le « positif »."

Dans la perspective du synode pour l'Afrique , il a souhaité, dans une interview diffusée le 4 mars dans L'Osservatore Romano, que la « question brûlante » de la « réconciliation » y soit abordée.

Pour l'archevêque congolais," l'Afrique n'est pas seulement le désordre ! Il y a des conflits, c'est vrai, mais beaucoup de régions vivent en paix"." Il s'agit alors de regarder les journaux non seulement pour ses tragédies mais aussi en positif.".

" C'est un continent oublié des médias, de la politique, du pouvoir économique", a regretté Mgr Monsengwo. " Il ne suscite plus l'intérêt de notre époque, d'autant qu'aujourd'hui, la crise économique finit de marginaliser et d'affaiblir encore plus l'Afrique.
"

Il a tenu à souligner l'actualité du thème choisi par Benoît XVI et les évêques qu'est "la question brûlante à affronter durant le deuxième synode africain : trouver ensemble les routes qui mènent à la paix, à la justice, à la réconciliation".

"Ensemble d'abord et non pas seulement en raison de la présence des forces armées étrangères, même si elles sont internationales.
 Il n'y a pas d'alternative, il faut une véritable réconciliation, qui advienne dans le respect de la justice et du droit et garantisse une paix durable », a-t-il poursuivi."

" Dans le cadre de l'Afrique, malheureusement, il y a beaucoup de conflits. Non seulement armés mais aussi de nature économique", a-t-il ajouté.

"
Là où il y a la guerre, il y a un authentique besoin de réconciliation, de paix, de justice. Il ne s'agit pas seulement de faire taire les armes. Il faut une paix de l'esprit et du coeur." (source : Osservatore romano)

Des conflits qui s'apaisent

Certes, il y a en République démocratique du Congo les conflits du Kivu, il y a les tensions au Darfour et celles en Somalie avec les pays voisin.

Mais l'Angola a retrouvé la paix civile après 27 ans de tragédie. Quatre conflits sont également en cours de résolution, souvent inspirée par l'expérience de la Commission "Vérité et Réconciliation" initiée en Afrique du Sud.

Le Liberia : après vingt cinq ans de guerre civile et de coups d’État, la première république indépendante d’Afrique a atteint une certaine stabilité. Une commission Vérité et Réconciliation a été établie. La présidente Ellen Johnson Sirleaf, élue en 2005, bénéficie de la confiance des bailleurs de fonds internationaux.

Elle a renégocié certains contrats conclus par son prédécesseur, Charles Taylor. Ce dernier est détenu depuis 2006 à La Haye, où un tribunal international le poursuit pour des crimes contre l’humanité commis en Sierra Leone.

Sierra Leone : ravagée de 1991 à 2002 par une guerre civile dont l’objet était le contrôle des zones diamantifères, la Sierra Leone vit désormais en paix. Les embargos de l’ONU ont été supprimés et les casques bleus ont quitté le pays fin 2005.

Des chantiers énormes restent ouverts pour améliorer les conditions de vie de la population et moraliser la vie publique.

La Côte d’Ivoire tourne la page de la crise de septembre 2002. Les derniers accords de paix, signés sous l’égide du Burkina Faso, ont permis au pays de progresser dans la voie du désarmement et de l’organisation d’élections. L’ONU et la France ont récemment diminué le nombre de leurs soldats.

Le Burundi, au cœur des Grands Lacs, a vécu à partir de 1993 une guerre civile cruelle à base ethnique, avant de retrouver progressivement la stabilité.

À la différence du Rwanda, le Burundi a fait le choix d’un rééquilibrage entre ethnies au sein de l’appareil d’État. Le président, Pierre Nkurunziza, un ancien chef rebelle, a été élu en 2005. La dernière rébellion active, les Forces nationales de libération (FNL), et l’État burundais sont liés par un fragile accord de cessez-le-feu signé le 7 septembre 2006.

Malheureusement, d'autres foyers de conflits apparaissent comme en
Guinée en septembre.


 
L'évolution d'une société de la case à la mégapole
L'Afrique ne vit plus dans des cases en paille mais, de plus en plus, dans des cabanes de bidonvilles.

En 1900, elle était le continent le moins urbanisé. 3% seulement de la population y vivait en ville, contre 9% pour l'ensemble des pays en développement. Entre 1950 et 2000, sa croissance urbaine a été de 4,4%, l'Amérique latine ne suivant qu'avec 3,5% et l'Asie avec 3,4% aboutissant à multiplier par onze le nombre de ses citadins.

En 2003, ils sont devenus majoritaires avec 55% de la population, achevant ainsi le rattrapage urbain de l'Afrique par rapport au reste du monde. Entre 1950 et 1970, l'exode rural a été la principale source de la croissance urbaine, les deux tiers des nouveaux citadins venant des campagnes, la proportion de la population au-dessous du seuil de la pauvreté y étant, en moyenne, trois fois moins élevée que dans les villages et, à l'inverse, les chances d'accès aux principaux services publics (eau, électricité, soins dans santé) trois fois plus grandes.

Ce choix a perdu sa rationalité dans les années 1980, quand les habitants des villes africaines ont commencé à payer le prix fort de la pression migratoire - qui, depuis, a fortement diminué. Leurs revenus, auparavant bien supérieurs à ceux des ruraux, ont été laminés.

À cette paupérisation s'est ajoutée une forte dégradation de l'environnement des citadins, qui vivent de plus en plus dans des bidonvilles et dans l'insalubrité. Une classe sociale est née, administrative, minière ou commerciale, en relation avec les États-Unis et l'Europe, avec le Brésil, pour les pays lusophones, et désormais avec la Chine envahissante

En 2025, désormais essentiellement du fait de leur croissance propre, les villes africaines devront abriter environ 600 millions de personnes, contre 209 en 2000 et 19 millions en 1950.
La transmission culturelle et les racines d'une civilisation
De nos jours, s’il n’est plus possible d’observer une société africaine fonctionnant exclusivement sur le modèle tradiionnel,on ne rencontre pas non plus de société radicalement transformée comportant aucun élément de ses fondements traditionnels.

En effet, en Afrique, l’adolescent doit encore se déterminer par rapport à sa culture d’origine que certaines méthodes éducatives peuvent pérenniser au sein de la famille et aux exigences d’une modernité aux contours souvent mal définis. L’environnement socio-familial de la majorité des adolescents des villes africaines se caractérise aujoud'hui par l’oscillation plus ou moins réussie entre ces deux pôles référentiels.
LA CELLULE FAMILIALE

Traditionnellement en Afrique noire d’une manière général e,le droit coutumier s’organise autour d’un référent quasi religieux : le Père, au sens de représentant des ancêtres.

A ce titre et ce encore de nos jours dans beaucoup de régions, il est comme d’essence divine, il est craint, intouchable. Il avait même droit de vie et de mort sur ses enfants et son entourage.

Cette considération et ce respect accordés aux aînés, aux anciens et aux personnes âgées en général est l'un des traits dominants des sociétés africaines.

Les rapports entre les individus consistent souvent en devoirs et obligations : partage, tolérance, dignité, solidarité, soumission.

Le droit coutumier est transmis et exercé de façon orale par les chefs de village (auxiliaires de l’administration) assistés d’un conseil de notables dont l’intégrité et la probité morale sont reconnues de tous.

Malheureusement l'introduction des moeurs occidentales a dénaturé cette culture comme le soulignait récemment l'archevêque de Kinshasa : "les défis issus de la mondialisation sont alors : " l'oubli du bien commun, les comportements sociaux guidés par des logiques de marché, la destruction de modèles de vie transmis par la famille, l'école et la paroisse ainsi que l'exaltation de l'individualisme."








  Selon les coutumes ancestrales, l'enfant n'appartenait pas à ses géniteurs, mais au lignage, à la communauté

Ainsi, le sevrage marque sa prise en charge par le reste du groupe familial, la fratrie, les grands-parents,les cousins et les cousines, mais aussi,tout adulte de la communauté et de la génération des parents.

Cette prise en charge collective se fait sur la base du principe de deux espaces : à l’intérieur de la maison où règne le père, et à l’extérieur de la maison où les enfants sont sous la sur-
veillance de tous les adultes».

Dans ce système éducatif, une certaine logique privilégie la parenté sociale et prend le pas sur la parenté biologique. En effet, on n’est pas le fils de tel ou tel, mais de tous ceux de la génération du père et de la mère.
De l'alphabétisation à la recherche universitaire

Selon des projections partielles, en 2015, il y aura encore environ 29 millions de jeunes non scolarisés, une estimation à considérer comme optimiste parce qu'elle ne considère pas des pays en proie à de violents conflits, comme la République Démocratique du Congo ou le Soudan.

Un autre problème concerne le recrutement des enseignants : uniquement pour l’Afrique subsaharienne il en faudrait 3,8 millions d’ici à 2015.

Enfin, il est révélé que sont analphabètes les deux tiers des femmes.

L'effort et l'humble ténacité des congrégations religieuses dans ces domaines ne peuvent faire face à l'ampleur de cette question.

Pour intervenir de manière significative, il faut des ressources. Les engagements actuels internationaux– sans compter l’explosion de la crise économique mondiale – font craindre un déficit qui aura des conséquences négatives pour l’Afrique.

Dans le même temps, l'Afrique poursuit sa présence dans le monde universitaire et dans le monde de la recherche.

L'étude réalisée par les bureaux régionaux de l'Unesco donne quelques perspectives positives du développement de l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne.

L'Église catholique prend part à ce développement d'avenir. Par exemple
l'Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) fondée en 1989 par l'Association des Conférences Episcopales de la Région d'Afrique Centrale (ACERAC) pour les pays suivants : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad.

L'Institut Catholique de Yaoundé fondée en 1991 est la première réalisation de cette institution universitaire à caractère régional et se veut un lieu d’études des transformations qui affectent le devenir de l’humanité, et plus spécialement sur le continent africain. Elle compte aujourd’hui plus de 1 573 étudiants.


Dans le cadre de l'inculturation de l'Évangile en terre africaine, l'Université catholique de l'Ouest conduit toute une étude sur l'Église-Famille à partir des expériences chrétiennes des Églises d'Afrique. Son "chef-de-file" est le P. Houngbedi, béninois résidant en Côte d'Ivoire."

Au prisme de certaines cultures africaines, l’écoute et la mise en pratique du fondement de la vraie famille de Dieu conduit à une inculturation qui retrouve les rapports africains de type identitaire à des relations de fraternité qui les ouvrent aux dimensions universelles.



campus de l'université catholique d'Ekounou (Cameroun)
 

Les hémorragies de l'Afrique

Siècle après siècle, en plus de la pauvreté générée par des conditions climatiques ou par l'aridité des sols, l'Afrique a connu des tragédies qui ont marqué les hommes et les femmes de ces pays jadis et d'autres contemporaines. Tragédies multiples comme la traite vers un esclavage en d'autres lieux, conflits ethniques, exploitation des richesses minières ou des forêts, émigration à l'intérieur ou vers d'autres continents.
LA TRAITE DES NOIRS ET LES DÉPORTATIONS

"La traite des Noirs a connu quatre grands courants de déportation des Africains hors du continent.

Le courant trans-saharien, vers le nord et le nord-est de l'Afrique, dura jusqu'au dernier tiers du XIXème siècle.

Formé au VIIIe siècle avec l'expansion islamique, le deuxième courant installa sur la côte orientale d'Afrique principalement Zanzibar, jusqu'au XIXe siècle.

Beaucoup plus brève - quatre siècles et demi - la traite des Noirs à travers l'Atlantique constitua la plus lourde ponction sur les populations de l'Afrique noire.

Enfin, une " traite intérieure " nourrit un esclavage "domestique "

Les historiens s'accordent ces chiffres : la traite transsaharienne aurait déporté 5 300 000 de personnes, la traite par la mer Rouge et la côte orientale, 2 900 000 ; la traite par l'Atlantique, 11 700 000. Il n'est pas possible d'estimer le chiffre de la traite intérieure.





LES CONFLITS ARMÉS

Nous ne pouvons en donner une liste exhaustive. Ni tout évoquer : les massacres, les millions de réfugiés, les enfants-soldats.

En 2004, une agence spécialisée sur l'Afrique constatait : "Aujourd’hui en Afrique, quatorze pays sont en guerre ou vivent une situation précaire d’après-guerre ou, encore, sont embourbés dans un contexte qui, s’il n’est pas celui de guerre, peut malheureusement en constituer l’étape préliminaire.

" En Afrique de l'Ouest, Guinée-Conakry, le Liberia, le Nigeria et la Sierra Leone ; en Afrique de l’Est, l’Erythrée, l’Ethiopie, la Somalie, le Soudan et l’Ouganda ; en Afrique centrale, le Burundi, la République démocratique du Congo et le Rwanda ; enfin en Afrique australe, l’Angola et le Zimbabwe. "

" Depuis le début des années 90, la plupart des conflits et guerres opposent les populations ou une partie des populations à leurs gouvernants. Autrement dit, il s’agit de conflits internes ou de guerres civiles. Parfois elles sont soutenus par des pays étrangers ou des organisations de toutes sortes."

" Une fois la guerre éclatée, elle est d’une violence inouïe et d’une inhumanité inqualifiable." (source : Multipol)

L'ÉMIGRATION

Parmi les menaces émanant du continent, les risques sanitaires ne sont pas à passer sous silence. Le SIDA cause des ravages, mais aussi des épidémies nombreuses comme le choléra récemment.

Les flux migratoires figurent en premier lieu. Or, la « mobilité sous contrainte » de l'Afrique, qui compte environ 40 millions de migrants, s'exerce essentiellement à l'intérieur du continent, par exemple vers des pays comme la Côte d'Ivoire, qui compte quatre fois plus d'immigrés que la France.

Plus de 150.000 ressortissants d'Afrique subsaharienne candidats à l'immigration clandestine vers l'Europe, se trouvaient actuellement "en détresse" au Niger, au Mali, en Mauritanie, en Algérie et au Maroc, a affirmé le 6 novembre 2008 une ONG italienne oeuvrant dans le domaine de l'immigration.

L'Espagne comme l'Italie sont des lieux de passage en raison de la proximité de leurs côtes. L'île italienne de Lampedusa n'a plus la capacité de les recevoir.









LE PILLAGE DES RICHESSES

L’Afrique est riche, mais les Africains sont très pauvres. Le continent possède un tiers des réserves minérales de la planète, mais elles sont pillées. Une déforestation inouïe détruit ses forêts aux bois exotiques.

L'archevêque de Kinshasa, Mgr Laurent Monsengo, déclarait récemment à l'Osservatore romano : " C’est un trésor, mais il ne doit pas être saccagé ni bradé. Nous sommes tous intéressés par le développement de l’Afrique. Si nous ne donnons pas à la jeunesse un futur de dignité, elle tombera dans la violence ou dans l’extrémisme, choisissant en masse d’émigrer, surtout en Europe, et cela engendrera de terribles problèmes”.

La "Guerre froide" a déterminé cette course aux richesses minières. L'Afrique était le continent des minerais stratégiques. Réduite à une carte géologique, avec l'Afrique du Sud comme sanctuaire inexpugnable à sa pointe méridionale et des gisements - notamment d'uranium - sécurisés au Niger et dans l'ex-Zaïre, le « continent convoité » était alors une réserve très vite exploitée pour 97 % du chrome, 54 % du manganèse, 40 % de l'or, 20 % du fer... Cependant, l'Afrique a payé cher d'avoir lié son développement aux cours erratiques de matières premières, sans valeur ajoutée.

Le pétrole du Soudan, comme celui au large des côtes de l'Atlantique, du Nigeria au Cameroun, devient un enjeu mondial avec une production de 5 millions de barils/jour, plus 10% de la production mondiale.
Service de presse du Vatican-VIS

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